Le décès du chef du Protocole de la Présidence de la République pendant 40 ans, au service de tous les quatre Présidents qu’a connus le Sénégal, a été l’occasion pour la classe politique, dans ses différentes composantes, de saluer les valeurs et vertus qu’incarnait l’homme. Travailleur, discret, fidèle, loyal, rigoureux…, les qualificatifs n’ont pas manqué pour magnifier l’homme, sa vie et son œuvre. Et pourtant, ces valeurs et vertus trouvées en Bruno Diatta et chantées, depuis son rappel à Dieu, par les politiques, sont celles qui manquent le plus à ces derniers dans leurs actions quotidiennes. Que vaut aujourd’hui dans le champ politique le sens du travail, si l’on sait que les plus hauts fonctionnaires de l’Etat n’ont aucune scrupule à fermer leurs bureaux, avec toutes les conséquences fâcheuses sur la marche du service public, pour aller s’adonner à des activités politiques, comme c’est le cas actuellement, avec la campagne de collecte de signatures pour le parrainage ?
Combien d’hommes politiques n’ont-ils pas renié les valeurs de fidélité, de loyauté, au gré des saisons politiques ? Que valent de nos jours la loyauté et la fidélité dans l’espace politique sénégalais, où la transhumance a fini d’être la leçon politique la plus sue et la plus récitée par des acteurs, qui ont en bandoulière la recherche effrénée du gain, des positions de privilèges et de sinécure ? Pour ne pas aller chercher loin, où sont, aujourd’hui, tous ces hommes et toutes ces femmes qui constituaient le cercle restreint du Président Wade, avec un zèle jamais égalé, et qui lui avaient juré fidélité à vie ? Ils ont presque tous rejoint son successeur Macky Sall, qu’ils n’hésiteront pas à lâcher, à son tour, quand le vent tournera. Que dire de la discrétion, que nos hommes politiques chantent chez Bruno Diatta et qui est une des principales marques des hommes d’Etat ? Non seulement ils sont prompts à cracher sur la fidélité et la loyauté, mais, pis, comme possédés par le diable, ils ne se privent pas de verser dans l’indiscrétion, dans la délation, au préjudice de leurs anciens mentors, collaborateurs ou compagnons. Et sur ce point, les exemples font légion dans le champ politique ces dernières semaines.
Heureusement que le décès du chef du Protocole de la Présidence est venu sonner comme une piqûre de rappel. Et on ose espérer qu’après une semaine passée, dans l’unanimité, à exalter et sublimer les valeurs de travail, de fidélité, de loyauté, de discrétion qu’incarnait Bruno Diatta, et qu’elle foule aux pieds quotidiennement, la classe politique se regardera dans la glace et fera enfin son autocritique.
Mbaye THIANDOUM