La société Q-net est au cœur de l’affaire des Africains arrêtés en Guinée, dont 46 Sénégalais. Toutes les dépositions indexent la société de vente en ligne. Et parmi les malheureux jeunes embarqués dans cette aventure, il y a le Sénégalais Grégoire Mendy, qui dit avoir seulement su une fois à Conakry qu’il s’agissait de Q-net, alors qu’il avait déposé son dossier pour Siemens. Pour le général Ansoumana Camara, Directeur de la police guinéenne, «le caractère et le moment» de cette présence de jeunes étrangers dans un même endroit «inquiète». Soupçonnant des choses pas nettes dans cette affaire et affirmant savoir qu’ils sont «infiltrés», la patron de la police soutient que tous les services compétents vont être mis à contribution pour que les 141 personnes arrêtées parlent et leur disent la vérité.
141 personnes de nationalités différentes, dont 46 Sénégalais, ont été arrêtées à Conakry mardi et mercredi derniers, dans deux concessions. Une affaire que les autorités policières guinéennes prennent très au sérieux, dans le contexte actuel du pays. D’où l’ouverture d’une enquête pour déterminer la véritable raison de la présence de nos compatriotes et de leurs compagnons d’infortune sur le sol guinéen. Mais les premières informations sorties des dépositions des personnes interpellées, et reprises par le site Guinée7.com, pointent déjà tous une seule cible : la société de vente en ligne Q-net.
Grégoire Mendy, jeune informaticien sénégalais qui pensait avoir déposé un dossier à la société Siemens, apprend qu’il s’agit de Q-net à son arrivée en Guinée
Parmi les Sénégalais arrêtés, il y a Grégoire Mendy, dont la déposition devant les policiers a été reprise par plusieurs médias guinéens. Le jeune homme y explique comment il a atterri à Conakry, croyant avoir affaire à la société allemande Siemens, avant de découvrir qu’il a été abusé. «C’est suite à un dépôt de dossier à travers un ami qui m’avait parlé d’une société nommée Siemens. Je lui ai demandé de m’envoyer le site de l’entreprise, il m’a juste envoyé le nom. J’ai fait des recherches, j’ai vu que Siemens, c’est une entreprise allemande qui travaille dans la technologie et puisque je suis informaticien, je lui ai dit donc je vais envoyer mon dossier. Je le lui ai envoyé et il a déposé», raconte-t-il. Et d’ajouter qu’environ dix jours après, quelqu’un l’a appelé avec un numéro de la Guinée, en se présentant à lui comme le gestionnaire, et lui a dit qu’il avait un entretien le 18 octobre. «J’ai pris un transport en commun. J’ai été logé à Kagbelen plateau. Parce qu’avant de venir, il m’a dit que c’est l’entreprise qui vous prend à charge. Arrivé, moi je croyais que c’était dans une maison familiale ; mais je n’ai trouvé que des jeunes comme moi», explique Mendy.
On lui demande de verser 500.000 F Cfa pour sa prise en charge, alors qu’on lui avait promis la gratuité
Ce dernier se rendra très vite compte qu’on a abusé de lui pour le faire venir en Guinée, pour le compte d’une société pour laquelle il n’a jamais demandé à travailler. Surtout que c’est une société qu’il connaît bien puisqu’existant au Sénégal. «Quand je suis arrivé, j’ai demandé à celui qui m’a fait venir de voir l’entreprise avant mon entretien. Il m’a dit d’attendre que son grand-frère vienne, que c’est lui qui me dirigera en ville», dit-il. Et le lendemain, il a eu la surprise de sa vie. «Ils m’ont dit que puisque tu es sélectionné, avant que tu ne commences la première formation de base, il faut que tu donnes un montant de 500.000 Cfa, qui permet de te prendre en charge (…). C’est lorsqu’on faisait une grande formation générale avec tout le monde que j’ai entendu parler de Q-net. Après j’ai interpelé celui qui m’avait emmené pour lui dire que l’entreprise dont tu m’as parlé c’est Siemens ou Q-net, parce que là je suis confus. Ils m’ont dit qu’après la formation tu vas comprendre, mais c’est Q-net. Je leur ai dit mais vous me faites déplacer pour Q-net alors que j’ai ça chez moi», explique-t-il. Non sans préciser aux enquêteurs que celui qui l’a fait venir à Conakry est «un certain Hamid Cherif, qui a été lui-même emmené par son frère Mamadoudian Sylla». Abusé et aujourd’hui dans le pétrin, Grégoire ne comprend pas son arrestation. «On ne sait pas pourquoi on est là (à la police). Le matin, on était couché dans la chambre, on nous a fait sortir», souligne notre compatriote. Qui se désole que leurs bagages sont laissés sur place, alors qu’il y a son ordinateur et ses papiers d’identification.
