Ousmane Sonko les avait invités à la résistance, les «pastéfiens» ont bien répondu à l’appel. Ils se sont confrontés aux forces de l’ordre hier durant des heures devant le domicile de leur leader et dans les quartiers environnants. Il a fallu un important renfort de police, en particulier celui des éléments de la redoutable Brigade d’intervention polyvalente, pour venir à bout des manifestants, qui se sont reconstitués en groupes dans les quartiers environnants, pour poursuivre leurs actions. Résultats des heurts : de nombreux blessés et arrestations, des commerces saccagés, des voitures incendiées…
L’appel d’Ousmane Sonko à ses partisans à la mobilisation pour faire face à ce qu’il qualifie de complot ourdi par Macky Sall contre lui, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Les «pastéfiens» se sont déplacés en masse et très tôt à son domicile de la cité Keur Gorgui, pour faire échouer toute éventuelle tentative d’arrestation de leur leader. Et ils ne se sont pas fait prier pour montrer leur détermination à le protéger, une fois que les policiers se sont pointés sur les lieux. Ce qui a conduit à des affrontements avec les forces de l’ordre. En effet, alors qu’il y avait une foule immense sur les lieux, la police est intervenue pour la disperser. Dès lors, les heurts ont éclaté. Des pneus et autres objets inflammables sont mis à feu. Aux jets de pierres très nourris, les policiers, en nombre réduit, ont répondu par des jets de grenades lacrymogènes. Très vite la confusion s’installe, la fumée des gaz lacrymogènes se mêle à celle qui s’échappe des pneus et celle d’une voiture particulière incendiée non loin du domicile de l‘opposant. En effet, un manifestant a pris le malin plaisir de mettre le feu à des voitures garées sur les lieux. Mais il sera identifié et arrêté. Les affrontements s’intensifient et les partisans de Sonko, dont certains sont retranchés dans des bâtiments inachevés, voisins de la demeure de l’homme politique, donnent du fil à retordre aux policiers, avec des jets de pierres provenant de partout.
Face à la situation de plus en plus compliquée pour elle, la police qui a eu à être souvent obligée de se replier pour mieux charger ensuite, a dû appeler des renforts. C’est ainsi qu’est arrivée la Bip, avec une vingtaine d’éléments, bien équipés, dotés de boucliers et de fusils d’assaut, qu’ils ont utilisés pour tirer à blanc. Avançant très difficilement en tirant de tous les côtés pour dissuader les manifestants retranchés ou les faire sortir de leurs refuges, les éléments de la Bip, sous la pluie de projectiles dont une brique qui a quasiment assommé un agent, ont réussi à prendre le dessus. Un à un, ils ont appréhendé les manifestants retranchés, dont beaucoup de blessés, aussitôt envoyés dans la fourgonnette. Au même moment, est arrivé le fameux «dragon» de la police, cracheur d’eau chaude, qui a fini de désarçonner les quelques manifestants restés sur place.
Auchan Sacré-Cœur incendié, des voitures particulières caillassées ou incendiées, un bus de DDD saccagé
Alors qu’il y a eu déjà beaucoup de dégâts matériels devant chez Sonko, dont deux voitures au niveau du siège du Programme des domaines agricoles communautaire (Prodac), dont la devanture a été également caillassée, les casses vont se multiplier quand les manifestations se sont étendues, ailleurs, dans les quartiers environnants. En effet, des partisans de Sonko repoussés de la cité Keur Gorgui où toutes les voies menant chez leur leader ont été bouclées, ont poursuivi leur guérilla vers Sacré-Cœur 3, en continuant de rassembler des pneus et autres objets pour y mettre le feu, sur la voie publique et en cassant tout sur leur passage. C’est ainsi qu’ils se sont attaqués à Auchan Sacré-Cœur, qui a été complètement vandalisé. Des voitures particulières ont été caillassées dont une renversée complètement au niveau des deux voies entre Sacré-Cœur et Liberté 6. Un bus de Dakar Dem Dikk de la ligne 20 a aussi fait les frais de la colère des partisans de Sonko. Qui ont étendu leurs actions jusqu’aux quartiers de Dieuppeul et Derklé, où ils ont perturbé la circulation pendant un bon moment, en renversant et incendiant des tables de commerce, des kiosques Orange Money sur la chaussée et en y allumant des feux avec des pneus, du bois...
Beaucoup de blessés dont Assane Diouf et plus de 40 personnes arrêtées
Venu apporter son soutien à Ousmane Sonko, Assane Diouf a été victime des affrontements entre policiers et «pastéfiens». Il a été blessé à la tête par un projectile. Il a tenu à rassurer que Sonko avec qui il a taillé bavette est serein et dans un bon état d’esprit, parce qu’il n’a rien fait de ce qu’on lui reproche. Du côté des partisans de Sonko, le bilan des affrontements fait état de beaucoup de blessés, la plupart, légèrement. Mais il y a un jeune partisan qui a été sérieusement atteint à la tête, avec le visage complètement couvert de sang. Mais il y a plus de peur que de mal. Il a été évacué à la clinique Suma qui se trouve à quelques pas. Du nom de Ousmane Diouf, diplômé de l’Ebad et ancien dirigeant étudiant, il est connu pour être un inconditionnel du patron de Pastef. Du côté des forces de l’ordre, il y a eu aussi des blessés légers, des agents atteints par des pierres. En outre, beaucoup de manifestants ont été arrêtés hier, dont la plupart parmi ceux qui étaient devant le domicile de leur leader. Selon Bassirou Diomay Faye, il y a 41 manifestants qui ont été arrêtés et mis au violon au commissariat central de Dakar.
La police n’était pas venue pour arrêter Sonko, mais faire respecter l’interdiction de rassemblement
Alors que certains craignaient une arrestation imminente de Sonko qui avait affirmé la veille qu’il n’allait pas répondre à la convocation de la Section de recherches, parce qu’il est député et que son immunité parlementaire n’est pas levée, la police a très vite expliqué les raisons de sa présence sur les lieux. C’était en fait pour disperser la foule et empêcher tout rassemblement. En effet, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, tout regroupement public et privé est interdit. Mais c’était sans compter avec la détermination des partisans de Sonko, qui, le temps des affrontements, ont oublié les mesures barrières.
Mbaye THIANDOUM