Le président Malick Lamotte a théorisé une «déjudiciarisation osée» de certaines questions comme «le statut personnel, les règlements et les dévolutions» confiées aux juges et qui auraient pu être gérées par les notaires. Ce qui permettra de désengorger les rôles. Ce, d’autant plus que ces dossiers connaissent parfois des lenteurs de plus de 20 ans. De son côté, le Directeur général de la Caisse des dépôts et consignation a annoncé une plateforme digitale de gestion des flux financiers des notaires, afin de permettre aux notaires des régions et ceux de Dakar d’avoir les mêmes prestations de service.
La Chambre des notaires du Sénégal (Cdns) organise, depuis hier, les Journées du notariat, à la place de l’indépendance, sous le thème : «Le notaire, garant de la sécurité juridique». Selon la présidente de la Chambre des notaires, Aïssatou Sow Badiane, ces journées portes ouvertes permettront à la population de surmonter certaines difficultés liées à la méconnaissance des procédures et des statuts du notaire. Il s’agit, ajoute-t-elle, de familiariser les gens à la profession de notaire. Revenant sur les émoluments des notaires jugés exorbitants, Mme Badiane rappelle que le tarif est fixé par l’Etat. «Il y a un tarif que l’Etat a édicté et ce tarif décline acte par acte combien le notaire doit percevoir sur chaque type d’acte. Je pense que si on n’a même pas le privilège de fixer le montant qui doit vous être payé pour une opération, on ne peut pas dire que nous sommes chers. L’Etat connait la situation du pays et il ne peut fixer des prix exorbitants que les populations ne peuvent payer», indique la présidente de la Chambre des notaires, qui révèle que la chambre fait des efforts lorsqu’il y a des dossiers sociaux. Mme Badiane en veut pour preuve la baisse de 74% de leurs émoluments au Pôle urbain de Diamniadio.
Plateforme digitale de gestion des flux financiers
Venue représenter le ministre de la Justice, Aicha Gassama Tall, secrétaire général dudit ministère, est également revenue sur les difficultés de cette profession. Une première difficulté liée à la méconnaissance de la profession et la seconde qui résulte de la mauvaise répartition des notaires à travers le territoire national. Si, à Dakar, il y a assez de notaires, relève Mme Tall, dans les régions, les notaires sont insuffisants. C’est pour cette raison que le Directeur général de la Caisse des dépôts et consignation, Aliou Sall, s’est engagé à mettre en place une plateforme digitale de gestion des flux financiers des notaires en partenariat avec deux institutions bancaires. «Cette plateforme, qui repose sur une démarche de transformation digitale, va permettre une gestion optimale des comptes des notaires, en facilitant et sécurisant les opérations sur l’ensemble du territoire national. Les notaires installés dans les régions pourront désormais bénéficier des mêmes prestations de service que ceux installés dans la région de Dakar. Le déploiement de cette plateforme est prévu pour le mois de juin 2019», révèle le frère du Président, dont la structure est chargée de gérer les comptes des notaires, des administrateurs de greffes, des administrateurs et mandataires judiciaires.
Déjudiciarisation osée
Chargé de présenter le thème sur l’acte authentique notarié, un instrument juridique adapté aux besoins de notre société, le président du Tribunal de grande instance, Malick Lamotte, dans son exposé, a théorisé la «déjudiciarisation» pour désengorger les rôles des audiences. «L’acte authentique présente des atouts réels qui en font un outil de sécurité des affaires qui ont besoin de souplesse et de rapidité, mais également une panacée pour l’engorgement des rôles des juridictions. Je prône la déjudiciarisation osée ; une déjudiciarisation qui va concerner certaines matières : les questions relatives au statut personnel, les questions de règlement et de dévolution. Vous (les notaires) êtes les mieux outillés techniquement pour gérer toutes ces questions qui durent 10, 15 ou 20 ans dans les juridictions», indique le magistrat, qui donne l’exemple d’une procédure de liquidation de succession. L’ouverture de ce dossier, dit-il, était beaucoup plus âgé que le juge lui-même. D’où l’urgence pour les notaires de gérer ces questions. «Ensemble nous pourrons discuter et voir quel est le champ de cette déjudiciarisation osée. Pourquoi ne pas aller au-delà des questions de statut personnel et oser également des questions d’adjudications immobilières lorsqu’il n’y a pas d’incidents de procédures qui sont soulevés», préconise M. Lamotte.
Moussa CISS