La visite de Ousmane Sonko à Léona Niassène hier a connu beaucoup de rebondissements. En l’espace de quelques heures seulement, elle a été «annulée» par un communiqué portant le cachet du Khalife et partagé dans les réseaux sociaux ; suivi par celui de Pastef invitant les militants à ne pas s’emporter, avant que ce dernier ne soit enfin reçu par le porte-parole du Khalife. Une rencontre qui a permis de rétablir la vérité concernant la supposée «interdiction d’effectuer» la prière du vendredi dans la mosquée de Léona Niassène.
C’est un communiqué portant le cachet du Khalife général de Léona Niassène qui a déclenché l’histoire dans la matinée. Ce dernier invitait «respectueusement» le leader de Pastef qui avait prévu, selon le même communiqué, d’aller effectuer sa prière du vendredi à la Grande mosquée de Léona Niassène, d’y renoncer. «(…) nous avons appris de sources non officielles que le citoyen Monsieur Ousmane Sonko aurait prévu d'effectuer la prière de ce vendredi à Léona Niassène Kaolack. Si cette information est confirmée, nous l'invitons respectueusement à y renoncer afin d'éviter des perturbations dans notre cité religieuse qui accueille des milliers de pèlerins pour la célébration de la 101ème Ziarra de Mame Khalifa Niasse», lit-on sur le communiqué qui annonce également l’annulation de la conférence de presse qui était prévue. Ledit communiqué a été partagé par l’un des fils du Khalife de Leona sur sa page Facebook.
Une décision jugée «injuste» par les jeunes militants de Pastef qui ont multiplié les publications pour dénoncer un tel fait. Il a fallu que Pastef sorte un communiqué séance tenante pour inviter les militants et sympathisants à calmer les esprits. «Pastef/Les Patriotes a eu connaissance, à travers les réseaux sociaux, d’un document dont l’authenticité n’est pas encore établie à l’instant où ces lignes sont écrites», qui doute visiblement de l’authenticité du document. Poursuivant, le directoire de Pastef en appelle à la retenue de tous. «En tout état de cause et fût-il authentique, nous réitérons notre invitation, à tous les militants et sympathisants, à toujours faire abstraction de tout commentaire en direction de nos foyers religieux. Nous leur devons respect et égards».
Imam de Léona : «il ne doit pas y avoir de distinction pour les visiteurs»
Ousmane Sonko n’a finalement pas effectué la prière de vendredi à la mosquée de Léona Niassène. Mais à la fin de ladite prière, l’Imam a évoqué l’affaire devant le Khalife. «Nous ne sommes d'aucun bord politique. Il ne doit pas avoir de distinction parmi les visiteurs. C’est la maison de tout le monde. Si un musulman souhaite effectuer la prière du vendredi ici, je ne vois pas pourquoi quelqu’un devrait-il l’en empêcher», déclare-t-il dans son sermon. Pour lui «tant que c’est un musulman, cela ne devrait gêner personne, même si c’est un homme politique. Il n’y a rien de mal à la politique, moi-même je fais de la politique à ma manière», a-t-il fait savoir devant Pape Demba Bitèye.
Fils du porte-parole : «cette maison appartient à tout le monde…»
Quelques heures plus tard, Ousmane Sonko a été reçu par le porte-parole du Khalife général de Leona Niassène. Le fils de ce dernier a ouvert la séance en précisant que Léona Niassène ne saurait subir une quelconque pression. «Vous êtes ici chez vous, soyez la bienvenue. Cette maison appartient à tout le monde. Nous ne subissons aucune pression peu importe d’où elle peut venir. Un petit-fils de Cheikh Ibrahima ne saurait accepter une quelconque pression. Personne ne peut nous acheter non plus», renseigne-t-il avant d’assurer : «s’il y a une pression à subir, elle viendrait seulement d’Allah. Toutes les personnalités de ce pays sont passées ici. De Senghor, Blaise Diagne à nos jours et personne n’a été éconduit, jamais. Nous sommes contents de vous recevoir chez nous aujourd’hui, où vous trouverez des amis et sympathisants. Nous œuvrons tout le temps pour la paix, la stabilité et le développement du pays», dit-il avant de passer la parole au leader du Pastef.
