Comme à Koundioughor, le chef de guerre de l’aile militaire du Mfdc du Nord Sindian, dans le département de Bignona, Salif Sadio, a encore brillé par son absence à la rencontre de Thionck-Essyl.
La population du Grand Essyl a répondu à l’appel de son fils (Kartiack). C’est Abdoulaye Mané qui a lu le document préparé en français. Mais c’est Ousmane Diédhiou, très en verve comme la fois dernière, qui a tenu en haleine l’assistance, avec un discours captivant. Il est revenu sur «la vraie histoire» de la Casamance que, dit-il, l’Etat du Sénégal «refuse d’enseigner dans les écoles». Il dit d’emblée que «c’est grâce à l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor que nous avons connu la vraie histoire de la Casamance». Mais, avant d’entrer en plein dans la communication, Ousmane Diédhiou, donnant le message de son chef, a tenu à dénoncer : «nous avons appris que les gendarmes ont essayé d’intimider le comité du Mfdc de Thionck-Essyl. Salif vous fait savoir que la direction politique du Mfdc n’a pas affaire à un sous-préfet, un gouverneur, un député, un commandant de la gendarmerie et/ou de l’armée. C’est avec Macky Sall qu’il a affaire. En tout cas, nous avons dit à tous les diplomates que nous avons rencontrés que le Mfdc va respecter sa parole».
Faisant un peu d’histoire, Ousmane Diédhiou enseigne : «les trois batailles entre les colons et les Casamançais ont eu lieu l’une à Thionck-Essyl et les deux autres à l’île de Hilol (où le capitaine Protet, enterré à Carabane, a été battu, Ndlr). C’est le décret du 12 octobre 1882 qui a créé les frontières entre le Sénégal et la Casamance», soutient-il.
Puis de poursuivre : «le nom Casamance vient du mot de l’ethnie ‘’Adiamate’’ qui dit ‘’Kassamouakou’’ qui veut dire un grand fleuve. Les Portugais sont entrés en Casamance par le fleuve et les populations rencontrées sont les ‘’Jamattes’’. La Casamance est frontalière de la partie sud-ouest de la Mauritanie, le département de Bakel qu’on appelle la haute Casamance. C’est Valdiodio Ndiaye, en 1962, qui a pris cette région qu’il a renommée le Sénégal Oriental. La Casamance est frontalière au nord avec le Sénégal. Il y a une partie du Nord Gambie qui appartient à la Casamance. Tous les présidents du Sénégal le savent, même Macky Sall, le tout dernier venu, le sait. C’est la convention franco-portugaise du 12 mai 1886 qui a permis aux deux colons d’échanger entre la Guinée-Bissau et la Casamance. La Casamance est dans la zone sub-guinéenne. Contrairement au Sénégal qui est dans une zone désertique».
Le peuplement de la Casamance
A en croire Ousmane Diédhiou, «la Casamance a été peuplée par les vagues migratoires. La première vague, c’est celle joola, qui englobe les Jamattes qui avoisinent les Baïnounks, les Mancagnes, les Manjacks, les Balantes et tant d’autres ethnies. Ce sont ces ethnies qu’on appelle les Joolas. Ceux qui se disent des Joolas en réalité sont des Jamattes. Le mot Joola vient des peuples mandingues du Mali qui appelaient ceux d’ici en mandingue «Diolakole» qui veut dire ceux du pays des Couchas. Après le groupe des Joolas, c’est la vague des Malinkés, qui ont choisi de rester entre le Mali et Sédhiou, la Moyenne Casamance. Après les Malinkés, c’est les Foulas qui sont arrivés en Casamance et se sont installés à Kolda. Il y a d’autres ethnies comme les Bassaris, les Bediks, les Cognaguis qui sont tous des Casamançais. C’est cette histoire que les Sénégalais, en connivence avec les soi-disant cadres Casamançais, ne veulent pas que vous sachiez. Tous ces cadres n’ont jamais voulu faire face à l’Abbé Augustin Senghor. Ils se sont tous tus et dès la mort de ce dernier, ils se sont dit que les combattants ne savent rien, ils n’ont pas fait les bancs. Comme toute l’Afrique, la Casamance a été colonisée. Les colons sont rentrés en Casamance, mais la Casamance n’a jamais été soumise».
La Casamance est terroir de protectorat et non une colonie soumise
C’est en 1826 que le premier colon portugais est venu en Casamance. Après, c’est Jean Clément Victor Dangle qui est arrivé avec des Sénégalais. Le premier traité a été signé à Brin en 1828. Plus puissant que les Portugais, les Français, voulant récupérer la Casamance des mains portugaises, se sont installés à l’île de Diogué pour disent-ils contrôler les bateaux qui entrent en Casamance. C’est là qu’ils ont signé des traités d’amitié avec le chef de l’île de Hitou. C’est ici à Thionck-Essyl que le colon Pinet-Laprade a été vaincu par la population locale. C’est pourquoi ils ont signé des traités dans plusieurs villages de la Casamance. Les résistants casamançais se sont battus avec les Français et les ont contraints à signer des traités. C’est pourquoi il est écrit dans les archives que la Casamance est terroir de protectorat et non une colonie soumise».
Les combattants ont évoqué dans leur communication un fait qu’ils ont déploré. Ils soutiennent que les membres du comité du Mfdc de Thionck-Essyl ont été intimidés par la gendarmerie. Ousmane Diédhiou voulant les rassurer, souligne : «ce n’est pas les petits agents qui vont vous inquiéter. N’ayez pas peur. Continuez à mobiliser les comités. Ni un général, ni un commandant ne peut nous nous ébranler ou nous inquiéter. Nous avons à faire à Macky Sall…».
A l’en croire, «le Président Senghor est un traitre. Il n’a pas donné suite aux deux lettres écrites par l’Abbé Augustin Senghor. Il a fui ses responsabilité et a donné le pouvoir à Abdou Diouf, plus jeune. Et ce dernier naïf qu’il était, nous a dit qu’il va massacrer le Mfdc. C’est pourquoi après les deux manifestations de 1981 et de 1982, il y a eu tout ce qui s’est passé». «Mais aujourd’hui, le Mfdc est encore plus fort», conclut Ousmane Diédhiou.
Baye Modou SARR