Près de deux mois après l’audience avec le président de la République, le secrétaire général de la Csa est revenu dans cet entretien sur les termes de référence de cette entrevue au palais. Elimane Diouf a passé au peigne fin le climat social délétère, selon lui, avec le dépôt de préavis de grève des centrales annoncé çà et là courant janvier 2022. Il a aussi dénoncé la question de la Sar et de l’autoroute à péage et invité le chef de l’Etat pour son adresse à la Nation à donner des gages quant à la prise en charge des préoccupations des travailleurs, mais aussi à apaiser le climat social très tendu avec les élections locales qui se dessinent.
Les Echos : Vous aviez rencontré le président de la République suite à votre marche initiée dernièrement. Quelle est la situation 45 jours après cette rencontre ?
Elimane Diouf : Le Président nous avait demandé, en dehors des cahiers de doléances, de lui faire un mémorandum sur les questions urgentes que nous avons soulevées. Nous avons soulevé dans le mémorandum des problèmes relatifs aux fonctionnaires ou au secteur privé, la question du pouvoir d’achat, celles du régime indemnitaire des fonctionnaires, des lenteurs administratives dans le cadre des acteurs de l’éducation et de la santé. Ces questions, nous les avons en commun avec les autres centrales dans le cadre des cahiers de doléances. Un début de négociation a démarré avec les enseignants et acteurs du G7. Par contre, les préoccupations sur lesquelles la Csa a des cas spécifiques, c’est concernant la régularisation de certains corps de travailleurs. Il y a aussi la question du pouvoir d’achat. Sur la question du loyer, il n’y a pas d’évolution. Au contraire, les gens persistent à faire fi des mesures qui ont été édictées par le gouvernement. C’est vrai qu’il (le gouvernement) a cherché, en disant qu’on va mettre sur place une commission, mais on se rend compte à la pratique que les mesures ne sont pas respectées. C’est pareil sur l’ensemble des autres prix qui ont connu une baisse.
Est-ce que vous sentez une réelle volonté de l’Etat à satisfaire vos exigences ?
Il y a certes des pas, mais franchement, on ne sent pas cette volonté. Il ne s’agit pas seulement de faire des promesses ou bien de tenter de faire des trucs trompe-l’œil, parce que quand on parlait de La Poste, on pensait que deux semaines après, il prendrait des mesures phares ; au contraire, ça s’est aggravé un mois après.
Le chef de l’Etat va dans quelques heures s’adresser à la Nation, avez-vous des attentes particulières?
Nos attentes sont plus liées à la situation sociale et politique du moment. Comment doit-il faire pour pacifier la situation politique ? Éviter que ces élections soient un lit de tension. Il doit appeler à l’apaisement, faire un discours rassembleur à la population et les appeler à des élections libres et transparentes. Certains proposent un pacte. Mais le véritable stabilisateur de la paix sociale, c’est le président de la République. Son discours doit apaiser. Les autres attentes, c’est la matérialisation de certaines promesses : l’augmentation des pensions de retraite pour l’année 2022 ; voir comment faire en sorte que le pouvoir d’achat des travailleurs et des Sénégalais soit sauvegardé ; faire en sorte que le Président puisse faire appliquer les mesures qu’il met en avant (la baisse du loyer, la réorganisation du système du loyer, la baisse des prix). Nos attentes, c’est aussi d’aller, début 2022, vers des négociations avec l’Etat pour permettre d’apaiser le climat social. Sinon, de préavis de grève en préavis de grève, ce sont finalement les centrales qui vont aller à des dépôts de préavis de grève.
Au-delà du syndicaliste que vous êtes, quel commentaire vous inspire la situation de la Sen’Eau en tant que père de famille ?
En tant que père de famille et client de la Sen’Eau, nous la dénonçons vivement. Pour quelqu’un qui est de l’intérieur, nous avons déjà dénoncé cet état de fait. Dans une déclaration publiée au mois de juin, nous avions demandé à l’Etat de prendre ses responsabilités. La situation est pire que ce que nous vivions avant. Ce n’est pas normal. Le ministre promet un audit des compteurs, mais ce n’est pas seulement lié aux compteurs, c’est lié aussi à la distribution de l’eau à Dakar. Pourquoi ces gens ne parviennent toujours pas à honorer leurs promesses malgré KMS3 avec 100.000m3/jour ? C’est ça le problème. C’est un audit de ce contrat qu’il faut pour voir si toutes les promesses ont été tenues. L’Etat du Sénégal à travers ce contrat, est-ce qu’ils sont en mesure de le satisfaire ? Si tel n’est pas le cas, que l’Etat prenne ses responsabilités.
C’est-à-dire ?
L’Etat est la force qui doit décider. Si quelqu’un ne remplit pas sa mission, il doit voir comment le contraindre à le remplir.
Quel commentaire faites-vous du nouveau système de taxation initié par l’Etat pour faire payer l’impôt au bailleur de location ?
Je l’ai appris récemment. L’Etat est en train de taxer les bailleurs au niveau de la location. Il y a un impôt qui sera appliqué sur les loyers. C‘est une façon pour l’Etat de récupérer de l’argent. On ne peut pas dire que c'est une mauvaise chose si cela permet à l’Etat d’investir correctement. Mais s’il s’agit de faire de la récupération et faire des investissements de prestige, ça pose problème.
Propos recueillis par Baye Modou SARR