
C’est un artiste engagé qui a fini de subir ce que beaucoup d’artistes ont subi. Baye Mass révèle les problèmes qu’il a rencontrés après la sortie de son single «Yeffu Dof». Un single qui dépeint exactement la société sénégalaise, mais qui ferme les portes des sponsors ou des structures étatiques compétentes pour appuyer les artistes qui en font la demande. Le jeune prodige donne son point de vue sur la situation du pays, son engagement à dénoncer les morts durant les manifestations du début du mois de juin…. Baye Mass, qui programme de tenir un concert le 5 août au Cices, ne compte point reculer. «Avec ou sans eux, nous allons tenir…».
Présentation et début de carrière
«Je m’appelle Massamba Wade plus connu sous le nom de Baye Mass. Je suis né à Thiaroye sur mer. J’ai commencé la musique réellement en 2017, même si je chantais dans les écoles en animant les journées culturelles à Thiaroye. J’ai commencé avec un groupe que j’avais formé avec mes amis. Au début, je dansais et chantais en même temps. Par la suite, j’ai su que j’excellais beaucoup plus dans la chanson que dans la danse. La tournure de ma carrière, c’est quand j’ai rencontré un dénommé Youssoupha qui sera par la suite mon premier manager et mon premier producteur. Au début, je n’avais pas encore un plan de carrière bien défini, je reprenais juste des cover d’une manière différente avec une touche particulière. En clair, je mélangeais d’autres genres musicales avec des chansons connues des Sénégalais.»
Yeffu Dof, le tube qui l’a révélé
«Dans la musique, il y a ce que l’on appelle la métaphore pour expliquer le choix du titre. J’ai utilisé ces mots pour faire une approche particulière. Tout le monde sait que je ne chante pas pour dire des inepties, donc c’est un titre pour attirer les Sénégalais à découvrir la chanson. Yeffu Dof est un cri de cœur, une sensation personnelle d’abord de l’artiste, mais ensuite un regard sur la société et enfin une participation pour parler ou décrire la société sénégalaise. Il n’y a pas une prise de conscience dans ma génération ou bien, c’est une infime partie de notre génération. Beaucoup de jeunes de ma génération (Ndlr : il a 22 ans) sont concentrés sur des futilités qui ne leur serviront à rien dans l’avenir, au lieu de faire focus sur notre devenir parce que nous sommes appelés à diriger et à gérer ce pays.»
Audience des lutteurs avec Macky Sall
«Un homme doté de raison est toujours appelé à faire un choix parce que chaque homme a un libre arbitre. Nous sommes dans un milieu où nous avons le droit de faire un choix, mais la société sénégalaise a ses réalités qui font que nous ne devons pas les divulguer au risque de frustrer certains. Les Sénégalais ont une façon différente d’apprécier les choses. Donc notre milieu ne nous permet pas de dire à haute voix nos choix politiques ou sportifs. En tant qu’artiste, je lance un appel à mes pairs afin de s’adapter à notre société. Si c’était aux Usa, on peut comprendre, parce qu’ils ont leurs réalités et le choix d’un artiste est respecté par l’Etat qui continue de te soutenir dans tes activités artistiques. Ici c’est le contraire, mais aussi que cela soit un choix personnel.»
«Les retours négatifs de Yeffu Dof…»
«Il y a eu des retours positifs et négatifs. Je m’attendais à ça quand j’ai écrit Yeffu Dof ; le producteur m’avait averti aussi. D’ailleurs, nous étions en train de préparer notre évènement mais le son n’a pas plu à certains. Quand Yeffu Dof est sorti, nous avions lancé des lettres de sponsor, nous n’avons pas eu de retour. Presque toutes les portes étaient fermées. Là, je veux faire un concert le 5 août au Cices, mais les sponsors ne suivent pas. Avec ou sans eux, nous allons le faire. Même si ce sera difficile pour le label et pour l’artiste mais nous allons tenir».
«J’ai perdu un ami durant les manifestations»
«Si être un artiste engagé, c’est de dénoncer des Sénégalais tués ou dénoncer les tares de la société comme je l’ai fait dans Yeffu Dof, donc je suis un artiste engagé. Je ne fais pas de cri de cœur dans mes chansons pour du matériel, mais pour les morts, pour des faits qui gangrènent la société. Je ne suis d’aucun bord, mais ça fait mal de voir des Sénégalais tués. J’ai perdu un ami durant ces manifestations. Il a été tué durant ces manifestations. Tuer les Sénégalais, c’est trop ! Ce qui est grave, c’est qu’il y a eu beaucoup de morts et c’est très banalisé au Sénégal. Depuis quand des gens meurent au Sénégal et que ça paraisse très normal ?»
Concert perturbé de Wally Seck : «Si je l’avais la possibilité de lui parler…»
«Wally Seck est un battant. Depuis qu’il est sur la scène musicale, il a en reçu des vertes et des pas mûres, mais il continue d’avancer. Je sais qu’il avait déjà repoussé le concert mais ce n’est pas au Sénégal, c’est en France. A l’étranger, tu repousses ta date, tu perds beaucoup. Il y a même des personnes qui auront des problèmes de papier à cause du report. D’autres vont annuler des billets d’avion. Ça a un coût. Mais si je l’avais eu au téléphone, j’allais lui demander de repousser l’évènement jusqu’à ce que le pays sorte de ces moments de crise. Ce que je déplore aussi, c’est le fait de voir des personnes saboter son concert. Il y a plusieurs manières de manifester son désaccord, mais pas de la manière dont ils s’y sont pris».
Propos recueillis par Samba THIAM