Le 2 avril dernier, alors qu’il venait d’être réélu à la tête du Sénégal, devant un parterre de chefs d’État, quelques minutes après son installation, discourant, le Président Macky Sall marquait sa ferme volonté d’œuvrer à l’amélioration du cadre de vie dans notre pays. Il avait également fait part de sa décision de tout mettre en œuvre pour la sauvegarde de l’environnement. Pourtant, le Sénégal figure parmi les rares pays dans le monde où des centaines de milliers de tonnes de plastique sont expédiées chaque année, en provenance des États-Unis d’Amérique.
Le discours politique est-il intimement lié à la rhétorique, c'est-à-dire à l'art de persuader par des arguments qui sont efficaces avant d'être vrais ? La question à tout le mérité d’être posée à la suite d’un nouveau rapport qui met à nu un écart considérable entre le discours du Président Sall et la réalité des faits.Une chose est sûre, les discours politiques, même les plus historiques, n’ont de sens que quand ils sont suivis d’actes.
«Il y a urgence à mettre fin à l’encombrement urbain. Il y a urgence à mettre fin à l’insalubrité, aux occupations illégales de l’espace public et aux constructions anarchiques dans des zones inondables comme le Technopôle de Dakar. J’appelle à une mobilisation générale pour forger l’image d’un nouveau Sénégal. Un Sénégal plus propre dans ses quartiers, plus propre dans ses villages, plus propre dans ses villes, en un mot un Sénégal avec zéro déchet», avait alors déclaré le Président Macky Sall, martelant qu’il ne compte ménager aucun effort pour atteindre ses objectifs.
Si nous rappelons ainsi ces propos, c’est que dans un article publié récemment, le journal anglais The Guardian révélait que le Sénégal figurait parmi les onze pays dans le monde où des centaines de milliers de tonnes de plastique sont expédiées chaque année, en provenance des pays du Nord, notamment des États-Unis d’Amérique. Selon les révélations du journal britannique, le Sénégal aurait, à lui seul, importé mille tonnes de déchets plastiques par mois au cours du premier trimestre de cette année. Une décision qui, selon la même source, fait suite à l’interdiction d’entrée en Chine des déchets plastiques en provenance des États-Unis.
Réagissant à cette information, Greenpeace Afrique marque son indignation, rappelant à Macky Sall ce à quoi il s’était engagé, il y a seulement trois mois. «C’est avec un grand intérêt que Greenpeace Afrique avait salué l’appel du président de la République, Monsieur Macky Sall, à une mobilisation générale pour forger l’image d’un nouveau Sénégal avec zéro déchet. Mais aujourd’hui, nous sommes très surpris d’apprendre l’importation de déchets venant des États-Unis par le Sénégal», a écrit l’Ong dans un communiqué parvenu à «Les Échos» et dans lequel elle déplore cette décision qui est contraire aux ambitions du chef de l’État sénégalais et à la loi 2015-09 du 21 avril 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronage et à la gestion rationnelle de déchets plastiques.
Mais, s’il en est ainsi, c’est que Greenpeace est conscient qu’au Sénégal, la problématique de la pollution plastique constitue une menace sérieuse pour l’écosystème en général, avec des conséquences graves sur la santé publique des Sénégalais. Pourtant, les industries responsables de la production massive de cette substance toxique continuent de développer leurs activités.
«Notre cadre de vie et le paysage urbain sont détériorés par la présence des déchets plastiques. Nous assistons tous les jours à des images inquiétantes de plages couvertes de déchets plastiques. L’ampleur de la contamination du milieu marin par les déchets plastiques est aussi énorme. C’est pourquoi nous pensons que le gouvernement du Sénégal devrait réduire voire bannir le plastique au lieu d’importer des tonnes de plastique d’autres pays», déplore encore l’organisation internationale, qui invite le Sénégal à prendre des mesures fortes qui conduiront à l’élimination totale des plastiques dans le pays.
Pour freiner cette dégradation de l’environnement, Greenpeace conseille d’inverser le cours de la pollution plastique, en prenant des mesures pour empêcher sa production et/ou son importation par les entreprises. «Celles-ci doivent investir dans des systèmes innovants de distribution plus durables permettant de réduire le recours aux emballages en plastique», recommande l’organisation internationale.
Sidy Djimby NDAO Pour Les Echos