Aby Ndour insiste, persiste et signe. Elle l’a réitéré au juge hier : Pierre Atepa Goudiaby la harcelait sexuellement. La chanteuse dit avoir posté la fameuse vidéo où elle l’accuse de harcèlement sur sa page Facebook pour sauver sa peau et son business. Pour sa aprt, Pierre Atepa Goudiaby lui a réclamé, à titre de dédommagement, la somme de 100 millions F Cfa pour diffamation. Délibéré au 6 mai prochain.
Finalement, après moult renvois, le procès pour diffamation opposant l'architecte Pierre Atepa Goudiaby et la chanteuse Aby Ndour s'est tenu, hier, devant la première Chambre correctionnelle de Dakar. Dans cette affaire, Atepa reproche à la sœur de Youssou Ndour d'avoir posté sur sa page Facebook, le 2 juillet 2020, une vidéo dans laquelle elle l'accuse de harcèlement sexuel. Ladite vidéo dit ceci : «un soir, dans la voiture de Pierre Goudiaby Atepa, en présence de son chauffeur et des sieurs Abdourahmane Baldé et Pèdre Ndiaye, il m'a dit : ‘’désormais, on s'appellera papa et fille le matin ; et le soir on fera autre chose de beaucoup plus intime. Je t'achèterai un appartement, je t'offrirai le restaurant qui est en dessous de la porte du Millénaire et que j'ai acheté à 700 millions F Cfa. Je vais construire pour toi en outre une boîte de nuit à l'endroit où se trouve la statuette"».
A la barre hier, Aby Ndour, devant le juge Ndary Diop, a réitéré ses propos. «Je confirme encore une fois l'audition que j'ai faite à la police», dit-elle avec assurance à l'entame. Et d'ajouter : «je n'ai jamais eu de relations avec lui. J'ai mon restaurant sur la corniche. Il est venu vers moi en 2016 à ma place. Et à chaque fois, depuis 2016, il fait le tour de la corniche jusqu'à ce qu’arrive ce qui s'est passé. À chaque fois, il m'appelait sur un numéro privé. C'est son numéro de France que j'ai. Concernant tout ce qui s'est passé entre lui et moi, je n'y ai aucune responsabilité. C'est lui qui est l'auteur de tout ce qui s'est passé. Je ne l'ai jamais appelé. Moi je ne voulais que gérer mon business. C'est lui qui m'a trouvée sur la corniche. Le problème dure depuis 2016. J'ai pris l'entière initiative et sans l'influence de qui que ce soit de faire la vidéo avec des preuves à l'appui. C'était trop pour moi. Il me harcelait», a asséné la prévenue Aby Ndour. Qui ajoute : «il m'a appelé et m’a proposé le restaurant lorsqu'il m'a embarquée dans un 4×4 noir jusqu'à la statuette de Senghor où il m'a dit je t'offre des terres. Il m'a ensuite dit "bëcëk su jotee nu nek papa ak doom et guddi bu jotee nu nek leneen" (ndlr : on s'appellera papa et fille le matin ; et le soir on fera autre chose de beaucoup plus intime). Je le confirme. C'est lui qui me l'a dit dans sa voiture, en présence de Abdourahmane Baldé et son chauffeur. Il me proposait des terres et un restaurant sur la corniche. Mais, à quelle fin ?».
Interrogée sur le fait que, sur Pv, Abdourahmane Baldé l’a démentie, Aby Ndour persiste et signe. «Baldé a dit : "xaaral ma taf samay nopp balaa madame Goudiaby di naan sama kanam lanuko tëgee" ndlr : ‘’je bouche mes oreilles avant que Madame Goudiaby ne dise en l’apprenant que j’étais témoin quand cela a commencé). J'ai 3 enfants M. le Président. Ma fille aînée est là assise. J'ai une famille. C'est pour cela que j'ai pris mes responsabilités pour dire ce qui s'est passé. Je n'ai pas cédé parce que j'ai des principes et je crois en mon éducation. J'ai attendu 4 ans avant de le dénoncer parce qu'il insistait et je voulais sauver ma peau et mon business. "Dama posté vidéo bi pour jeebaane Pierre Atepa Goudiaby parce que dafmaa bëgoon toroxal (ndlr : je l’ai vilipendé parce qu’il voulait m’humilier)», renchérit-elle.
Pierre Atepa Goudiaby : «J'ai perdu une affaire aux Nations-Unies à cause de cette histoire. C’est un tissu de mensonges tout ce qu'elle a dit est faux»
Partie civile, dans cette affaire, Pierre Atepa Goudiaby a réfuté toutes les accusations portées contre lui par Aby Ndour. «J'étais outré quand j’ai vu la vidéo. J'ai immédiatement appelé mon avocat pour qu'elle soit traînée en justice. On a vu que tout ce qu'elle disait n'était que des mensonges. J'ai porté plainte pour laver mon honneur. J'ai 74 ans et j'ai 5 filles qui sont là M. le Président ! Et j'ai une maman que je chérissais. M. Le Président, je ne peux pas faire du mal à une femme ! J'ai perdu une affaire aux Nations-Unies à cause de cette histoire. C’est un tissu de mensonges. Tout ce qu'elle a dit est faux», a soutenu Atepa.