«Je n’ai logé aucune de ces personnes. Tous ceux qui sont là font Q-net, ils ne font pas autre chose à ce que je sache»
Présenté comme le présumé logeur des personnes arrêtées, Ibrahima Condé a été lui aussi cuisiné par les policiers, à qui il s’est présenté comme un networker de la société Q-net. «Ces gens (les jeunes) sont venus, ils ont fait une cotisation pour se loger. Je ne suis pas responsable d’eux. Ils sont venus par le canal de leurs amis. Parce que je n’ai appelé aucun d’entre eux. Ils sont venus pour faire Q-net, c’est-à-dire la vente en ligne. Je me suis retrouvé dedans, parce que là où j’étais, c’est le chef de secteur qui m’a appelé pour qu’on se voie. Une fois là-bas, je me suis retrouvé avec ce problème. Je n’ai logé aucune de ces personnes. Tous ceux qui sont là font Q-net, ils ne font pas autre chose à ce que je sache. Vous pouvez leur demander, personne ne peut dire que c’est moi qui l’ai appelé», se dédouane-t-il. Tout en précisant que c’est sur instruction de ses responsables à Q-net qu’il a loué la maison de Kountia pour 4 mois.
Général Ansoumane Camara, Directeur général de la Police guinéenne : «Le caractère et le moment font que cela nous inquiète…»
Même si visiblement ces jeunes ont été abusés, par une société qui leur promet du travail et de bons salaires, les autorités guinéennes, notamment celles policières, prennent cette affaire très aux sérieux, vu le contexte et la tension politique et les violences dans le pays. «Ce sont des pays amis de la sous-région. Mais le caractère et le moment font que nous nous y intéressons et cela nous inquiète», a fait savoir le général Camara, patron de la Police nationale guinéenne. Qui précise ses soupçons : «des jeunes bras valides comme ça qui quittent leurs pays et qui se retrouvent en Guinée et en ce moment-là. Vous avez remarqué qu’il n’y a pas de filles, ce sont des jeunes entre 15-20 ans. Tous regroupés dans deux cours, pris en charge par monsieur X, sous le couvert d’une société Q-net. Tout le monde sait que Q-net, c’est en ligne, tu peux t’abonner en ligne, envoyer ta part en ligne et on peut t’envoyer ce que tu dois avoir en ligne», fait-il remarquer.
«Nous sommes infiltrés»
Et d’affirmer que les services de sécurité prendront toutes les dispositions et précautions requises pour tirer cette affaire au clair. «J’ai entendu le Sénégalais qui dit tout à l’heure qu’il ne sait même pas comment il s’est retrouvé là. Donc ils vont être entendus par les services spécialisés, chacun en ce qui le concerne, la Police de l’air et des frontières, la DPJ, les services de renseignements intérieurs, la Direction centrale de la sécurité publique, pour que les choses soient situées et compte sera rendu à qui de droit». Poursuivant, le policier en chef de la Guinée laisse croire à une situation plus grave qu’on ne l’imagine : «Les enquêtes prouveront qui est derrière ça. Moi je ne peux pas vous dire pourquoi ils sont là, mais en sourdine quelqu’un m’a tout à l’heure dit pourquoi ils sont là, et nous savons en ce moment-là que nous sommes infiltrés. Nous voyons des attaques à main armée, nous voyons dans les manifestations. Rien qu’en une seule journée, on parle de 10 morts». En effet, il est d’autant plus soupçonneux que, dit-il, dans le passé, ils ont eu «à gérer des manifestations très houleuses, graves, très graves, où on sort avec un mort». Et de conclure : «Ils vont nous dire la vérité».
