L’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (1999-2015) était jugé à Paris pour avoir caché des cas de dopage en Russie en échange d’argent. Lamine Diack a été condamné, mercredi 17 septembre à Paris, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour son implication dans un réseau de corruption voué à cacher des cas de dopage en Russie.
L'ancien patron de l'athlétisme mondial Lamine Diack a été condamné mercredi à Paris à quatre ans de prison, dont deux ferme, pour son implication dans un réseau de corruption voué à cacher des cas de dopage en Russie. Cinq ans après le scandale, le Sénégalais de 87 ans, figure de l'univers sportif et président de la Fédération internationale d'athlétisme (Iaaf) de 1999 à 2015, a été reconnu coupable de corruption active et passive et abus de confiance. Il a aussi écopé d'une amende de 500.000 euros. Ressorti libre à l’issue de la lecture du jugement, le Sénégalais de 87 ans a annoncé par la voix de son avocat qu’il ferait appel. Lamine Diack et son fils de 55 ans, Papa Massata Diack, qui dirigeait le marketing à l’Iaaf, étaient jugés pour avoir permis de retarder, à partir de fin 2011, des procédures disciplinaires à l’encontre d’athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin, dont certains avaient été sacrés aux Jeux olympiques de Londres-2012 (Kirdyapkin sur l’épreuve du 50 km marche, Zaripova sur celle du 3000 m steeple) avant d’être déchus pour dopage. Derrière cette indulgence, il y a ce «deal» rocambolesque, révélé par Lamine Diack lui-même durant l’enquête : le renouvellement de contrats de sponsoring et de diffusion de l’Iaaf avec la banque d’Etat russe VTB et la télévision publique RTR, ainsi que des fonds pour financer l’opposition au sortant Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2012 au Sénégal. L’affaire a généré le scandale du système de dopage institutionnel en Russie, qui pourrait coûter au pays de Vladimir Poutine sa place aux Jo-2020 l’été prochain. Concernant Lamine Diack, la peine répond à la «gravité des faits de corruption qui vous étaient reprochés», lui a lancé la présidente de la 32e Chambre correctionnelle, Rose-Marie Hunault. «Vous avez gravement porté atteinte à la lutte contre le dopage» et «violé les règles du jeu de la compétition sportive», rapporte Afp.
Pape Massata écope de 5 ans ferme et d’une amende d’un million d’euros
Parmi les six prévenus, la peine la plus lourde a été prononcée contre son fils, Papa Massata Diack, resté à Dakar et qui avait refusé de comparaître au procès en juin : celui qui dirigeait le marketing à l'Iaaf a été condamné à cinq ans ferme et un million d'euros d'amende. Le tribunal a maintenu le mandat d'arrêt à son encontre. Son avocat a annoncé qu'il ferait appel. Durant le procès, Lamine Diack avait concédé que les sanctions avaient été étalées, mais il en allait pour lui de la survie financière de l'Iaaf, un argument qui n'a pas convaincu le tribunal. La pièce centrale de l'accusation est un virement de 300.000 euros reçu par la marathonienne Lilya Shobukhova, depuis un compte lié à Papa Massata Diack, en guise de remboursement après sa suspension en 2014. Une note, retrouvée chez l'avocat Habib Cissé, décline des sommes pour d'autres coureurs, pour un total évalué par le tribunal à 3,2 millions d'euros. L'argent n'a pas été retrouvé et ces athlètes pas entendus, ce que la défense avait dénoncé. L'ancien chef de l'antidopage à l'Iaaf, Gabriel Dollé, a écopé de 2 ans avec sursis et 140.000 euros d'amende, tandis que Habib Cissé, qui conseillait Lamine Diack, a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis et 100.000 euros d'amende. Deux responsables russes jugés par défaut et visés par des mandats d'arrêt, l'ancien président de la Fédération nationale d'athlétisme Valentin Balakhnitchev et l'ancien entraîneur Alexeï Melnikov, ont été condamnés respectivement à trois et deux ans de prison ferme. Au total, les six prévenus sont condamnés à verser 10,8 millions d'euros de dommages et intérêts et frais de procédure à l'Iaaf, plus de 300.000 euros à l'Agence mondiale antidopage (Ama) et 10.000 euros au Comité international olympique (Cio), dont Lamine Diack était un membre influent. Ils devront aussi payer 45.000 euros à l'ancienne marathonienne française Christelle Daunay, qui s'estimait lésée pour avoir dû concourir face à Shobukhova.
Me Simon Ndiaye, avocat de Lamine Diack : «aucun élément présenté par la défense n’a été écouté. Toutes les thèses du parquet ont été épousées sans recul»
Au sortir de l’audience tenue à la 32e Chambre correctionnelle, Me Simon Ndiaye, l’un des avocats de Lamine Diack, n’a pas manqué de signifier sa désolation par rapport au verdict condamnant son client à 4 ans dont 2 en sursis avec une amende de 500.000 euros. Devant la presse, Me Ndiaye confie : «cette décision est injuste et inhumaine. Elle est injuste parce que le tribunal a cherché à faire dans le politiquement correct en se servant de M. Diack comme un bouc émissaire. En lisant cette décision, le tribunal nous a montré qu’il n’a fait qu’épouser de façon entière la thèse du parquet». Mieux, l’avocat de la défense estime qu’«aucun élément présenté par la défense n’a été écouté. Toutes les thèses du parquet ont été épousées sans recul. Alors que le parquet à la fin du réquisitoire avait dit : ‘’J’ai des doutes’’. Aujourd’hui, nous avons un tribunal qui n’a plus de doutes, nous avons un tribunal avec des certitudes». Et Me Simon Ndiaye de poursuivre à la sortie du tribunal : «nous avons noté plusieurs incohérences, notamment quand on nous dit qu’il y a eu des financements de campagne, mais que dans le même temps, on nous dit qu’il n'y a aucune trace de ce financement-là. On nous dit qu’il y a abus de confiance, que 15 millions de dollars auraient été détournés par le biais de contrats. Mais ceux qui ont signé le contrat ne sont pas mis en cause. Les bénéficiaires des contrats ne sont pas mis en cause, ceux qui travaillent pour M. Diack, il y en a aucun qui est poursuivi dans le cadre du marketing». L'avocat dit avoir noté plusieurs incohérences, pointant notamment le fait que ni les signataires des contrats incriminés ni les bénéficiaires n'ont été mis en cause.