Akilee est devenu tristement célèbre au Sénégal depuis qu’il a paraphé un contrat de plus de 187 milliards avec la Senelec. Las de voir le fleuron national confier certaines tâches à des sociétés qui bénéficient de faveur «scandaleuse», le Syndicat unique et démocratique des travailleurs de l’énergie (Sudeten) est monté au créneau pour déchirer le contrat et exiger des autorités compétentes l’ouverture d’une enquête, non sans demander les actionnaires qui se cachent derrière ce juteux marché.
Le contrat d’Akilee continue de secouer fortement la Senelec. Ce scandale est décrié sur toutes ses formes par le Syndicat unique et démocratique des travailleurs de l’énergie (Sudeten). A travers un communiqué, les travailleurs de Senelec membres du Sudeten dénoncent un désengagement et une désintégration de leur société, avec le transfert et l’externalisation des principales activités. Après avoir parcouru les clauses qui sous-tendent le contrat d’Akilee, les syndicalistes demandent «l’arrêt de cette combine et exhorte les autorités étatiques à le suspendre et à ouvrir une enquête pour avoir toutes les informations afférentes à ce contrat avec Akilee pour pouvoir prendre la bonne décision». En effet, le Sudeten note d’abord la part minoritaire de la Senelec dans Akilee, présentée au début comme étant une filiale de la société d’électricité. «Senelec ne détient qu’une participation dite minoritaire de blocage de 34% sur le capital. Cette participation de 300 millions de F Cfa versée par Senelec sur un capital de 882,4 millions d’Akilee ne devrait pas autant peser, si le restant du capital estimé à plus de 582,4 millions soit 66% étaient intégralement versés par les autres actionnaires, dont nous aimerions bien savoir les noms».
Qui sont les véritables bénéficiaires de ce grossier montage juridico-financier maquillé par un saupoudrage technologique ?
Les syndicalistes se demandent d’ailleurs «comment Senelec peut-elle dépenser autant en argent, matériels et ressources humaines pour ne récolter que la part congrue des bénéfices, si bénéfices il y a ? De là à nous interroger sur qui sont les véritables bénéficiaires de ce grossier montage juridico-financier maquillé par un saupoudrage technologique, il n’y a qu’un pas que nous allons franchir aisément».
Senelec, faiseur de milliardaires…
Ce qui irrite les syndicalistes aussi, c’est que dans le préambule du contrat, lit-on dans le communiqué, «on parle d’EDF, d’absence de stratégie de la Senelec, de compteurs intelligents ou communicants, de facilitation de l’exploitation de la distribution, de mise à niveau de leviers pour optimiser les investissements, de performances techniques jamais égalées etc. C’est comme si rien n’a été fait auparavant alors que dans chaque domaine, la Senelec a une expérience avérée et reconnue par tous à travers des projets qui ont ciblé une certaine clientèle». Ainsi, ils constatent que des faveurs ont été accordées à Akilee sur une dizaine d’années, avec la mise à disposition par Senelec des moyens financiers, matériels, humains, logistiques, des assurances de paiements et de rémunérations fixes et variables non plafonnées, en contrepartie de l’utilisation d’un logiciel de mesures des pertes d’énergie».
Dans tous leurs états, les syndicalistes attirent l’attention sur les chiffres avancés pour expliquer comment Senelec est devenue un faiseur de milliardaires à la barbe du client et du contribuable. «Aujourd'hui, plus que ce logiciel, c’est plutôt dans le métier d’acheteur de compteurs intelligents avec un profit d’un euro par compteur, nous a-t-on dit, que Akilee s’est spécialisé. Faites le calcul de 655,957 F Cfa multipliés par des centaines de milliers de compteurs à acheter», fait savoir le communiqué.
Une start-up qui décroche un contrat de 187 milliards… le Sudeten se pose des questions
Le Sudeten trouve que les arguments avancés n’accordent aucune légitimité au contrat, «même avec l’hypothèse d’une future cession de 5% du capital d’Akilee au personnel (décidé par qui, quand, où et comment ?». L’autre question que se pose le Sudeten c’est «comment Senelec peut-elle accepter de confier pour une durée de dix ans, avec un contrat de 187 milliards, toute sa stratégie de comptage à Akilee, avec les changements très rapides dans le domaine des intelligences artificielles (IA) ?». Les syndicalistes de poursuivre : «Quelle vision, quelle stratégie, quelle étude sérieuse au plan scientifique, économique et financière a été produite pour justifier l’émission de ce bon de commande de 10 ans à l’ordre d’Akilee en un temps aussi bref ?...»
Danger de l’exclusivité et méconnaissance de Akilee comme constructeur
Dès lors, le Sudeten émet des réserves quant à la crédibilité de Akilee. «Nous nous inquiétons, car nous ne connaissons pas Akilee comme constructeur ; par conséquent, s’il prétend apporter de nouveaux compteurs, il sera seulement un intermédiaire et cela peut s’avérer dangereux pour la continuité de l’exploitation. Également, dans les projets d’acquisition de compteurs, Senelec peut inclure une clause de transfert de technologie pour adapter ses compteurs à ses besoins», soutiennent les syndicalistes. Qui poursuivent : «le contrat offre une exclusivité de traitement à Akilee, ce qui est un danger pour Senelec, surtout en son article 3 où Akilee est censé établir et modifier les configurations des compteurs à distance, ce qui est une porte ouverte à des pratiques non orthodoxes».
Pour les syndicalistes, «la kyrielle de facilités accordées à Akilee à travers les obligations de Senelec est tout simplement un scandale qui frise le holdup.
Le Sudeten exige la publication des actionnaires
Pis, le Sudeten explique que le comble dans cette affaire, c’est que la Senelec, de par les résultats obtenus, réservera une part fixe des gains pour le remboursement de tous les investissements ainsi que les coûts d’exploitation associés à la prise en charge du service. Alors que «l’article 6 qui dit que l’intégralité des plans, documents, logiciels informatiques, ainsi que l’ingénierie et les autres données fournies ou devant être fournies par Akilee dans le cadre du contrat devront rester la propriété d’Akilee». Ainsi, les syndicalistes ont décidé de ne pas laisser passer «cette arnaque orchestrée par des comploteurs qui ne s’intéressent qu’à leurs intérêts, au détriment de Senelec et de la clientèle. Nous ne ménagerons aucun effort pour la préservation de l’intégrité de Senelec face à la cupidité de certaines autorités». Pour finir, ils révèlent que le plus cocasse dans cette sombre affaire, c’est l’aval apporté par certains directeurs de la Senelec qui avaient défendu le contrat Akilee au détriment de Senelec. Pourquoi et à quels desseins ? Et de conclure : «nous insistons pour savoir qui sont les actionnaires non divulgués d’Akilee», concluent-ils.
Samba THIAM