Belle trouvaille pour Macky Sall ! Face à des lendemains électoraux lourds de dangers, il a su ramollir ses adversaires, avec son initiative de dialogue national qui, aujourd’hui, est source de méfiance, de division entre des segments de l’opposition qui n’hésitent même plus à se tirer dessus. Résultats, presque absente sur le terrain de l’initiative, l’opposition perd du terrain et se fait de plus en plus embarquer par les mouvements citoyens qui ont repris le flambeau de la lutte, face à un régime qui déroule tranquillement en l’absence d’une opposition unie et combative.
Invité dimanche dernier du Grand Jury de la Rfm, Barthélemy Dias a encore tiré, avec des menaces de déballages, sur l’opposition qui a répondu à la main tendue du chef de l’Etat. «Ou on s'oppose ou on est complice de ce pouvoir. S'ils ne quittent pas la table de négociation, je continuerai à parler, et j'en dirai beaucoup, parce que je connais beaucoup de choses», a martelé le lieutenant de Khalifa Sall. Selon lui en effet, Macky Sall «n’est ni un homme d’Etat, ni un homme d’avenir».
Avant la sortie de Barthélemy Dias, le Pds s’était démarqué de la démarche de certains partis du Front de résistance nationale de participer au dialogue. Et depuis lors, à chaque sortie ou communiqué, le parti de Me Wade condamne une participation de l’opposition à ce dialogue. Une posture que partage Pastef. D’ailleurs, récemment, lors d’une rencontre au sommet entre Wade et Sonko, les deux leaders les plus en vue de l’opposition ont fustigé le «comportement de l’opposition qui est vite allée répondre à l’appel de Macky Sall, sans se poser des questions sur les enjeux de ce dialogue». Pour eux, l’opposition «ne doit pas servir de caution» à Macky Sall qui, à travers son pseudo dialogue, «la détournera des vraies difficultés des populations», sans compter qu’il en profite pour exécuter son agenda politique, comme le report des élections locales.
Thierno Alassane Sall, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo aussi
Une autre partie de l’opposition réunie au sein du Congrès de la renaissance démocratique (Crd), regroupant, entre autres, l’Act d’Abdoul Mbaye, Tekki de Mamadou Lamine Diallo, La République des valeurs de Thierno Alassane Sall, la Ld-debout…, s’est démarqué de l’opposition dialogueuse. Mieux, il y a un mois, le Crd a réagi durement contre une publication de l’ancien député Mamadou Bamba Ndiaye du Mps Selal, membre du Frn, le qualifiant même de «mackysard» et le menaçant de «poursuites judiciaires», après que ce dernier s’est offusqué du fait qu’ils critiquent les participants au dialogue, alors qu’ils y sont représentés.
«Personne ne peut nous dicter une conduite à tenir»
Du côté des partis indexés, on se défend en mettant en avant l’indépendance et la liberté de chaque parti à prendre des décisions et orientations qu’il considère comme les meilleures. «Le Grand Parti est toujours dans le dialogue… Les partis sont libres de dialoguer ou de ne pas dialoguer. Nous ne dépendons ni du Pds et encore moins de Pastef. Nous sommes des partis libres, indépendants et avec des objectifs clairement identifiés», a martelé Songo Matar Ndiaye du Grand Parti. Et le lieutenant de Malick Gakou d’ajouter : «personne dans ce pays ne peut nous dicter une conduite à tenir. Nous n’avons de complexe devant personne, même si nous respectons tout le monde».
En outre, des participants au dialogue relèvent même une contradiction dans l’attitude de certains de leurs détracteurs de l’opposition, qui les critiquent, alors que leur parti ou leur camp est représenté au dialogue, à travers le Frn. «Au moment où je vous parle, Pastef est dans le Front (de l’opposition qui participe au dialogue), Khalifa Sall est représenté par Saliou Sall, qui est le vice-président de Déthié Fall, coordonnateur du pôle de l’opposition qui participe au dialogue. Mieux, au lancement du dialogue, Khalifa Sall était le plus représenté, avec trois de ses responsables», nous souffle un interlocuteur, en réponse aux positions et propos de Barthélemy Dias et de Sonko, qui sont parmi les plus virulents contre le dialogue national. Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, le 17 juillet dernier et intitulé «Report des locales : le jeu trouble des pourfendeurs», l’honorable Mamadou Bamba Ndiaye du Mps Selal, membre du Frn, dénonçait lui aussi la posture de leurs détracteurs. «Les Sénégalais doivent savoir que ceux qui injurient les "dialoguistes" sont eux-mêmes "dialoguistes" et que leurs représentants siègent avec assiduité dans la commission politique du dialogue national. Il leur revient de gérer cette contradiction flagrante, qui est une manifestation de double langage et de double jeu, pour dire le moins. La cohérence de la démarche est une exigence pour les hommes et les femmes qui prétendent représenter les citoyens. Et l'incohérence est toujours le signe de l'existence d'enjeux cachés», avait-il martelé, s’attirant dès le lendemain, les foudres du Crd.
Une guéguerre interne qui divise et affaiblit l’opposition qui perd du terrain au profit des mouvements citoyens
Cette guerre larvée entre partisans et détracteurs opposants du dialogue a fini de déteindre sur la dynamique unitaire de l’opposition qui, aujourd’hui, est scindée en trois grands pôles. Il y a celle dialogueuse, constituée de la grande masse des partis du Front de résistance nationale ; et deux autres opposés au dialogue, à savoir l’axe Pds-Pastef qui se consolide de plus en plus et le Congrès de la renaissance démocratique. Aujourd’hui, sur le terrain, chaque groupe déroule son propre agenda. Une situation qui rend presque impossible toute initiative commune de lutte.
L’opposition supplantée par les mouvements citoyens dans le terrain de la lutte
Paradoxalement, l’opposition qui devait être la locomotive des luttes politiques et sociales est aujourd’hui reléguée au second plan, embarquée par les mouvements citoyens du genre «Aar Li Nu Bokk», «Frapp-France dégage» et des activistes plus ou moins isolés, qui donnent désormais le ton du combat contre le régime. Et cela va sans dire que la division, l’affaiblissement et le manque d’initiatives unitaires de l’opposition font l’affaire du régime, qui en profite pour dérouler assez tranquillement son calendrier.
Mbaye THIANDOUM