Le Directeur général de la Banque régionale des marchés (BRM) a comparu hier, devant le juge pénal, pour faux et usage de faux et tentative d’escroquerie. Alioune Camara est traîné à la barre par Khadim Kébé, le fils du défunt milliardaire Ndiouga Kébé. Ce dernier accuse le patron de l’institution bancaire d’avoir fait des manoeuvres frauduleuses pour lui soutirer 10 milliards de francs. L’affaire est mise en délibéré au 22 janvier prochain.
C’était hier une bataille de titans, au tribunal correctionnel, qui a opposé deux géants, en l’occurrence Khadim Kébé, le fils du défunt milliardaire Ndiouga Kébé et patron de l’entreprise Focus Immobilier, à Alioune Camara, le Directeur général de la Banque régionale des marchés (BRM). Le fils de Ndiouga Kébé a traîné en justice le patron de la banque, qu’il a accusé de tentative d’escroquerie, faux et usage de faux en écritures privées de banque, le tout portant sur 10 milliards de francs. Le banquier, qui a comparu à la barre, hier, a nié totalement les faits. Mais n’empêche, pour les avocats de Khadim Kébé, Mes Baboucar Cissé et Baboucar Koïta, les faits sont avérés. A les en croire, Khadim Kébé voulait un financement pour son projet de construction d’immeubles. Il s’en est ouvert à la société SIM, qui a joué les intermédiaires et a pu trouver avec la banque une caution de 5 milliards au profit donc de la SIM qui s’est portée garante de Focus immobilier. La caution de 5 milliards est étalée pour 60 mois.
Le juge ordonne la mainlevée de la caution, la banque refuse
Selon les conseils de Khadim Kébé, Focus a respecté ses engagements vis-à-vis de la société SIM, qui l’a même reconnu. D’autres prêts ont été faits au profit de Focus Immobilier, le tout portant sur 14 milliards de nos francs. Cependant, lorsqu’ils ont voulu faire lever la caution, la BRM a refusé. Ce qui les a amenés à l’assigner devant le juge des référés. Dans son ordonnance du 23 avril 2018, le juge a ordonné la mainlevée de la caution. Ce que la banque a refusé. Khadim Kébé a réussi à avoir une autre ordonnance de mainlevée de caution portant sur 900 millions de francs. Mais la banque leur a toujours opposé un niet catégorique. Et pour Me Koïta, ce n’est pas la banque, mais plutôt Alioune Camara ès nom qui s’est opposé. Pis, il a envoyé des lettres pour expliquer les crédits et débits dans le compte de Focus ouvert à la BRM. Et ce n’est pas tout, il a débité le compte de 604 millions de francs. C’est à partir de là qu’une citation directe lui a été servie. Selon le fils de Ndiouga Kébé, pour tous les prêts qui portent sur 14 milliards de francs, Focus Immobilier a tout payé, de sorte qu’il ne doit rien à la banque.
Le DG de la BRM accusé d’avoir fait des montages et de prise illégale d’intérêt
Un expert a été d’ailleurs désigné par le juge qui a abouti à la même conclusion. Selon Me Baboucar Cissé, Alioune Camara a voulu s’enrichir dans cette affaire. D’ailleurs, le notaire Papa Sambaré Diop le lui a fait savoir. En fait, après l’ordonnance du juge, le Directeur général de la banque a envoyé des lettres de débit de comptes à Khadim Kébé, jusqu’à atteindre 10 milliards, alors que ce dernier ne lui doit absolument rien. Les montages et autres actes illégaux posés par le banquier sont constitutifs, selon Me Cissé, du délit d’initié, d’une prise illégale d’intérêt.
Pour Me Koïta, Alioune Camara a pour objectif de «se servir de la banque pour régenter un acteur économique». Le compte de Khadim Kébé qu’il a déclassé ainsi que les écritures abusives dont il est l’auteur, tout comme les altérations de documents, sont suffisants pour retenir tous les délits pour lesquels il est poursuivi. L’avocat, qui avait réclamé un milliard, estime que la situation a changé, il réclame 10 milliards de francs pour les dommages et intérêts.
Alioune Camara nie et soutient qu’il n’y a que 111.000 francs dans le compte
Pour ses réquisitions, le Procureur s’en est rapporté à la décision du Tribunal.
Alioune Camara, pour sa part, s’est porté en faux contre ses accusations. Les débits de compte, selon lui, ne sont pas des paiements, puisqu’il n’y avait pas d’argent dans le compte, sinon 111.000 francs : mais il s’agit d’un «constat d’impayés». Me Babacar Camara, qui confirme son client, ajoute que ce dossier est une affaire civile qu’on veut correctionnaliser. Mieux, selon la robe noire, le fait de porter des écritures, une opération de crédit ou de débit, ne constitue pas des manœuvres frauduleuses. Selon lui, Alioune Camara n’a fait que respecter les termes de la convention. S’agissant de l’ordonnance qui n’a pas été exécutée, l’avocat précise qu’il s’agit d’une ordonnance exécutoire, mais pas définitive. Cette ordonnance, selon lui, s’applique à la société SIM, mais pas à la BRM.
Pour le délit d’escroquerie, Me Camara estime qu’il n’y en a pas eu puisqu’il n’y avait que 111.000 dans le compte. L’avocat précise que Khadim Kébé et Alioune Camara sont des amis, et c’est le fils de Ndiouga Kébé qui est allé le voir pour lui proposer un montage financier par la création de la société SIM. Me Camara souligne encore que le rapport de l’expert a noté que pour l’engagement de trésorerie, Khadim Kébé doit à la BRM 800 millions de francs. Il soutient cependant que l’expert a aussi fait plusieurs erreurs dans son travail.
L’affaire sera vidée le 22 janvier prochain.
Alassane DRAME