En 2023, le volume d'investissement dans la tech africaine a enregistré une baisse en glissement annuel 21%, tombant à un peu plus de 4 milliards de dollars, par rapport aux 5,2 milliards de dollars enregistrés en 2022. C’est ce qu’on apprend d’un nouveau rapport publié récemment par Briter Bridge, qui précise qu’il s’agit de la première baisse enregistrée sur la dernière décennie (2014-2023).
Selon le document disponible sur Ecofin Pro, le continent a attiré 22 milliards de dollars en capital-risque au cours de ladite décennie. En fait, « au cours de la dernière décennie, les investissements dans les entreprises (tech, ndlr) opérant en Afrique sont pratiquement passés de zéro à un marché de plus de 2 à 5 milliards par an au cours des cinq dernières années, avec des centaines de nouvelles entreprises et d'investisseurs entrant dans l'écosystème », explique le rapport.
Pour les auteurs, la baisse en glissement annuel enregistrée en 2023 est principalement due à l’assèchement des méga-deals (levée de fonds de 100 millions de dollars et plus) en raison du ralentissement des marchés mondiaux de capital-risque. Alors qu’elle pourrait faire craindre une crise, mais une analyse plus approfondie révèle une réalité plus nuancée.
Un secteur résilient et dynamique
En effet, le volume d'investissement enregistré en 2023 représente près du double de la valeur annuelle moyenne de la décennie. De plus, le nombre de transactions a progressé de 11 % en 2023, atteignant plus de 1080 accords, contre 975 en 2022. Cette hausse s’accompagne d'une tendance notable : l'augmentation des opérations de fusion-acquisition, avec plus de 30 opérations enregistrées.
Comme à l'accoutumée, l'allocation des investissements reste concentrée sur le Nigeria, le Kenya, l'Égypte et l'Afrique du Sud, qui ont attiré 68 % des financements. Cependant, une nouvelle dynamique émerge avec la diversification des sources de financement.
Resserrement du crédit
Si le volume d'investissement est en baisse significative, la part de la dette est en hausse notable. La Fintech continue d'attirer la majeure partie des investissements (23 %), mais l'émergence de nouveaux fonds sectoriels spécialisés stimule les investissements dans des domaines comme la santé, les biotechnologies, le climat et la logistique.
L'explication principale de la baisse globale du volume d'investissement réside dans la raréfaction des gros deals supérieurs à 100 millions de dollars. Ce phénomène, appelé funding winter, résulte du recentrage des fonds internationaux qui comptaient pour la majorité des gros investissements sur leurs marchés principaux.
Selon Briter Bridge, plus de 50 % des transactions déclarées en 2023 concernaient des montants inférieurs à 250 000 dollars. Ce repli n'est pas synonyme de crise, mais plutôt d'une « reconfiguration » suite aux années d'abondance de liquidités post-pandémie.
Optimisme prudent
Cette analyse rejoint les conclusions du rapport 2023 Africa Tech Venture Capital Report de Partech Africa, qui observe un ralentissement similaire du financement par capital-risque. Malgré des divergences de chiffres (3,5 milliards de dollars et 547 transactions pour Partech Africa) dues aux types de transactions prises en compte (Briter Bridge a pris en compte aussi bien les transactions publiquement déclarées et celles non publiées), les tendances convergent.
Malgré ce contexte, il est important de souligner que les niveaux de financement en 2023 restent supérieurs à ceux observés avant la pandémie. Cette résilience montre que le secteur technologique africain maintient une trajectoire de croissance sous-jacente robuste et continue d'attirer des investisseurs. Néanmoins, le climat économique actuel impose une approche plus prudente, notamment concernant les financements de grande ampleur.
« Presque tous les financements en phase de croissance provenaient auparavant de grands fonds mondiaux sans mandat dédié à l’Afrique. Ces fonds se recentrent désormais sur leurs principaux marchés. Cela a créé une nouvelle pénurie de financements en phase de croissance importante et l'absence de méga-transactions, » explique Partech Africa.
Selon ce dernier, bien que difficile, la situation actuelle s'inscrit dans un contexte plus large de correction du marché du capital-risque « qui a connu auparavant des valorisations et des multiples exceptionnellement élevés, ainsi qu'une forte augmentation des financements en 2021 ».
« Le secteur traverse actuellement une correction qui, nous l'espérons, sera suivie d'une trajectoire de croissance plus stable. De tels ajustements sont typiques de l'évolution de tout écosystème émergent, représentant une phase de consolidation qui ouvre la voie à un développement plus durable et équilibré, » ajoute la source, résolument optimiste.
Mouka Mezonlin