Le porte-parole du Khalife : «le Khalife salue votre présence et prie pour vous»
Intervenant au nom du Khalife, le porte-parole de Léona Niassène se dit heureux d’accueillir le leader de Pastef et promet agir exclusivement au nom du Khalife. «C’est le Khalife qui m’a appelé personnellement pour me demander de vous recevoir en son nom. Nous savons tous que les préparatifs du ziarra sont rudes pour lui, parce que cela lui demande beaucoup d’efforts. Mais il salue votre visite et vous témoigne toute sa sympathie», renseigne-t-il. Avant d’ajouter : «il m’a chargé de vous dire qu’il prie pour vous. Tous ceux qui ont eu des ambitions pour ce pays sont passés devant le khalifat de Leona Niassène. Il n’y pas de distinction dans ses audiences». Le porte-parole du Khalife estime que les guides religieux doivent parler, s’impliquer dans la recherche de paix et de stabilité du pays. «Ce rôle incombe à tous les dignitaires et nous en faisons partie. A Léona Niassènes nous sommes impartiaux. Que personne n’aille dire que nous roulons pour tel ou tel autre», dit-il.
Ousmane Sonko : «on m’a toujours accueilli comme un fils dans cette maison»
Ousmane Sonko a pris la parole pour rassurer ses hôtes, en revenant sur ses rapports avec la Famille de Léona Niassène. «Quand j’ai reçu le carton d’invitation, j’ai automatiquement confirmé ma venue à ce Ziarra. Même si je n’en avais pas reçu, j’avais déjà prévu de venir, donc ma présence ici est tout à fait normale. Je suis venu de la Casamance hier (ndlr : jeudi) et après concertation avec Cheikh Tidiane Niass, nous avons convenu d’attendre l’après-midi pour faire notre ziarra», affirme Sonko.
Selon lui, sa relation avec Léona Niassène ne date pas d’aujourd’hui. «A chaque fois que je suis venu à Kaolack, je suis passé solliciter des prières. Et je n’ai jamais été confronté à une quelconque situation désagréable dans cette maison. On m’a toujours accueilli comme un fils de la famille. C’est d’ailleurs pour cela que je viens à chaque fois que je le désire», déclare Sonko qui assure par la même occasion qu’il n’a jamais été question d’utiliser la religion à des fins politiques «Nous avions dit depuis nos débuts que nous n’utiliserons jamais la religion pour des gains politiques. Nous devons être les premiers protecteurs de nos guides religieux. Nous ne devons pas les embarquer dans des histoires susceptibles de déteindre sur leur image. Nous devons tout faire pour les protéger contre cela», a-t-il fait savoir.
«Cet engouement peut gêner, mais je ne l’ai pas cherché. Même à un enterrement, c’est la même situation»
Comme pour faire taire les rumeurs sur l’interdiction de sa venue à la mosquée de Léona Niassène, le leader de Pastef soutient : «nous avons le droit de venir solliciter des prières. Si nous sommes là, ce n’est certainement pas pour dire que ce guide religieux est avec nous. Nous sommes conscients que tout comme nous avons des militants parmi vos talibés, d’autres acteurs en ont aussi des sympathisants. Tous ces groupes avec leurs choix différents restent vos talibés ; alors nous devons tout faire pour que l’harmonie continue de régner entre eux, nous devons tous faire attention aux manipulateurs», renseigne-t-il.
Ousmane Sonko de rassurer davantage le porte-parole du Khalife. «Cet engouement autour de ma personne peut gêner, mais je ne l’ai pas cherché. Même quand j’assiste à un enterrement, c’est la même situation. Je m’en excuse, pour tous les désagréments qu’elle peut causer», dit-il avant de préciser par contre que s’il avait voulu prier à la mosquée de Léona Niassène, personne n’aurait pu l’en empêcher. «Il était plus facile de m’interdire cette maison que la mosquée», assure-t-il.
Ndèye Khady DIOUF
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