Le nouveau Code électoral a été voté hier à la majorité par l’Assemblée nationale. La plénière qui a pris presque 4 heures de retard avant son démarrage à cause des derniers réglages sur le rapport suite à la commission du samedi dernier, a duré près de 10 tours d’horloge. Une occasion offerte encore à l’opposition pour étaler toute son amertume contre le régime du Président Macky Sall avec ses coups bas. Entre échanges houleux, attaques personnelles entre eux ou envers le ministre de l’Intérieur, les députés ont généralement axé leurs interventions sur les articles L29 et L30.
Abdoulaye Makhtar Diop : «les articles objet de désaccord sont dans le code depuis 1992»
Pour le grand Serigne de Dakar, il n’y a eu aucun changement dans le sens des articles qui traitent de la perte des droits civiques d’un citoyen. Il n’y a que les numérotations qui ont évolué. «Les articles 3 et 4 du code de 1992 constituent aujourd’hui les points centraux de discussion, on les retrouve mot à mot dans le code électoral de 2017. Qui peut, 29 ans après, accuser le Président Macky Sall de partialité ? Ce même projet de loi peut nous amener à contester 29 ans après l’expertise du juge Kéba Mbaye après l’avoir saluée», a fait savoir Abdoulaye Makhtar Diop. «J’ai été étonné hier d’entendre des professeurs de droit, des juristes, des analystes politiques dire que cet article a été inséré pour la première fois dans le code de 2017, c’est extrêmement grave. L’Adn du code électoral du Sénégal c’est le code 92. Plus de 90% des articles de ce présent code viennent du code 92. La loi est générale et impersonnelle, même le commerçant qui a failli perdra ses droits ; on ne peut légiférer pour une ou deux personnes», renseigne le parlementaire.
Alioune Souaré : «j’ai mal…»
Bien qu’il ne soit pas de la majorité, le député Souaré a ramé à contre-courant de l’opposition, hier. Il se dit outré par l’attitude de ses collègues qui veulent réduire tout le dialogue aux articles L29 et L30. Selon le député, tous les points abordés dans le dialogue ne peuvent pas figurer dans le projet de loi, dans la mesure où les discussions vont continuer. Et contrairement à ce que veulent nous faire croire certains, les points de désaccord concernent le cumul du poste de président de la République et de chef de parti et comment déterminer le chef de l’opposition ; tout le reste c’était des recommandations. «J’ai mal après avoir participé à des réflexions pendant 226 jours qui nous ont permis de mettre en place 355 articles du nouveau code électoral, et qu’on nous sorte deux articles (L29 et L30) pour jeter le discrédit sur tout ce qui a été accompli», s’indigne-t-il.
Toussaint Manga : «nous avons là un code politique. La confrontation aura belle et bien lieu»
Selon le député libéral, ce code n’est pas consensuel pour deux choses : le Parti démocratique n’a pas pris part au dialogue et même l’opposition qui y a pris part est là toute rouge à cause de l’attitude du chef de l’Etat. Pour lui, il faudrait tout simplement reprendre le texte. Toussaint Manga salue quand même l’élection des maires au suffrage universel direct, mais cette logique de lutte contre l’escroquerie politique doit aussi concerner les maires élus avec une liste de l’opposition et une fois au pouvoir rejoignent la majorité. A l’en croire, sur une centaine de maires libéraux dont le Pds avait payé les cautions, le Président en a débauché une soixantaine après l’élection présidentielle de 2019. Par rapport à l’âge d’être candidat à la présidentielle ou aux législatives, Toussaint pense qu’on ne peut pas le limiter à 35 ans parce que le monde évolue. On ne peut pas dire aux jeunes que vous avez le droit de voter à 18 ans mais vous n’avez pas le droit d’être président ou député à cet âge. «Dites ce que vous voulez, mais nous avons là un code politique. Quelle que soit la situation politique, le peuple sénégalais est décidé à laver l’affront, la confrontation aura bel et bien lieu. Il faut que le Président Macky Sall prenne conscience qu’il ne peut pas aller à la présidentielle en 2024 sans Karim et Khalifa Sall», assure-t-il.
Cheikh Bamba Dièye : «Macky a appelé au dialogue pour régler des contingences politiques»
Le leader de Fsd/Bj a d’emblée précisé qu’il n’avait pas pris part au dialogue parce que, selon lui, cet appel au dialogue du président de la République était tout sauf sincère. «La vérité, c’est qu’il a appelé au dialogue pour régler des contingences politiques. Sinon comment comprendre qu’après deux ans de dialogue on se retrouve avec ce quiproquo ? On a mobilisé les gens, dépensé l’argent des Sénégalais pour rien», déclare Cheikh Bamba Dièye, qui estime que cela pose le problème de la crédibilisation des acteurs politiques et la sincérité de l’initiateur du dialogue.
