Fallou Sène est né le 15 mai 1993 et nous a quittés le 15 mai 2018. Il est mort le jour même de son 25ème anniversaire. Le procureur de Saint-Louis, qui a fait face à la presse, hier, n’a pu s’empêcher, avec une voie empreinte d’émotion, de s’arrêter sur ce détail qui en dit long sur le drame qui frappe la communauté estudiantine, la famille de la victime et toute la nation. Mais, on peut compter sur Ibrahima Ndoye, qui assure que l’enquête diligentée le jour même des faits va connaître son épilogue dès la fin de la semaine. Et que si sa juridiction est compétente pour connaître du dossier, les suites judiciaires appropriées seront données à cette affaire. Mais si la responsabilité d’un élément de la gendarmerie est révélée par l’enquête, il ne sera plus compétent et le dossier reviendra au tribunal Hors classe de Dakar, seul compétent en matière militaire. Mais, en attendant de trouver les coupables, le procureur a révélé les éléments de l’autopsie qui a permis de constater, chez la victime, une plaie pelvienne par arme à feu.
Suite aux événements tragiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le parquet régional n’a pas tardé à entrer en scène. «Je suis le procureur d’une région qui vient d’être le théâtre d’affrontements très violents, mettant en scène des franges fragiles, importantes et stratégiques, c’est-à-dire les jeunes et les forces de défense et de sécurité qui, dans leur vocation naturelle, sont chargées de les sécuriser», a déclaré d’emblée le maître des poursuites. Qui ajoute que, conformément à son «devoir» en tant que procureur de la République du tribunal de Saint Louis, dès qu’il a été informé de ce qui s’est passé, il a posé les actes qu’il fallait. «Lorsque nous avons été informés, on a ordonné une enquête qui a démarré mardi et confié au commandant de la brigade territoriale, et procédé à des auditions».
Première certitude de l’enquête : «une mort certaine suite à une blessure par arme à feu»
Après avoir annoncé l’ouverture d’une enquête, le procureur est revenu sur le certificat de genre de mort, avec les deux autopsies pratiquées à Saint-Louis et à Dakar. «Fallou Sène est né le 15 mai 1995 et il nous a quitté le 15 mai 2018, jour de son anniversaire», souligne avec un brin d’émotion le procureur. Poursuivant, il revient sur les causes de la mort, à la lumière des constatations des médecins légistes. «A l’annonce du décès, une réquisition a été adressée au médecin de l’hôpital de Saint-Louis qui, dans ses conclusions, a constaté une plaie par arme à feu au niveau du ventre. Ce qui me semblait insuffisant et nous a poussé à adresser une nouvelle réquisition à un médecin légiste de l’hôpital Le Dantec pour une autopsie. Ce qui a été fait. Le médecin légiste requis a conclu en reprenant la même chose que son collègue de Saint-Louis. Il a constaté l’existence d’une plaie pelvienne avec des lésions viscérales, une rupture des vaisseaux iliaques primitifs gauches et une hémorragie à grande abondance, avec une arme à feu», révèle-t-il.
Pour le procureur, «ce qui s’est passé (à l’Ugb) est un drame national qui n’honore personne». Mais, le maître des poursuites fait remarquer : «en tant qu’autorité judiciaire, n’est pas de traquer des individus qui n’ont aucun lien avec des dénonciations, mais de recevoir des plaintes, de constater des faits délictuels et de procéder à des ouvertures d’enquêtes, avec comme vocation des recherches de preuves qui aboutiront à des identifications et à l’interpellation des auteurs. Ce qui a été ordonné».
Les blessés et les gendarmes qui étaient sur le terrain entendus
Démarré le jour même des faits, l’enquête sur les événements de l’Ugb qui ont coûté la vie à Fallou Sène avance à grands pas, comme en témoigne l’audition de plusieurs acteurs. «L’officier judiciaire et son adjoint, qui ont déployé son enquête avec l’appui des éléments venus de Dakar, ont entendu tous les blessés et tous les membres de l’escadron de Saint-Louis qui étaient partis sur le théâtre des opérations. Tous sont à pied d’œuvre pour poser tous les actes et explorer toutes les pistes de réflexion et d’action qui permettent de rassembler le maximum d’éléments pour établir la matérialisation de l’infraction. Et après, on envisagera d’aller vers les auteurs de la mort et à leur arrestation», informe le procureur, qui ajoute : «la précision de taille que j’aimerai apporter à ce niveau est relative à la nature de l’affaire. Si nous avons estimé par devoir nous autosaisir, c’est parce que dans notre entendement, nous sommes en face d’un évènement, et nous avons plusieurs acteurs, avec plusieurs victimes dont l’une est décédée. Tous ces acteurs sont impliqués à un niveau ou à un autre, avec des degrés d’implication qui nous obligeront forcément à enquêter, d’abord du côté de l’identification de l’auteur du coup qui a été fatal à Fallou Sène, mais aussi de l’identification des auteurs des différents saccages qui auraient comme cibles des édifices publics».
Le représentant de la société se veut confiant quant à une issue rapide des investigations. «L’enquête est en cours, elle se poursuivra et arrivera certainement à terme au plus tard à la fin de cette semaine», soutient-il.
«Si les faits permettent d’établir la nature ordinaire de l’infraction, le parquet de Saint- Louis retiendra sa compétence et des suites judiciaires et légales appropriées seront données à cette affaire»
Et d’ajouter qu’à cette date, «les éléments d’enquête et d’investigations auront permis d’asseoir matériellement les différents faits qui pourraient receler les différentes qualifications de la loi pénale caractéristiques d’incriminations qu’on pourrait retenir éventuellement contre les potentiels auteurs de tels faits». En ce moment, «si les faits permettent d’établir la nature ordinaire de l’infraction, le parquet de Saint- Louis retiendra sa compétence et continuera à approfondir et à élargir l’enquête pour saisir l’autorité judiciaire qui a la tâche d’approfondir l’enquête». Mieux, le procureur promet toute la lumière si l’affaire reste entre ses mains. «Si le procureur de Saint-Louis est compétent en raison de la nature de l’affaire, des suites judiciaires et légales appropriées seront données à cette affaire», souligne Ibrahima Ndoye.
Qui rassure les étudiants et les parents de Fallou Sène dont il compatit à la douleur. «L’assurance que je voudrai leur apporter, le soutien que je voudrai leur apporter, au-delà du fait que nous nous inclinons pieusement devant la mémoire de cet étudiant parti à la fleur de l’âge, c’est que tout est en train d’être mis en œuvre pour que, matériellement, tous les contours de cette affaire soient cernés, pour qu’on puisse conférer à ces faits de véritables qualifications», a martelé le juriste.
Si un élément de la gendarmerie, un corps militaire est identifié comme auteur…
Autant il est prêt à poursuivre l’enquête jusqu’au bout, si la compétence de sa juridiction est engagée, autant le procureur Ndoye sait qu’il pourrait lâcher l’affaire en cas d’identification formelle d’un gendarme comme auteur des faits. «Si les éléments nous permettent de retenir que l’auteur probable de l’infraction est du rang des forces de défense et de sécurité, nous ferons parvenir l’enquête au tribunal hors classe de Dakar, seul compétent sur toute l’étendue du territoire sénégalais, en matière militaire».
Mbaye Thiandoum