2 ans de prison ferme, en sus d’une amende de 150.000 F, c’est ce que risque l’ancien agent de la Senelec Oumar Kane Thiam, qui trafiquait les compteurs d’électricité Woyofal de certains usagers qui voulaient amoindrir leur consommation. S’agissant de huit (8) de ses co-prévenus, le procureur a requis 4 mois de prison assortis du sursis avec une amende de 200.000 F, tout en demandant la relaxe pour 6 autres. Ils comparaissaient hier devant la barre des flagrants délits de Dakar, pour association de malfaiteurs, branchement frauduleux, complicité de ce chef, recel, complicité de recel, corruption passive et active. Ils seront fixés sur leur sort le 17 décembre prochain.
Dans un contexte de hausse du coût de l'électricité, certains citoyens sont en train de frauder sur l’électricité pour en tirer profit. Ainsi, 15 personnes dont un ancien de la Senelec ont été traduites hier devant le juge du tribunal des flagrants délits de Dakar, pour association de malfaiteurs, branchement frauduleux, complicité de ce chef, recel et complicité de recel, corruption passive et active. Il s’agit de l’ex-agent de la Senelec Oumar Kane Thiam, de Ousmane Sall, Abdoulaye Ndiaye Mbaye, Hamidou Wélé, Issa Wélé, Thiara Lo, Ngalgou Diop, Moustapha Ndiaye Mbaye, Lamine Touré, Mame Diarra Niane, Jean Achille Boissy, Lamine Diatta, Samba Guèye, Mada Guèye et Khalil Seck. Tout est parti d’une information reçue par la Senelec et faisant état de vol d'électricité commis sur le trafic de ses compteurs Woyofal. C'est ainsi que Senelec a porté plainte au niveau de la Section Recherche qui a ouvert une enquête. Les pandores qui avaient écho que l'ancien employé de la Senelec Oumar Thiam s'activait dans ce trafic, se sont rapprochés de son voisin Abdoulaye Ndiaye Mbaye. Ce dernier a alors mis Oumar Thiam en rapport avec un agent de la gendarmerie alors qu’il ignorait la qualité de celui-ci. C’est ainsi que ce dernier s'est présenté à lui pour lui demander d'intervenir et de manipuler un compteur.
Ainsi, Oumar Kane Thiam devait procéder à des manipulations sur le compteur et au finish, le client qui consommait plus d'électricité payait moins à la Senelec.
C’est ainsi que les agents ont mis la main sur le «cerveau» Oumar Kane avant de procéder à l’interpellation de ses co-inculpés. Sur le rapport d’expertise, il est mentionné que 14 compteurs ont été manipulés. Interrogés au cours de l’enquête, les 15 prévenus avaient reconnu les faits qui leur sont reprochés. Le présumé instigateur Oumar Kane Thiam déclarait avoir commencé à trafiquer les compteurs depuis 2015. Ce que confirme les prévenus Mada Ndiaye et Moustapha Ndiaye. Ils ont expliqué que celui-ci s’est présenté comme agent de Senelec avec badge et tout. Il est intervenu et a manipulé leur compteur. Ce, contre espèces sonnantes et trébuchantes. Conséquence : leur consommation en électricité a baissé.
Agent en fonction à la Senelec, Lamine Diatta est aussi passé à table en soutenant avoir remis les codes à Oumar Kane Thiam, sachant bien que ce dernier ne travaillait plus à la Senelec. Pour sa part, Abdoulaye Ndiaye Mbaye a déclaré que c'est Oumar Thiam même qui lui a confié qu'il trafiquait les compteurs. Sur ce, explique-t-il, sa consommation en énergie a diminué.
Senelec et l’agent judiciaire de l'État réclament chacun 200 millions
Hier, face au juge de la barre des flagrants délits de Dakar où ils comparaissaient, ils ont tous nié les faits, excepté la dame Mada Ndiaye qui a réitéré ses aveux de l’enquête de police. Malgré tout, l’agent judiciaire de l'État, constitué partie civile dans cette affaire, a réclamé 200 millions pour le préjudice qu’il a subi. Ce, après avoir argumenté sur le bien fondé de sa constitution de partie civile dans ce dossier. «Je défends l'intérêt de l'Etat du Sénégal et non la Senelec. Il faut s’interroger sur la nature juridique de la société qui est une société anonyme commerciale. L'État détient 90% des parts de la Senelec. Je suis là en tant que puissance publique. Cette affaire est venue dans un contexte où il y a l'augmentation du baril de pétrole. L'Etat a injecté 387 milliards à la Senelec pour rétablir les délestages. S'il y a déficit, l'Etat essaie de bloquer les prix et si on suit le cours du baril, cela a des conséquences sur les prix. Quand une partie des Sénégalais paie correctement leur consommation en électricité, d'autres font des manoeuvres frauduleuses pour payer moins. La société Senelec est en train de subir des pertes et chaque personne ici présente dans la salle devrait se constituer partie civile. Il faut les déclarer tous coupables de ces chefs qui leur sont reprochés», a plaidé l’agent judiciaire de l’Etat.
Lui emboitant le pas, la Senelec, partie civile, a demandé le montant de 200 millions F pour toutes causes de préjudice confondues. «La Senelec est victime des agissements de certains techniciens. Je rappelle que ce dossier vient dans un contexte particulier. Les débats occupent notre pays. Des marches sont organisées et d'autres prévues. Les 15 prévenus font partie du lot de Sénégalais qui manipulent leurs compteurs pour amoindrir leur consommation en électricité sans se soucier des conséquences. Alors que suite à cela, la fiabilité des compteurs est mise en doute de ce fait il y a perte commerciale», a plaidé le conseil de la Senelec.
Pour sa part, le procureur a requis la relaxe des prévenus sur les faits de corruption passive et active et de recel. Parce que, selon lui, il n’a pas constaté l'acte matériel et moral sur l'imputabilité des faits. Ce faisant, il a souhaité la relaxe pure et simple de Moustapha Ndiaye Mbaye, Mame Diarra Niang, Jean Achille Boissy, Samba Guèye et Lamine Diatta. Mais aussi, le maitre des poursuites a sollicité que «l’instigateur» Oumar Kane Thiam soit déclaré coupable d’usurpation de fonction et de branchement frauduleux et qu’il soit condamné à 2 ans de prison ferme, avec une amende de 150.000 F. Pour ce qui est de Abdoulaye Ndiaye Mbaye, Thiara Lo, Lamine Touré, Mada Ndiaye, Hamidou Wélé, Issa Wélé, Ngalgou Diop et Khalil Seck, le parquetier a souhaité qu’ils soient déclarés coupables de complicité de recel, d’association de malfaiteurs et condamnés à 4 mois assortis du sursis en plus d’une amende de 200.000 F chacun. Le pool d’avocats constitué pour défendre les prévenus a plaidé leur relaxe. Sur ce, MeFatimata Ly a laissé entendre que la Senelec veut juste justifier son déficit. Ainsi, elle a souligné que même si la fraude était établie, cela ne peut pas couler la Senelec. Délibéré le 17 décembre prochain.
Fatou D. DIONE