Yaye Mane Albis : «Macky Sall n’a pas le droit de faire moins que Diouf et Wade»
La députée de Bokk Gis-Gis attire l’attention des uns et des autres sur leur responsabilité quant au discours prononcé devant l’hémicycle et demande au Président Macky Sall de poursuivre le dialogue pour évacuer les 5 mois de désaccord. «Le Président Abdou Diouf a marqué ses empreintes et le Président Abdoulaye Wade en fait de même avec des codes consensuels tous les deux ; le Président Macky Sall n’a pas le droit d’être en reste. Le Sénégal a besoin de stabilité et il faudra que les acteurs politiques changent de communication. Le peuple nous écoute et la roue tourne. L’intérêt général doit primer sur tout», affirme Yaye Mane Albis.
Woré Sarr s’attaque à la famille de Youssou Ndour
L’ancien maire de Médina Gounass n’a pas été tendre avec le gouvernement. Au Président Macky Sall, Woré Sarr demande s’il est conscient que le pouvoir n’est pas éternel. «Est-ce que vous avez décrypté le message fort de Ouattara pour avoir autorisé le retour de Gbagbo en Côte d'ivoire ? Est-ce vous avez suivi les images de Gbagbo et Bédié ? Et c’est pour dire que seul le pouvoir de Dieu est éternel», dit-elle avant de se tourner vers le ministre de l’Intérieur. «Quant à vous, Antoine Diome, est-ce que réellement Karim n'est pas ton œil de Caïn ?», tonne Woré Sarr.
A ceux qui déclarent que Karim Wade n’est pas plus Sénégalais que les autres, elle leur répond ainsi : «c'est vrai, la personne de Karim n’est pas plus importante, mais il y a des Sénégalais plus importants que lui, tels les membres de la famille Ndour. Des voleurs pris en flagrant délit de vol d'électricité et de fréquences Tv d'autrui. Un député interpelé pour mise en circulation de faux billets de banque dont l'immunité parlementaire a été retirée. On laisse traîner des délinquants proches du pouvoir pour épingler Karim Wade. C’est quoi ces deux poids deux mesures ?», s’indigne la députée libérale qui enfonce davantage Antoine Diome. «Je vous connais bien. Vous avez été procureur du département de Guédiawaye. Vous y avez fait un travail remarquable. Mais depuis que vous avez quitté la magistrature pour atterrir dans la cour des malfaiteurs, magouilleurs et comploteurs, je ne vous reconnais plus. Votre sérieux, votre responsabilité a fait place à de la méchanceté aveuglée. Monsieur le Ministre, il faut vous ressaisir», fulmine Woré Sarr.
Mamadou Diop Decroix : «cette loi est personnelle et particulière, vous visez Karim Wade et Khalifa Sall»
Decroix est formel, il y a bel et bien eu des changements entre le code de 92 et ce nouveau code. «Nous avons participé aux réformes des précédents codes et avec celui de 1992, nous avons voté de 93 à 2014 sans aucune contestation sérieuse. Les bisbilles ont commencé avec le dernier referendum», explique Mamadou Diop Decroix.
Selon Decroix, «cette loi est personnelle et particulière, elle n’est ni impersonnelle ni générale, parce que vous visez Karim Wade et Khalifa Sall».
Cheikh Seck : «Monsieur le Ministre, il faut garder une certaine fermeté avec cette opposition»
Pour le député socialiste, le seul problème de l’opposition, c’est qu’elle sait qu’elle ne peut plus reculer devant ces élections qu’elle a tant réclamées et elle cherche maintenant des alternatives pour repousser les échéances. «Sachez que l'unanimité n’est pas de ce monde. Il n’y a jamais eu de consensus à 100%. Quoi qu'on puisse reprocher à Wade, il a toujours su s’engager pour l’intérêt commun malgré son statut d’opposant et il a toujours dit qu’il ne marcherait jamais sur des cadavres pour arriver au palais. Mais avec cette opposition, certains ont même commencé leur marche macabre. Il faut être correct, courtois, certes, mais il faut quand même garder une certaine fermeté avec cette opposition», dit-il au ministre de l’Intérieur.
Déthié Fall : «c’est le Président Macky Sall lui-même qui avait dit qu’il en avait fini avec les ‘’njuuc njaac’’, mais il faut croire que non»
Selon Déthié Fall, c’est le président Macky Sall lui-même qui avait dit qu’il en avait fini avec les «njuuc njaac». Mais malheureusement, on se rend compte qu’il revient sur ses pas. «Comment peut-on mobiliser plus de 500 millions de F Cfa, engagé deux missions avec des recommandations fortes qui ont été faites sur des questions soulevées par l’opposition. L’organisation des élections par une personnalité indépendante même le Président Macky Sall le réclamait quand il était dans l’opposition. Nous nous attendions à avoir beaucoup plus avec le Président Macky Sall, mais voilà qu’il nous sert un désaccord», dit-il avant d'enchaîner qu’il en est de même pour le bulletin unique».
Ndèye Khady DIOUF