
Ce lundi 31 juillet 2023 restera à jamais gravé dans la mémoire des militants et sympathisants du parti Pastef-Les patriotes. Leur leader a été non seulement envoyé en prison, mais le ministre de l’Intérieur a aussi acté la dissolution de leur parti. Mais, selon Alioune Souaré, la prière n’est pas encore dite, puisque la procédure de dissolution de Pastef a été biaisée et ledit parti peut aussi attaquer la décision devant la Cour suprême.
D’une pierre deux coups, c’est la « prouesse » réalisée hier par le régime contre Ousmane Sonko. Placé sous mandat de dépôt après son audition chez le Doyen des juges, le leader de Pastef recevra le coup de grâce quelques heures après, avec la dissolution de son parti. Seulement, Alioune Souaré, en sa qualité d’expert parlementaire, fustige la procédure employée par la ministre de l’Intérieur pour la dissolution du Pastef. Selon lui, les conditions de dissolution d’un parti politique sont bien définies par la loi. « La dissolution d’un parti politique est régie par trois textes : un texte constitutionnel et deux lois ordinaires. Il s’agit de l’article 4 de la constitution, la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques et la loi 89-36 du 12 octobre 1989 », souligne Alioune Souaré, qui définit le cadre juridique établi pour la dissolution d’un parti politique. « L’article 4 de la constitution, à son alinéa 4, prévoit surtout que toute violation de la gouvernance associative expose un parti politique à une suspension ou à une dissolution. Ce même article 4 nous renvoie à la loi 81-17 du 6 mai 1981 qui est modifiée par la loi 89-36 ».
L’expert parlementaire indique ces lois stipulent que la dissolution d’un parti politique se fait à travers un décret présidentiel ; or, aucun décret n’a été publié. « Nous avons vu un communiqué du ministre de l’Intérieur qui annonce la dissolution du Pastef. Ce dernier viole les dispositions de la loi parce qu’il est prévu que la dissolution se fasse par un décret présidentiel ». A l’en croire, la procédure normale voudrait que le président prenne un décret qui annonce la dissolution du parti. « Le document doit comporter les motivations d’une telle décision. Et le ministre de l’Intérieur doit se charger à son tour de produire un rapport. Malheureusement, Antoine Diome s’est contenté hier de produire un communiqué en évoquant un décret que personne n’a jusque-là », déplore l’ancien parlementaire.
Alioune Souaré estime donc que le parti Pastef peut attaquer la décision devant la Cour suprême. « Le décret est un acte réglementaire. Pastef peut donc saisir la chambre administrative de la Cour suprême, parce que le parti a été reconnu sur la base de l’article 81 et de l’article 4 de la constitution ».
« Aucune répercussion sur le mandat des élus de Pastef… »
Pour ce qui est de la conséquence de la dissolution de Pastef sur le mandat des députés dudit parti, l’expert parlementaire soutient qu'il ne doit pas y en avoir. « Le mandat c’est l’expression du peuple. Ceux qui sont détenteurs du mandat tirent leur légitimité directement du peuple. Tous les députés qui sont à l’Assemblée nationale exercent la souveraineté nationale que le peuple leur a déléguée. On ne peut donc pas s’appuyer sur la dissolution du Pastef pour décréter la fin du mandat des députés de cette formation politique », renseigne M. Souaré, d’autant plus que, souligne-t-il, ces derniers n’ont pas été élus sous la bannière du Pastef, mais celle de la coalition Yewwi Askan Wi. Il en est de même pour les maires, présidents de conseil départemental ou les conseillers municipaux et départementaux.
Ndèye Khady DIOUF