Face à la Chambre criminelle d’appel de Dakar, hier, l’accusé Doudou Seck a vu sa peine de 15 ans infligée en première instance passer à 20 ans de travaux forcés, tel que sollicité par le Procureur général Alioune Ndao. Doudou Seck, lors d’une bagarre, en janvier 2011, avait poignardé aux poumons Abdoulaye Sylla, simplement parce que ce dernier l’a accusé d’être un fumeur de chanvre indien.
Doudou Seck avait été condamné en première instance par la Chambre criminelle de Dakar à 15 ans de travaux forcés avec 10 millions d’intérêts civils qu’il doit payer à la famille de sa victime, Abdoulaye Sylla, qu'il avait poignardé à mort. A la tombée de cette décision qu'il a trouvée anormale, l’accusé avait fait appel pour que cette peine soit revue à la baisse. Ayant passé 8 ans en prison, il ne lui restait que 7 ans à purger. Toutefois, sa surprise fut grande, hier, lorsque le juge de la Chambre criminelle de Dakar a annoncé en appel une peine de 20 ans de travaux forcés. En effet, sur les faits, le 29 janvier 2011, à la Médina, le défunt Abdoulaye Sylla et son antagoniste Doudou Seck avaient eu une première altercation, après un échange de propos aigres-doux. Cause de la bagarre : la victime l'a traité de fumeur de chanvre indien. Après cette première prise de bec, Doudou Seck, qui ruminait toujours sa colère, est retourné chez lui et s'est emparé d'un couteau. Ainsi, il a trouvé Abdoulaye Sylla chez la vendeuse de petit-déjeuner et après l’avoir empoigné, il lui a asséné un coup de couteau dans les poumons. Comme si cela ne suffisait pas, Doudou Seck a tenté de lui planter un second coup de couteau, mais en a été empêché par le témoin Mamadou Lamine Diédhiou. Après sa sale besogne, il s’est enfui après avoir caché le couteau sous son matelas.
Doudou Seck : «je n'avais pas l'intention de tuer»
Informés de ce crime, les éléments du commissariat de la Médina ont rappliqué avant de transporter la victime à l'hôpital Aristide Le Dantec. Hélas, Abdoulaye Sylla a rendu l'âme. Et sur le certificat de genre de mort, le Dr Mendez qui l’a établi note une perforation des poumons de la victime avec une plaie de 12 cm de profondeur. Hier, face au juge d'appel de la Chambre criminelle de Dakar, Doudou Seck a réitéré les mêmes dénégations qu'il a tenues depuis l'enquête de police. Selon ses allégations, il n'avait pas l'intention de tuer. Son avocat, Me Babacar Ndiaye, a expliqué qu'en ce qui concerne l'assassinat, il faut le dessein d’attenter à la vie d'autrui. Mais pour le cas de son client, souligne-t-il, il n'y a aucun élément qui peut matérialiser un dessein purement réfléchi d'attenter à la vie du défunt. Au regard de ces observations, la robe noire a demandé la disqualification de l'assassinat en meurtre. Plaidant dans la même direction, Me Camara estime que dans cette affaire, les arguments pour critiquer le jugement qui a été rendu a l'encontre de leur client ne manquent pas. Parce que, pense-t-il, le tribunal a retenu l'assassinat en se fondant sur les témoignages. Le conseil d'ajouter que cette préméditation est née du témoignage de Saly Sarr qui a soutenu que Doudou Seck est retourné chez lui pour se munir d'un couteau avant de venir poignarder le défunt. Cette version est, selon lui, tirée par les cheveux. «La préméditation ne peut pas subsister dans ces conditions», rétorque Me Camara, qui souhaite la disqualification de l'assassinat en coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner en lui faisant une application bienveillante de la loi.
L’Avocat général Alioune Ndao : «la partie du corps visée est sensible, l'auteur l'a fait sciemment»
L’Avocat général Alioune Ndao n’est pas du même avis que les avocats de la défense. A l’en croire, c’est des faits tristes et graves parce que le jeune Abdoulaye Sylla était âgé de 22 ans, à l'époque, alors que l'auteur des faits avait 12 ans de plus que lui. Si l’Avocat général a demandé à la Chambre d’écarter le guet-apens, il a trouvé que la partie du corps visée est sensible et, selon lui, l'auteur l'a fait sciemment. «Demander d'écarter la préméditation, c'est bien, mais demander d'écarter le meurtre, c'est de trop», s’indigne-t-il. Avant d’asséner : «il n'y a pas d'excuse sur l'attitude de l'accusé. Il a été condamné à 15 ans de travaux forcés et je trouve que la peine est légère parce que la vie est sacrée. Et la législation a mis en place des peines pour régler ces problèmes. Les gens utilisent des armes blanches n'importe comment. N'oublions pas qu'un jeune a été arraché à l'affection des siens. Je demande à la Cour de confirmer la condamnation et de réformer la peine à 20 ans de travaux forcés», a-t-il sollicité. Dans son délibéré, la Chambre criminelle a disqualifié l’assassinat en meurtre en condamnant Doudou Seck à 20 ans de travaux forcés, avec une amende de 10 millions qu’il doit payer au père de la victime pour ses dommages. Aussi, dans un délai de 6 jours, l’accusé peut faire un pourvoi en cassation.
Fatou D. DIONE