C’est le grand déballage ! Bénéficiaire d’une liberté provisoire, Guy Marius Sagna, qui était en conférence de presse, hier, a révélé les traitements dégradants que la Directrice de la prison du Cap Manuel faisait subir aux détenus et à lui-même. Des pratiques auxquelles il a tenté de s’opposer par une grève de la faim, qui a duré 57h, mais qui a donné des résultats, dont l’affectation de la Directrice et la fin de certaines pratiques qu’elle avait instaurées.
Libéré provisoirement, après plusieurs semaines de détention, Guy Marius Sagna a fait face hier à la presse. A l’occasion, il a décrit et dénoncé les conditions de détention à la prison du Cap Manuel. Cela, en commençant par le traitement humiliant dès l’entrée. «Quand tu entres, on te met tout nu. Ma femme me dira encore pourquoi j’en parle publiquement. Je n’en parle pas pour moi. Et ce n’est pas de gaité de cœur que j’en parle. C’est un traitement inhumain et dégradant. Pas parce que c’est à moi qu’on le fait, mais même des gens qui ont 71 ans, on leur fait ça», soutient-il. Et d’ajouter qu’également, tous les accessoires qu’amène le détenu (ceinture, portefeuille...) sont pris et jetés à terre. «Mais tout le monde sait que ça ne va pas à la poubelle. Je dirais même qu’on les vole», soutient l’activiste.
Les prix sont surfacturés…une portion de pain de 50F avec une omelette d’un œuf coute 400F
Poursuivant, Guy Marius Sagna dénonce la cherté du téléphone et des prix au niveau de la boutique de la prison. «Les prix sont surfacturés. Figurez-vous qu’une portion de 50F de pain avec une omelette d’un œuf est vendue à 400F. Pour téléphoner, c’est 100F l’unité, soit 1000F les 10 minutes et si la communication est coupée entre-temps, tu perds tout. J’ai acheté un pack de 6 bouteilles d’un litre d’eau à 3000F. Une feuille blanche coûte 50F», révèle-t-il. Non sans dénoncer ces prix exorbitants, surtout «en ces temps de coronavirus, en ces temps où les prisonniers ne peuvent plus recevoir des repas de l’extérieur, sauf le week-end». Et c’est d’autant plus inacceptable, dit-il, que «les prisonniers sont des fils de Sénégalais impactés par le coronavirus». Et que «l’argent de la boutique (qui vend à des prix exorbitants) va dans la poche du Directeur». D’ailleurs, le leader de Frapp/France dégage soutient qu’il n’a pas manqué de montrer son indignation à la Directrice. «Je lui ai dit : ‘’tante Khady, cela ne doit pas être possible. Il faut diminuer les prix, parce que les prisonniers sont fatigués, la majeure partie est issue des couches populaires’’».
«Tante Khady, tu n’es pas Directrice d’une maison d’arrêt et de correction, mais Directrice d’une maison des esclaves»
Les conditions de détention sont encore pires, avec des chambres bondées de monde. «On m’a mis dans une chambre qui devait prendre au maximum 50 personnes. Il y en avait 150. Quand j’en sortais, il y avait près de 200 personnes. La chambre 1, c’est la chambre la plus peuplée du Cap Manuel», fait-il remarquer. Poursuivant, il note que malgré ses séjours carcéraux nombreux, c’est la première fois qu’il a connu le «paquetage» en prison. «On vous range l’un contre l’autre comme des sardines. Tu te couches sur le flanc toute la nuit. Cela, du vendredi au lundi. Mais le lundi, c’était impossible, car il y avait trop de gens. Sur les 150, seules 40 personnes ont été mises en paquetage. Les autres ont passé la nuit, assis, en file, serrés les uns aux autres», explique l’activiste. Qui n’a pas manqué de dire ses quatre vérités à la Directrice de la prison. «Je lui ai dit : ‘’Tante Khady, tu n’es pas Directrice d’une maison d’arrêt et de correction, mais Directrice d’une maison des esclaves’’. Je lui ai dit que même dans les négriers, les esclaves pouvaient se coucher de dos ou sur le ventre».
«Je suis resté nu 57 heures, dans cette chambre sale, infecte, sans lampe…»
Et c’est pour protester contre cette situation que Guy Marius Sagna dit avoir décidé de faire une grève de la faim. «Non seulement elle a refusé que ça s’arrête, mais elle m’a dit que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur. On m’a mis dans une cellule d’un mètre de large, trois de long et trois de hauteur, sans lampe ni rien. Je suis resté nu 57 heures, dans cette chambre sale, infecte…», soutient le patron de Frapp/France dégage. Qui ajoute que la Directrice opprimait même ses collègues gardes pénitentiaires qui, par exemple, achetaient au même prix que les détenus à la boutique de la prison.
«Il a fallu faire une grève de la faim de 57h pour que les droits des détenus soient respectés»
Et quand le patron de l’administration pénitentiaire, le colonel Bocandé, est venu lui demander de cesser la grève, Guy raconte lui avoir dit qu’il n’arrêtera que quand la Directrice cessera ses traitements inhumains sur les détenus. C’est pourquoi, même s’il n’est «pas fier» et «pas content» du relèvement de la directrice de ces fonctions, après le passage de son supérieur, l’activiste dit être «heureux pour les détenus» qu’il a laissés sur place. Car, en plus du départ de la Directrice, il a appris que le même jour, le téléphone est passé de 100F à 60F l’unité et à la boutique, les prix sont revenus au même niveau que ceux de l’extérieur. «Il a fallu faire une grève de la faim de 57h pour que les droits des détenus soient respectés», conclut-il.
Mbaye THIANDOUM
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