Atepa démenti par les réquisitions de la police
Et concernant les appels téléphoniques qu’Aby Ndour a évoqués dans la procédure pour alléguer le «harcèlement sexuel», il explique : «je l'ai appelée un jour à trois reprises vers 17h et non à 3h ou 4h du main. C'était pour une réunion. Je ne lui ai pas envoyé de messages. Je n'ai jamais eu d'antécédents avec elle par le passé, sauf la fois où je lui ai dit que là où elle voulait implanter sa gargote n'était pas bon».
Malheureusement pour lui, les réquisitions de la police l'ont contredit parce que les agents ont constaté que Pierre Atepa Goudiaby a appelé Aby Ndour 13 fois durant la journée en 2016. Dos au mur lorsque Me Seydou Diagne, avocat de Aby Ndour, lui a rappelé cela, Pierre Atepa, se tourne vers son accusatrice en gesticulant avec un air hautain et moqueur : «Demandez-lui pourquoi je lui ai offert 5 miroirs. Je lui ai offert 5 miroirs».
Me Ousseynou Ngom, avocat de Atépa : «Cette vidéo de 5mn a détruit plus de 50 ans de carrière, plus de 50 ans de renommée internationale et de vie familiale»
Les journalistes de la Sen Tv, en l'occurrence le rédacteur en chef, Simon Faye et Ahmed Aidara, poursuivis pour complicité de diffamation, même si le groupe D-Média est déclaré civilement responsable, n'ont pas comparu à la barre. L'avocat de Pierre Atepa Goudiaby, Me Ousseynou Ngom, a révélé que son client s'est désisté de son action de poursuites contre eux parce que ces derniers ont reconnu leurs fautes. «Une faute reconnue est à moitié pardonnée», s’est justifié le conseil. Par contre, il a sollicité la culpabilité d’Aby Ndour à qui il a réclamé 100 millions de dommages et intérêts pour le compte de l'architecte. Aussi, Me Ngom a demandé la publication de la décision dans la presse nationale et internationale. «Depuis juillet 2020, Atepa ne vit plus comme il se doit. Et la cause ? Cette vidéo de 5mn qui a détruit plus de 50 ans de carrière, plus de 50 ans de renommée internationale et de vie familiale. Tout ce problème est parti de son activité de restaurant qui se trouve sur la corniche. Lorsqu'elle s'est sentie en danger, elle a cherché à couper la tête de l'honorable Pierre Atepa. L'objectif recherché, c'était de faire mal. Et dans ce genre de dossier, c'est toujours la personne qui est au-devant de la scène qui est la victime. Et la seule solution, c'était de faire du "jeebaane". Et les débats tenus à la barre l'ont prouvé. Est-ce que véritablement le fait qu'on veuille conserver son activité commerciale en valait la peine ? Ironie du sort et ironie du destin, le coût du projet d'une grande envergure et d'une centaine de milliards que devait nouer l'entreprise de Pierre Atepa avec une autre entité est perdue. Car, après l'éclatement de cette affaire, ils ont opposé un véto de refus à ce projet», s'est indigné son avocat.
Le procureur charge Aby Ndour : «Une dame qui dit être victime de propos et qui attend 4 ans pour dénoncer, cela frôle le non-sens»
Étant du même avis que le conseil de la partie poursuivante, le procureur, qui a fustigé la démarche d’Aby, a requis 6 mois de prison assortis du sursis. «L'outil scientifique n'a pas prouvé les faits qu'elle reproche à Goudiaby. Tout ce qu'elle a dit a été contredit par la science, à savoir les réquisitions faites à la Sonatel. Une dame qui dit être victime de propos et qui attend 4 ans pour dénoncer, à mon avis, cela frôle le non-sens. Les faits ne peuvent pas être prouvés, la prévenue est dans l’incapacité de le faire. Atepa n’est pas maire, ni préfet pour interdire à une personne d’occuper un terrain. On lui a fait du chantage sexuel, mais elle attendu 4 ans après pour le révéler et dépeindre Atepa comme un monstre. Cet homme qui est venu avec sa famille montre que les faits ne sont pas exacts. Les appels émis ne signifient absolument rien. Elle doit savoir que sa dignité ne vaut pas mieux que celle des autres», a martelé le parquetier.
Prenant son contrepied, Me Seydou Diagne, qui assurait la défense des intérêts d’Aby Ndour, a indiqué que Pierre Atepa Goudiaby s'est acharné durant 5 ans sur sa cliente. «Il a voulu le faire déguerpir de ce lieu qu'elle occupait légalement. Nous avons alerté l'opinion à travers cette vidéo. Elle aurait pu être considérée comme une lanceuse d'alerte. C'est au moment où elle était dos au mur qu'elle a alerté l'opinion nationale et internationale. C'est une vengeance et on cherche à tromper la religion du tribunal», a plaidé Me Diagne qui a souhaité la relaxe pure de Aby Ndour. Délibéré le 6 mai prochain.
Fatou D. DIONE