
Papa Samba Mboup est sorti de son coin, à la faveur des dernières évolutions de l’actualité. Dans son style et son franc parler, l’ancien chef de cabinet de Me Abdoulaye Wade, devenu allié du Président Sall, dit comme toujours ses vérités sur la situation du pays.
Comment appréciez-vous ce qui se passe dans le pays, avec les derniers événements que nous venons de vivre à cause du verdict de l’affaire Sonko-Adji Sarr ?
Ce qui se passe actuellement au Sénégal est regrettable. Jamais le Sénégal n’a atteint cette extrémité. Je déplore les saccages qui ont causé du tort à des citoyens qui n’ont rien à voir avec la politique. Des gens qui ont travaillé toute leur vie pour se faire un peu de place au soleil, on vient un jour, comme disait Lucie : tant de gloire en un jour effacée. Tout est effacé. Ils ont perdu des biens. Je déplore cela.
Aussi, j’ai eu des échos selon lesquels il y aurait un début de décrispation. On le ressent d’ailleurs quand on marche dans les rues. Les rues sont libérées. Les gens circulent ; il y a la paix. Nous rendons grâce à Dieu et je souhaite que cela dure. Aujourd’hui(hier) ; je suis sorti. Ce que je ne faisais pas d’habitude, parce que je ne veux pas qu’on me casse ma voiture. Donc, tous les Sénégalais sont contents de voir que la situation est en train d’être décantée.
C’est pourquoi je félicite le président de la République. Je sais que s’il y a ce début de décrispation, c’est parce qu’il y a sa main. Son voyage à Touba ; son déplacement nocturne à Touba, a été bénéfique pour le Sénégal. Dès lors, j’invite, puisqu’il a initié un dialogue national, tout le monde, toute l’opposition à assister à ce dialogue. Parce que c’est là que le sort du Sénégal est discuté. Pour ce dialogue aussi, je voudrais que les jeunes soient impliqués.
Il faut qu’ils le soient. Parce que ce sont eux l’avenir du pays. Ils ont leur mot à dire dans cette affaire là. Il faut donc les inviter au dialogue. A Macky, je dis que les choses ne seront plus comme avant. Macky est venu au pouvoir à la fin d’un cycle et il y a un autre cycle qui commence. Nous autres, nous sommes dépassés. Nous allons tous aller à la retraite. Il y a une nouvelle vague qui est là ; des jeunes qui sont là et qui veulent construire ce pays aussi. Suivre les pas de leurs aînés. Qu’on leur fasse donc de la place.
Il faut que les jeunes soient impliqués ; parce que dans la rue, il n’y a que des jeunes. Pourquoi sont-ils tous dans la rue ? ceux qui ont du travail ne manifestent pas parce qu’ils sont dans leurs lieux de travail. Ils sont occupés à faire. Les autres, c’est parce qu’ils ne travaillent pas. Il faut donc que l’Etat pense à ces jeunes pour leur trouver des emplois. Leur trouver des occupations. Occupés, ils ne seraient pas dans la rue.
Evidemment, il y a une disproportion sur le plan professionnel. Il y a beaucoup de jeunes qui ne font rien par rapport à une minorité. Et ça, il faut que cette disparité soit corrigée. C’est vrai que dans un pays, on ne peut avoir 0% de chômeur, mais il faut que quand même, j’espère avec les richesses qu’on a trouvées et qu’on trouve dans ce pays, on n’oubliera pas les jeunes. On n’en profitera pour résorber une grande partie du chômage.
L’actualité, c’est aussi la fermeture des consulats décidé par l’Etat du Sénégal. Comment voyez-vous tout cela, vous qui avez l’habitude de vous rendre à l’étranger régulièrement ?
Je condamne fermement. Même les pays où se trouvent nos consulats, ces pays là, ne nous respecteront pas. Comment peut-on… ? Et puis, ces consulats, c’est pour les Sénégalais. C’est là-bas où ils prennent leurs cartes d’identité. Leurs passeports ; c’est le consulat qui leur fait les sauf-conduits. C’est le consulat également qui règle les problèmes d’état civil. Ce sont donc leurs propres bureaux qu’ils ont saccagés. Maintenant, ils vont avoir des problèmes pour avoir ces pièces là. Les archives, on n’y touche pas. Un pays qui n’a pas d’archives, c’est un pays sans âme.
C’est presque la même situation, une situation similaire à l’Université Cheikh Anta Diop avec la destruction de certains bureaux….
J’ai vu, mais ce n’est pas bon. Je n’ose pas croire que ce sont les étudiants qui ont fait ça. Peut-être aussi que ce sont des forces extérieures à l’université qui ont fait ça, parce qu’un étudiant ne peut pas casser son outil de travail. Son outil d’apprentissage. Ce n’est pas possible. Je pense qu’ils ont été infiltrés. Dès qu’il y a une manifestation, des gens qui n’appartiennent pas à cette manifestation qu’on appelle les badauds et autres en profitent. D’habitude, dans les plages, les rochers, ils sortent et en profitent pour casser, se ravitailler et puis retourner dans leurs grottes. Je ne suis pas sûr qu’un parti organisé puisse demander à ses militants de faire des saccages. Nous à l’époque du Pds quand on faisait nos marches avec Abdoulaye Wade, nous avions nos propres services de sécurité qui encadraient notre marche. S’il y a des éléments extérieurs qui veulent nous infiltrer, ils réagissent. Ce, pour dire que je ne pense pas que ce soient des étudiants.
