Depuis sa nomination au ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim Fofana s’est fixé l’objectif de désencombrer Dakar. Entre nettoyage des artères et places publiques, le ministre Fofana déroule ses opérations, parfois au grand malheur des occupants illégaux des dites places. Le week-end dernier, c’était au tour du marché Castors de recevoir ses services. Tous les tabliers qui occupaient les ruelles menant au marché Castors ont reçu l’ordre de déguerpir des lieux. Mais, il y a eu une résistance. Et si des mesures ne sont pas prises, on risque d’assister à des affrontements entre commerçants.
Ce sont les habitants des environs du marché Castors qui jubilent. Ils vont désormais pouvoir accéder à leurs domiciles sans enjamber les diverses marchandises étalées devant leurs portails par les commerçants. En effet, comme annoncé par le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, les commerçants qui occupaient les voies menant au marché Castors ont été déguerpis et le marché nettoyé durant le week-end dernier par ses services, en collaboration avec les autorités municipales. Dorénavant, tous les commerçants tabliers vont devoir s’installer dans le parc à l’intérieur du marché. Si cette mesure est saluée et applaudie par les riverains, les commerçants, eux, se disent plus qu’inquiets, puisque le parc désigné pour les recevoir est très étroit.
Dans ledit parc, on peut lire de la désolation et de l’inquiétude sur les visages de hommes et femmes. Les uns s’activent à installer leur commerce; les autres, le regard perdu, cherchent désespérément à repérer une place pour poser leurs marchandises. Debout, formant de petits groupes, des jeunes hommes s’insurgent contre cette mesure. Bara Diop est l’un d’eux. «Voyez vous-mêmes, tous les commerçants debout devront s’installer dans ce parc. Et ceci n’est même pas l’effectif total. C’est tout simplement impossible. Les places ne suffiront pas», a fulminé M. Diop.
Risques réels d’affrontements dans les jours à venir
Attirant l’attention des autorités sur le danger qui couve désormais dans ce marché, ce commerçant déplore le manque d’organisation. «C’est une décision que nous ne pouvons contester, mais, ce qui est sûr, c’est que si les autorités ne viennent pas organiser ce parc, il y a des risques réels qu’il y ait des affrontements dans les jours à venir», affirme Bara Diop, qui estime qu’une telle décision se doit d’être réfléchie et mûrie avant exécution.
A quelques centimètres de ce jeune tablier, deux commerçants se disputent une place. Alors que l’un déplaçait les ordures entassées sur place pour s’installer, l’autre lui intimait l’ordre de ne pas déposer ses bagages parce que la place lui revenait. «Ne t’avise même pas de placer ta marchandise. Cette place, c’est la mienne», s’écria Lamine Ngom. Son interlocuteur de lui demander de mesurer ses paroles : «parle-moi correctement. Je suis un dignitaire dans ce marché. Le marché a été réorganisé, donc il n’y a plus de place qui tienne» ; c’est ainsi parti pour un long échange d’invectives avant que les esprits se calment.
Comme pour garder un trésor, Lamine Ngom s’est placé sur le tas d’ordures qui trône sur «sa place», s’attaquant à quiconque voudrait s’y installer. «Je reviens de mon village où je séjourne à chaque hivernage pour cultiver mes terres. C’est de là-bas que l’on m’a informé du déguerpissement», révèle-t-il, avant de continuer : «nous autres qui avions choisi de rester dans ce parc, alors que les autres étalaient leurs marchandises dehors, nous devrions être les prioritaires. Il nous arrivait d’avoir du mal à écouler nos marchandises, parce que les clients se limitaient aux tabliers installés dans les ruelles ; maintenant qu’ils sont chassés, ils veulent encore nous prendre nos places, cela n’arrivera pas», fulmine Lamine Ngom.
Du côté des clients, c’est un sentiment mitigé. Les uns saluent la mesure, mais les autres craignent un manque d’organisation qui produira l’effet contraire.
Ndeye Khady D. FALL