
Epinglée à plusieurs reprises par l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), la Senelec cherche à se dérober de l’œil vigilant du gendarme des marchés. La société nationale d’électricité voudrait obtenir une dérogation afin de ne pas se soumettre aux dispositions du Code des marchés publics, plus précisément la passation des marchés relatifs aux activités liées à l'exploitation de l'électricité. Une demande faite par les services de Makhtar Cissé, par le biais du ministère du Pétrole et des Energies au Comité de règlement des différends de l’Armp a catégoriquement refusé de faire de la Senelec une exception.
Après avoir été épinglée à plusieurs reprises de la plus honteuse des manières, la Senelec souhaite se soustraire du contrôle des services des gendarmes des marchés. Comme si elle avait un problème avec la transparence. En effet, la société dirigée par Makhtar Cissé, par le biais du ministère du Pétrole et des Energies, a saisi le Comité de règlement des différends (Crd) pour solliciter une dérogation afin de ne pas soumettre les activités liées à l'exploitation de la structure aux dispositions du Code des marchés publics. En guise d’argument, le ministère du Pétrole et des Energies expose que la nature et la spécificité des activités d'exploitation de Senelec et sa mission de service public (comme si les autres structures contractantes ne font pas du service public) sont difficilement compatibles avec les rigidités et les délais incompressibles exigés par les dispositions du Code des marchés publics. En sus, les services de Mansour Elimane Kane font prévaloir l’argument selon lequel l'exploitation des centrales de production d'énergie et des réseaux électriques est un domaine où les incidents aléatoires sont fréquents et imprévisibles.
Pour appuyer leurs désirs de soustraire la Senelec à cette obligation de transparence, le ministère du Pétrole et des Energies soutient que la fréquence de la survenance de ces situations nécessite de disposer en permanence de pièces de rechange pour y pallier. «Le requérant déclare, par ailleurs, qu'en dépit de la mise en place de stock de sécurité, Senelec peut être amenée à devoir passer en urgence des commandes de pièces essentielles, non disponibles du fait de la rareté du besoin et du coût élevé de stockage de ce matériel», prétextent les services de Mansour Elimane Kane.
Les arguments peu convaincants de Mansour Elimane Kane
Toujours pour extirper la Senelec de l’œil vigilant des gendarmes des marchés, le ministère fait observer que tout retard dans la mise à disposition de ces équipements entraîne des indisponibilités d'unités de production ou de lignes électriques, avec des conséquences immédiates sur la satisfaction de la demande ou sur la qualité de service (délestages, coupures de courant...). En outre, le ministère soutient que les fournisseurs sont souvent les plus aptes à réaliser ces types de prestations et que la contrainte de faire une mise en concurrence serait source de contre-performance et de retard pour Senelec. Le requérant déclare que le fondement de la requête trouve sa source dans la nécessité de se libérer de contraintes qui sont de nature à annihiler la performance des projets d'énergie indispensables à l'émergence de l'économie nationale. Pour finir, le ministère affirme que la Senelec s'engage à respecter toutes les règles directrices des marchés publics et est prêt à se soumettre à des mécanismes de contrôle pour s'assurer de la justesse des coûts et de la qualité de ses acquisitions.
Le Crd de l’Armp déchire la demande
Des arguments balayés d’un revers de main par le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics. Senelec étant une société anonyme à participation publique majoritaire, le Crd de l’Armp insiste sur le fait que la passation de ses marchés de toute nature est régie par les dispositions du Code des marchés publics. Mieux, poursuit l’Armp, pour balayer cette requête d’un autre âge, «aucune réglementation ou procédure particulière à un acheteur public, à une catégorie d'acheteurs ou à une catégorie de fournitures, services ou travaux, ne peut déroger aux règles fixées par le Code des marchés publics ou prises en application de ce code».
Et pire, indique l’Armp, les raisons invoquées pour demander la soustraction de Senelec du Code des marchés publics ne sont aucunement prévues au titre des dérogations limitativement énumérées par les dispositions de l'article 3 du Code des marchés publics. Ainsi, l’Armp argue que la dispense de l'application des procédures du Code des marchés publics pour une partie des marchés de Senelec ne peut être accordée, à bon droit et a rejeté purement et simplement la demande.
Samba THIAM