Si vous aviez un message particulier à adresser à Ousmane Sonko dans ce contexte où tout le monde pense que c’est lui qui peut décanter la situation, ce serait de lui dire quoi ?
Ousmane Sonko, je lui demande d’accepter d’aller dialoguer. De prendre exemple sur Khalifa Sall qui dit : bien qu’il soit de l’opposition radicale, de Taxawu Sénégal et du F24, il a accepté de participer au dialogue. Il n’a qu’à dialoguer. Le Président a appelé toutes les couches du pays à des concertations, il n’a qu’à y aller s’il n’est pas empêché. S’il est libre de tous ces mouvements, je lui demande d’aller là où l’on parle du sort du Sénégal. Il faut qu’il soit présent. Macky Sall est le maître du jeu. Il détient tous les leviers et il sait sur quel levier s’appuyer pour décanter la situation et stabiliser notre pays. Je soupçonne aussi qu’il est dans la voie de la décrispation. Je lui demande de continuer, parce qu’il a quand même beaucoup fait. Il ne faut pas que ces perturbations fassent ombrage à ses réalisations. Il est déjà entré dans l’histoire. Il n’a plus rien à prouver.
Vous êtes donc d’accord pour sa 3e candidature ?
Sa 3e candidature, je ne peux pas en parler tant qu’il ne s’est pas prononcé. J’ai mon avis comme tout Sénégalais. Quand il se prononcera…il n’a rien dit, de quoi je me mêle ? j’ai mon opinion, je le dirai le moment venu.
Et que pensez-vous du débat, qu’au regard de sa condamnation, Ousmane Sonko ne sera pas candidat aux élections présidentielles de février prochain ?
Il sera candidat ou pas, je n’en sais rien. Je ne suis pas un expert en droit. Je ne suis pas non plus un constitutionnaliste. Je serai prétentieux si je dois interpréter les lois qui sont dans la constitution. Je ne peux pas. Mais j’espère que nous avons au Sénégal, des juges responsables qui donneront la bonne solution. Parce que : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », comme disait Rabelais. Un juge, il juge selon la loi et sa conscience. Cela est très important dans l’interprétation des lois.
Pour dire la vérité aussi, avec ce que nous avons vu, vous pensez que Sonko peut faire reculer cette jeunesse ?
Nous sommes arrivés à un point de non-retour. C’est-à-dire que chaque génération a son propre profil. Aujourd’hui, les gens ne pensaient pas que Ousmane Sonko est un leader politique. Ce n’est pas ça. Ousmane Sonko est une marque déposée. Je m’explique : c’est-à-dire que les gens n’écoutent même plus ; ils ne voient pas. La personne de Ousmane Sonko ne les intéresse pas. C’est juste que les jeunes recherchaient quelque chose et ils ont vu en Ousmane Sonko l’incarnation de ce qui est recherché. C’est pourquoi il est impossible de les canaliser. Si Ousmane Sonko se révoque aujourd’hui pour dire aux jeunes ne faites rien, ils vont le lyncher vivant.
Ce sont les jeunes qui vont le lyncher. La preuve, au meeting là-bas, il avait donné un ordre à ses partisans que si Khalifa Sall vient pour parler qu’on l’accueille normalement ; on applaudit etc. mais… il a commencé à parler et les jeunes l’ont hué. Pour dire que Sonko ne contrôle plus rien. La jeunesse qui est autour de lui, Sonko ne la contrôle plus. Sonko comme je l’ai dit plus haut : c’est une marque déposée. C’est cela le problème et c’est cela également que Macky Sall n’a pas compris. Sonko ne contrôle plus rien ; lui-même est dépassé par les événements. Il croit savoir, mais il ne sait pas. Les jeunes sont arrivés à un point où ils se disent que maintenant : « on va tout casser et après, on va refaire, mais on va casser sinon, que celui en qui on voit l’incarnation de nos idées y passe. S’il nous déçoit après, c’est entre lui et nous. Il ne faut pas s’étonner. Si Sonko s’aventure avec Macky Sall, il verra une autre jeunesse beaucoup plus féroce que celle-là. Ce qu’il faut aujourd’hui, est que Macky Sall doit laisser tomber toutes ces histoires de rapport de force. A un moment donné, il faut savoir quelles sont les limites. Aujourd’hui nous sommes dans les limites : soit de basculer dans la violence totale ; soit dans la paix. Si tous les deux veulent imposer leur pouvoir par la force, eh bien, on va vers…il faut discuter. Il faut que les autorités religieuses s’impliquent plus. Quitte à ce qu’ils aillent chercher Ousmane Sonko chez lui, le mettre dans une voiture ; de prendre Macky Sall de le mettre dans la voiture, les emmener quelque part en terrain neutre, leur imposer de se parler. Il faut que les autorités religieuses fassent leur travail. Ils ne doivent plus parler, en disant qu’ils ont parlé à Macky ou à Sonko. Ce qu’ils disent doit être audible de tout le monde. Il faut que le Sénégalais sache ce que chaque chef religieux a dit.