Le décret suspendant les opérations minières sans concertation préalable avec les acteurs du secteur a porté un grand coup de frein aux activités des entreprises semi-mécanisées du Sénégal et menace les 8000 emplois directs et autres plus de 100.000 emplois indirects à Kédougou. Outre les pertes d’emplois, déplorent-ils, les espaces laissés vacants risquent d’être contrôlés par les réseaux criminels. C’est pourquoi les acteurs appellent à réexaminer cette décision en concertation avec les concernés.
Le Regroupement des entreprises semi-mécanisées du Sénégal (Ress) a fait face à la presse pour s’indigner des conséquences du décret présidentiel n° 2024-1502 du 31 juillet 2024, suspendant les opérations minières semi-mécanisées au-delà de 500 mètres. En effet, selon le président du Ress, Ousmane Mané, ce décret pris sans consultation préalable des parties prenantes affecte les acteurs du secteur minier, les investisseurs et, par extension, l'économie nationale. En plus de mettre en péril des investissements conséquents et la stabilité socio-économique de régions entières, notamment celle de Kédougou. « À ce jour, nous, promoteurs miniers et investisseurs, n'avons reçu aucune information officielle de la part des autorités compétentes. Aucun dialogue, aucune initiative visant à fournir des clarifications sur cette décision, ou à proposer des mesures d'accompagnement n'ont été entreprises. Cette rupture manifeste de dialogue opérée par l'Etat nous place dans une position d'incertitude totale, provoquant des dommages autour des investissements chiffrés à plusieurs centaines de milliards de francs Cfa», se désole de constater Ousmane Mané, exploitant minier qui rappelle que ses collègues promoteurs et investisseurs sénégalais ont investi d’importants moyens pour le développement de leurs activités minières mais aussi par la contribution au développement local. « Nous avons payé nos taxes, nos redevances minières, et nos frais d'abattage à hauteur de plusieurs milliards de francs Cfa. Nos entreprises ont créé 8000 emplois directs et plus de 100.000 emplois indirects dans toute la zone. Mieux encore, nous contribuons activement à la vie économique et sociale de la région de Kédougou. La construction d'écoles, de postes de santé, de puits, de forage d'eau potable, des dons réguliers aux communautés locales, toutes ces réalisations représentent un engagement financier de plusieurs milliards de francs Cfa au cours de ces dernières années », précise le patron du Ress.
Des méthodes d’exploitation conformes aux normes internationales
En outre, il fait remarquer : «malgré tous ces efforts, nous restons sans interlocuteur, sans réponse de notre tutelle, sans soutien de notre gouvernement. Pire encore, nous subissons les répercussions de cette décision qui met en péril les entreprises en dépit de nos engagements auprès de nos partenaires financiers et techniques», indique Ousmane Mané, qui révèle que les acteurs attendaient le soutien de l’Etat et non cette «décision maladroite mal réfléchie» du ministre des Mines à l’origine du décret décrié et qui occasionne des pertes financières considérables du fait de l’arrêt des activités. « La région de Kédougou, à elle seule, bénéficie d'une masse salariale générée par les 114 sociétés semi-mécanisées avoisinant les 30 milliards de francs Cfa annuellement. Suspendre les activités de ces entreprises, sans concertation avec les acteurs, sans une solution alternative concrète, c'est priver la région et le pays de ressources vitales », serine le patron du Ress.
Des réseaux criminels peuvent s'approprier ces espaces laissés vacants
Par ailleurs, le Ress n’a pas manqué d’attirer l’attention du gouvernement sur la sécurité dans ces zones frontalières. «En l'absence de couverture télécom, le contrôle est déjà difficile pour les forces de l'ordre. Nous avons pris sur nous d'équiper nos sites de systèmes de sécurité sophistiqués et de personnels formés pour prévenir toute intrusion, contre la sécurité territoriale. Cependant, l'annulation de nos permis entrainant une absence d'activités économiques, pourrait compromettre la stabilité dans toute cette zone frontalière. Des acteurs étrangers, souvent issus de réseaux criminels, ne manqueront pas de s'approprier ces espaces laissés vacants, en exacerbant la menace sécuritaire, la pollution ainsi que la corruption devenue une gangrène», explique Ousmane Mané, qui rappelle que leurs structures, au-delà de l’exploitation minière, jouent un rôle de stabilisateur dans la région. «Sans notre présence, la porte sera ouverte à d'autres forces hors de contrôle de l'Etat. La rive malienne, totalement dévastée, laisse la rive sénégalaise vulnérable et exposée à toutes sortes de dérives», martèle le président du Ress. «Nous demandons que cette décision soit réexaminée et que des mesures concrètes soient prises pour permettre la poursuite de nos activités dans les meilleures conditions», invite Ousmane Mané. Si tel n’est pas le cas, dit-il, ce sont les populations de Kédougou qui subiront en premier les conséquences désastreuses de cette décision, d’autant plus que des jeunes, des femmes, des chefs de familles et des communautés entières tirent leurs revenus de ces activités minières.
M. CISS