Mbaye THIANDOUM
141 personnes de nationalités différentes, dont 46 Sénégalais, ont été arrêtées à Conakry mardi et mercredi derniers, dans deux concessions. Une affaire que les autorités policières guinéennes prennent très au sérieux, dans le contexte actuel du pays. D’où l’ouverture d’une enquête pour déterminer la véritable raison de la présence de nos compatriotes et de leurs compagnons d’infortune sur le sol guinéen. Mais les premières informations sorties des dépositions des personnes interpellées, et reprises par le site Guinée7.com, pointent déjà tous une seule cible : la société de vente en ligne Q-net.
Grégoire Mendy, jeune informaticien sénégalais qui pensait avoir déposé un dossier à la société Siemens, apprend qu’il s’agit de Q-net à son arrivée en Guinée
Parmi les Sénégalais arrêtés, il y a Grégoire Mendy, dont la déposition devant les policiers a été reprise par plusieurs médias guinéens. Le jeune homme y explique comment il a atterri à Conakry, croyant avoir affaire à la société allemande Siemens, avant de découvrir qu’il a été abusé. «C’est suite à un dépôt de dossier à travers un ami qui m’avait parlé d’une société nommée Siemens. Je lui ai demandé de m’envoyer le site de l’entreprise, il m’a juste envoyé le nom. J’ai fait des recherches, j’ai vu que Siemens, c’est une entreprise allemande qui travaille dans la technologie et puisque je suis informaticien, je lui ai dit donc je vais envoyer mon dossier. Je le lui ai envoyé et il a déposé», raconte-t-il. Et d’ajouter qu’environ dix jours après, quelqu’un l’a appelé avec un numéro de la Guinée, en se présentant à lui comme le gestionnaire, et lui a dit qu’il avait un entretien le 18 octobre. «J’ai pris un transport en commun. J’ai été logé à Kagbelen plateau. Parce qu’avant de venir, il m’a dit que c’est l’entreprise qui vous prend à charge. Arrivé, moi je croyais que c’était dans une maison familiale ; mais je n’ai trouvé que des jeunes comme moi», explique Mendy.
On lui demande de verser 500.000 F Cfa pour sa prise en charge, alors qu’on lui avait promis la gratuité
Ce dernier se rendra très vite compte qu’on a abusé de lui pour le faire venir en Guinée, pour le compte d’une société pour laquelle il n’a jamais demandé à travailler. Surtout que c’est une société qu’il connaît bien puisqu’existant au Sénégal. «Quand je suis arrivé, j’ai demandé à celui qui m’a fait venir de voir l’entreprise avant mon entretien. Il m’a dit d’attendre que son grand-frère vienne, que c’est lui qui me dirigera en ville», dit-il. Et le lendemain, il a eu la surprise de sa vie. «Ils m’ont dit que puisque tu es sélectionné, avant que tu ne commences la première formation de base, il faut que tu donnes un montant de 500.000 Cfa, qui permet de te prendre en charge (…). C’est lorsqu’on faisait une grande formation générale avec tout le monde que j’ai entendu parler de Q-net. Après j’ai interpelé celui qui m’avait emmené pour lui dire que l’entreprise dont tu m’as parlé c’est Siemens ou Q-net, parce que là je suis confus. Ils m’ont dit qu’après la formation tu vas comprendre, mais c’est Q-net. Je leur ai dit mais vous me faites déplacer pour Q-net alors que j’ai ça chez moi», explique-t-il. Non sans préciser aux enquêteurs que celui qui l’a fait venir à Conakry est «un certain Hamid Cherif, qui a été lui-même emmené par son frère Mamadoudian Sylla». Abusé et aujourd’hui dans le pétrin, Grégoire ne comprend pas son arrestation. «On ne sait pas pourquoi on est là (à la police). Le matin, on était couché dans la chambre, on nous a fait sortir», souligne notre compatriote. Qui se désole que leurs bagages sont laissés sur place, alors qu’il y a son ordinateur et ses papiers d’identification.
