Il y aura sans doute un goût d’inachevé et de petits regrets, au lancement du premier vol Dakar-Paris d’Air Sénégal. Prévu avec sa nouvelle acquisition un A330neo baptisé «Casamance», le vol inaugural se fera finalement avec un vieil A330 loué à HiFly. Cet appareil d’Emirates assurera le trajet, le temps que soit opérationnel l’A330neo de la compagnie nationale, toujours sur la piste d’assemblage des ateliers toulousains d’Airbus, les moteurs non encore montés.
Ça doit être une grosse déception pour l’équipe de Philippe Bohn et pour le Président Macky Sall, qui avait sans doute en tête de faire du lancement du vol Dakar-Paris d’Air Sénégal un grand moment et une pierre angulaire de ses réalisations, en cette veille d’élection présidentielle. En effet, si le premier vol vers Paris va se faire comme prévu, le 1erfévrier, ce sera sans le fameux Airbus A330neo, que le chef de l’Etat a visité récemment. Cet A330neo, portant le nom de «Casamance», ne pourra toujours pas décoller, car étant toujours sur la ligne d'assemblage final, aux ateliers de l’avionneur français à Toulouse. Et pour cause, les moteurs Rolls-Royce, Trente 7000, de l’avion ne sont toujours pas montés. Un retard accusé par le motoriste Rolls-Royce, qui plombe les plan de Philippe Bohn. Il faut noter que ces problèmes de retard de livraison sont fréquents chez Airbus. C’est arrivé avec Tap Air Portugal, qui a attendu presque un an après le délai initial, pour recevoir enfin son A330neo. En plus du retard dans la livraison des moteurs, selon des sources, les équipes formées pour piloter l’appareil ne seraient toujours pas au point.
La ligne lancée par un vieil A330 loué souvent en dernier recours par les compagnies, à 12.000 euros de l’heure
Pour être dans les délais, Philippe Bohn, un simple vendeur d’avions qui ne connaît absolument rien du montage et de l’exploitation d’une compagnie, a trouvé une parade : la location d’avion. Air Sénégal s’est en effet rabattu sur un A330 d’ancienne génération, que plusieurs compagnies utilisent souvent comme dernier recours, et le mot n’est pas trop fort, (en cas de panne, de grève..). L’avion loué à la société portugaise HiFly (spécialisé dans la location d’avion avec équipage), appartient à Emirates. Et malgré son âge, il garde sa cabine haut de gamme, avec une classe affaires de 24 sièges-lits plats de 2 mètres et une classe économique aux sièges largement espacés. Le temps que va le louer la compagnie sénégalaise, l'A330, portera sur son fuselage un autocollant Air Sénégal, et aura un personnel navigant du loueur HiFly,
L’A330 est loué à HIFly à prix d’or, environ 12.000 euros (environ 8 millions) de l’heure. Or on sait que pour un vol aller-retour Dakar-Paris, il faut au moins 10 heures. Si la compagnie n’accorde pas une réduction très sensble, la location va tourner autour de 120.000 euros par vol. Une note trop salée pour une jeune compagnie comme Air Sénégal, qui, heureusement, ne devrait normalement pas mettre la main à la poche. Ce sont l’avionneur et le motoriste, responsables du retard, qui devraient se partager les frais de location.
Une immatriculation à Malte, pour être sous les ailes de l’Agence européenne de l’aviation civile
Alors qu’il est toujours cloué au sol, l’A330neo d’Air Sénégal était déjà immatriculé 9H-SZN. Une immatriculation de l’île de Malte, qui n’a pas été choisie au hasard, si l’on sait que l’aviation civile maltaise est sous l’aile de l'Agence européenne de la sécurité aérienne. L’équipe de Philippe Bohn a sans doute voulu rassurer les compagnies d'assurances et les organismes financiers qui doivent accompagner le Sénégal.
Mbaye THIANDOUM