Il n’y a, pour le moment, pas de quoi fouetter un chat, dans le dossier des 94 milliards. C’est la conviction du ministre de la Justice, qui invite à laisser la justice travailler, selon son calendrier, et surtout éviter de politiser le débat, en cette veille d’élection, où certains candidats, note-t-il, aiment jouer à la manipulation, à l’exagération et aux déclarations fracassantes. Et sur ce point, il indexe particulièrement Ousmane Sonko qu’il traite de tous les noms, en attendant que l’enquête ouverte éclaire la lanterne des Sénégalais sur le saccage de son siège. Ismaïla Madior Fall était hier l’invité de l’émission «Objection» sur Sud Fm.
Alors que le débat fait rage sur l’affaire des 94 milliards, Ismaïla Madior Fall ne veut pas qu’on compromette la justice dans des affaires à forte connotation politique. Et il assure que le moment opportun, le procureur fera son travail. «Je pense qu’il faut faire attention dans le contexte politique, et ne pas trop mêler la justice à la politique. Il (Ousmane Sonko) a saisi le procureur; le procureur fait ce qu’il a à faire, en respectant le temps de la justice et en faisant des investigations. Mais le procureur n’a pas à communiquer (sur ce qu’il fait)», explique le garde des Sceaux. Qui ajoute : «il y a bien sûr possibilité de faire une enquête» dans cette affaire. Seulement, pour lui, dans ce cas précis, le procureur agit «en faisant attention au contexte électoral particulier». Et pour cause, le ministre de la Justice soutient que dans ce contexte pré-électoral, «les candidats instrumentalisent les choses, grossissent les choses, exagèrent, les uns les autres».
«Il faut éviter de trop faire intervenir la justice dans les dossiers, a priori, qui ont une forte dimension politique et électorale»
Pour lui, le procureur et la justice, d’une manière générale, sont d’autant plus fondés à faire attention, que pour le moment, dans cette affaire, ce qu’on y voit, «c’est des accusations, des contre-accusations» et «quelqu’un qui accuse les gens comme ça, qui accuse finalement tout le monde». A en croire Ismaïla Madior Fall, dans ce dossier de 94 milliards, «il y a rien de substantiel pour l’instant pour la justice». Toutefois, il assure que «s’il y a lieu de faire des investigations, il faut le faire». Quoi qu’il en soit, il est convaincu qu’Il y aura «un éclairage de la justice» dans cette affaire, «mais le temps de la justice n’est pas le temps de la compagne électorale et n’est pas le temps de la politique». Cela est si vrai, pour lui, que la justice peut se saisir de l’affaire même avant la présidentielle ou après. «On ne peut pas, comme ça, présager du temps de la justice, mais la justice fera son travail», note-t-il, avant de conclure sur le sujet : «il faut éviter de trop faire intervenir la justice dans les dossiers, a priori, qui ont une forte dimension politique et électorale».
«Le candidat, qui prétend que son siège a été attaqué, est très fort aussi dans la manipulation»
S’agissant du saccage du siège de Pastef, le ministre de la Justice assure que «l’enquête est en cours pour savoir ce qui s’est passé, et des gens ont été entendus». Mais il s’empresse d’ajouter qu’il ignore si ce qui est dit dans ces incidents est avéré ou non, tout en ne se privant pas de tirer sur Ousmane Sonko, qu’il peint en manipulateur, insulteur, violent… «Moi je ne sais pas si c’est vrai ou faux. Tout ce que je sais, c’est que le candidat, qui prétend que son siège a été attaqué, est très fort aussi dans la manipulation, dans les déclarations incendiaires. Je suis impressionné par sa capacité à insulter. Je suis choqué par sa violence. C’est un candidat qui nous a habitués à des déclarations fracassantes», assène le professeur de droit constitutionnel.
«Je n’influence personne, les gens font leur travail normalement mais…»
Il se défend pourtant de confondre son boubou de ministre de la Justice et celui de responsable politique, vu la manière dont il s’exprime sur Sonko et les affaires le concernant. «Je ne suis pas un travailleur de la justice. Le procureur et les juges font leur travail. Je n’influence personne, les gens font leur travail normalement, mais je dis qu’il faut peut-être aussi regarder s’il n’y a pas une part de manipulation et d’exagération, parce qu’au Sénégal, dans un contexte électoral, il y a des candidats qui aiment bien jouer ce jeu», se dédouane-t-il.
Mbaye THIANDOUM