«Je n’ai logé aucune de ces personnes. Tous ceux qui sont là font Q-net, ils ne font pas autre chose à ce que je sache»
Présenté comme le présumé logeur des personnes arrêtées, Ibrahima Condé a été lui aussi cuisiné par les policiers, à qui il s’est présenté comme un networker de la société Q-net. «Ces gens (les jeunes) sont venus, ils ont fait une cotisation pour se loger. Je ne suis pas responsable d’eux. Ils sont venus par le canal de leurs amis. Parce que je n’ai appelé aucun d’entre eux. Ils sont venus pour faire Q-net, c’est-à-dire la vente en ligne. Je me suis retrouvé dedans, parce que là où j’étais, c’est le chef de secteur qui m’a appelé pour qu’on se voie. Une fois là-bas, je me suis retrouvé avec ce problème. Je n’ai logé aucune de ces personnes. Tous ceux qui sont là font Q-net, ils ne font pas autre chose à ce que je sache. Vous pouvez leur demander, personne ne peut dire que c’est moi qui l’ai appelé», se dédouane-t-il. Tout en précisant que c’est sur instruction de ses responsables à Q-net qu’il a loué la maison de Kountia pour 4 mois.
Général Ansoumane Camara, Directeur général de la Police guinéenne : «Le caractère et le moment font que cela nous inquiète…»
Même si visiblement ces jeunes ont été abusés, par une société qui leur promet du travail et de bons salaires, les autorités guinéennes, notamment celles policières, prennent cette affaire très aux sérieux, vu le contexte et la tension politique et les violences dans le pays. «Ce sont des pays amis de la sous-région. Mais le caractère et le moment font que nous nous y intéressons et cela nous inquiète», a fait savoir le général Camara, patron de la Police nationale guinéenne. Qui précise ses soupçons : «des jeunes bras valides comme ça qui quittent leurs pays et qui se retrouvent en Guinée et en ce moment-là. Vous avez remarqué qu’il n’y a pas de filles, ce sont des jeunes entre 15-20 ans. Tous regroupés dans deux cours, pris en charge par monsieur X, sous le couvert d’une société Q-net. Tout le monde sait que Q-net, c’est en ligne, tu peux t’abonner en ligne, envoyer ta part en ligne et on peut t’envoyer ce que tu dois avoir en ligne», fait-il remarquer.
«Nous sommes infiltrés»
Et d’affirmer que les services de sécurité prendront toutes les dispositions et précautions requises pour tirer cette affaire au clair. «J’ai entendu le Sénégalais qui dit tout à l’heure qu’il ne sait même pas comment il s’est retrouvé là. Donc ils vont être entendus par les services spécialisés, chacun en ce qui le concerne, la Police de l’air et des frontières, la DPJ, les services de renseignements intérieurs, la Direction centrale de la sécurité publique, pour que les choses soient situées et compte sera rendu à qui de droit». Poursuivant, le policier en chef de la Guinée laisse croire à une situation plus grave qu’on ne l’imagine : «Les enquêtes prouveront qui est derrière ça. Moi je ne peux pas vous dire pourquoi ils sont là, mais en sourdine quelqu’un m’a tout à l’heure dit pourquoi ils sont là, et nous savons en ce moment-là que nous sommes infiltrés. Nous voyons des attaques à main armée, nous voyons dans les manifestations. Rien qu’en une seule journée, on parle de 10 morts». En effet, il est d’autant plus soupçonneux que, dit-il, dans le passé, ils ont eu «à gérer des manifestations très houleuses, graves, très graves, où on sort avec un mort». Et de conclure : «Ils vont nous dire la vérité».
Mbaye THIANDOUM