Quand est-ce que le Sénégal aura droit à une préparation de campagne agricole digne de ce nom ? La question vaut son pesant d'or après la demande faite par le ministre Moussa Baldé auprès de l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Alors que l'hivernage approche à grands pas, le ministre de l'Agriculture et de l'Équipement rural a saisi le Comité de règlement des différends de l'Armp d'une demande de dérogation sur les procédures de sélection des fournisseurs d'intrants au titre de la campagne agricole 2021/2022. Une demande plus que surprenante pour le Crd, car les moyens développés par le ministre Moussa Baldé pour bénéficier de cette dérogation témoignent de la négligence à juste titre dont fait montre ledit ministre sachant qu'une campagne agricole a lieu chaque année.
En voilà une négligence inacceptable de la part d’un Mathématicien que le chef de l’Etat ne doit pas laisser passer. Le ministre de l'Agriculture et de l'Équipement rural a saisi le Comité de règlement des différends de l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp) d'une demande de dérogation sur les procédures de sélection des fournisseurs d'intrants au titre de la campagne agricole 2021/2022. A l'appui de la saisine, Moussa Baldé soutient que pour la campagne agricole 2021/2022 en préparation et dont la mise en place des différents intrants doit s'opérer avant la fin du mois de mai 2021 au niveau des communes, afin de respecter le calendrier cultural, il s'avère difficile voire impossible de dérouler les procédures d'acquisition selon les dispositions du Code des marchés publics, sans compromettre le principe d'efficacité et l'atteinte des objectifs de souveraineté alimentaire et de production assignés au ministère dans le Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré (Pap2a). En conclusion, Moussa Baldé sollicite, à titre dérogatoire et exceptionnel, l'application des procédures habituelles de sélection des fournisseurs d'intrants agricoles pour la campagne agricole 2021/2022 dans l'attente de la finalisation de l'accompagnement technique de I‘Armp pour une mise en place d'une procédure conforme et tenant compte des spécificités du secteur.
Le Crd fait la leçon de bonne gestion des deniers publics à Moussa Baldé
En examinant la demande du ministre Moussa Baldé, le Crd relève que la sélection des fournisseurs d'intrants agricoles vise à permettre aux agriculteurs bénéficiaires de disposer d'engrais et de semences à des prix réduits afin de parvenir à une amélioration de la productivité agricole nécessaire à une autosuffisance alimentaire tendant à l'atteinte de la sécurité alimentaire. Ainsi, poursuit le Crd, il apparaît sur les pièces produites par le Maer, lors de la réunion technique avec l'Armp, que l'autorité contractante procède à la sélection des fournisseurs potentiels d'intrants qui répondent aux conditions requises préalablement fixées par un cahier des charges pour une bonne exécution du programme, après que ces derniers ont donné des informations sur leurs capacités financières et logistiques.
Par ailleurs, les fournisseurs retenus reçoivent du Maer une notification indiquant notamment les quantités à fournir ainsi qu'un planning indiquant les sites de dépôt pour les contrôles par les Directions régionales de Développement rural (certification, quantités collectées, conditionnement) ou les lieux de livraison. Enfin, en fonction des quantités d'intrants remises aux paysans, l'Etat du Sénégal paie une contrepartie financière variable en ce que le paiement fait par l'Etat au fournisseur peut être à 100%, comme c'est le cas pour les semences espèces diverses (manioc et le riz), ou limité à 83,33% pour les pastèques etc. à charge dans ce dernier cas pour le bénéficiaire final de l'intrant de supporter le reliquat du prix de cession.
Somme toute, le Comité de règlement des différends souligne, après l'analyse de ces opérations, qu’il est manifeste que la sélection de ces fournisseurs est un marché public au regard de la définition susvisée donnée par le Code des marchés publics, même s'il est vrai que le paiement du prix de cession des intrants est supporté soit par l'Etat dans son intégralité, soit en partie par ce dernier et le reliquat complété par le bénéficiaire final. Dès lors, fait savoir le Crd à Moussa Baldé, l'exigence de rationalisation des deniers publics et la nécessaire préservation de l'égal accès de tous à la commande publique commandent la mise en œuvre d'une procédure concurrentielle.
Défaut de planification et d'inscription dans le budget de l'Etat
Le Crd de poursuivre : «même si les intrants ne sont pas dans la comptabilité matière de l'Etat, il n'en demeure pas moins vrai que leur processus de distribution est supervisé par la Commission nationale de supervision, de contrôle et de suivi des opérations de cession des intrants agricoles mise en place par lettre circulaire et par des commissions régionales, départementales et locales et dont les opérations sont matérialisées dans un registre laissant trace écrite». Dès lors, la difficulté d'avoir des attestations d'existence de crédits avant l'approbation des projets de marchés invoquée par le Maer ne résulte que d'un défaut de planification et d'inscription dans le budget de l'Etat des ressources financières nécessaires à la réalisation des objectifs assignés au Maer dans ce domaine. En plus, dans le domaine de la commande publique, il est de principe pour les autorités contractantes de planifier et d'évaluer à temps leurs besoins, de publier leurs plans de passation des marchés auprès de l'organe de contrôle a priori, de s'assurer de l'existence de crédits budgétaires suffisants et de recourir à une procédure concurrentielle de nature à mettre en concurrence tous les candidats intéressés en vue d'une bonne optimisation des deniers publics (respect du principe de l'économie).
«Le Maer a ainsi créé la situation d'urgence actuelle de nature à induire des conséquences désastreuses pour le monde rural»
Pour finir, l'Armp considère qu'il incombait au ministre de l'Agriculture et de l'Équipement rural dès réception de la lettre n°02124/Armp/Crd/Dg/Cgeir du 11 septembre 2020 de prendre toutes les dispositions idoines avec ses organes internes de passation des marchés publics (commission des marchés et cellule de passation) pour se conformer aux dispositions du Code des marchés publics dans le cadre de la préparation de la campagne agricole 2021/2022. «En s'abstenant de le faire, il est manifeste que l'autorité contractante a manqué à son obligation de planification et a ainsi créé la situation d'urgence actuelle de nature à induire des conséquences désastreuses pour le monde rural si aucune mesure immédiate n'est prise», constate ainsi l'Armp.
Malgré tous ces manquements et toutes ses remontrances, l'Armp a répondu favorablement «à titre exceptionnel» à la demande de dérogation sur les procédures de sélection des fournisseurs d'intrants au titre de la campagne agricole 2021/2022 formulée par Moussa Baldé. Au grand dam des autres fournisseurs qui auraient pu saisir leur chance de participer à cet appel d'offres.
Samba THIAM