
Une affaire de non-reversement d’indemnités d’expropriation impliquant Me Cheikh Ahmadou Ndiaye a été soulevée hier par le quotidien «L’Info» dans son édition d’hier. Le journal «Les Echos» a cherché à y voir plus clair. Il nous revient qu’en réalité, toute la vérité n’a pas été dite par la «plaignante» dans ce dossier. Mais, il y a mieux, l’argent en question n’est même pas entre les mains de l’avocat, qui a transféré le chèque au bâtonnier. Ce qui fait que l’argent est dans le compte Carpa des avocats. Un contentieux opposant les deux parties, Me Cheikh Ahmadou Ndiaye a transmis le chèque au bâtonnier, le temps qu’il tranche le différend.
Un avocat qui détourne l’argent d’un client, c’est, en filigrane, l’information relayée, hier, par le journal «L’Info» et qui a barré sa Une. Il est arrivé, certes qu’un avocat soit traduit devant une formation spéciale pour régler un contentieux avec son client. Pour y voir plus clair, le journal «Les Echos» s’est intéressé à ce dossier. Mais, il nous revient qu’en réalité, il y a beaucoup de vérités tues dans cette histoire. Autrement dit, toute la vérité n’a pas été dite. Le journal «Les Echos» a pu avoir des documents qui le confirment, notamment une lettre par laquelle Me Cheikh Ahmadou Ndiaye saisit le bâtonnier pour l’informer, en substance, que suite au différend qui l’oppose à ses clients, il lui transfère le chèque de 35 millions, en attendant qu’il tranche l’affaire. Le chèque, qui date du 28 décembre 2021, a été même joint à la lettre et le bâtonnier a accusé réception de cette lettre, le 15 février 2022. Des documents que le journal «Les Echos» détient également.
Une affaire qui remonte à 7 ans
Cette histoire, en fait, date de 2015. Depuis, environ 7 ans, les héritiers de feu Boubacar Daouda Bâ ont pris conseil auprès de Me Cheikh Ahmadou Ndiaye, pour rentrer dans leurs fonds, après une procédure d’expropriation de l’Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute). Les parcelles n°60 et 62 sis à Malika, appartenant à feu Boubacar Daouda Bâ, étant concernées, l’Ageroute a été condamnée à la suite d’une assignation qu’elle avait même initiée, à indemniser les héritiers, pour les deux parcelles, à hauteur de 35.290.000 francs, par le Tribunal de Grande Instance de Dakar. Mais, le paiement des indemnités était subordonné à l’établissement de la qualité d’héritier de son épouse Ndiaye Dia et de ses neuf enfants. Une procédure de production de jugement d’hérédité a alors été initiée par Me Ndiaye qui a trouvé qu’il fallait procéder par des rectifications d’erreurs matérielles sur les actes d’état civil des enfants. Ce qui a été fait et la procédure de jugement d’hérédité est alors lancée.
Pressée de recouvrer son argent, la dame a saisi le bâtonnier pour se plaindre de la lenteur en suspectant une négligence de son avocat. Tout compte fait, au final, le jugement a été obtenu, en octobre 2019. Assignée en paiement en mai 2021, pour faire déconsigner le montant qui était au niveau de la Caisse de dépôt et de consignation, l’Ageroute a trouvé un accord devant le Tribunal, avec les requérants. Seulement, l’agence n’a pas respecté ses engagements. Du coup, une autre assignation a été faite, en juillet 2021. Au finish l’Ageroute s’est inclinée et les indemnités ont été payées. Ainsi, 11.116.350 francs ont été transférés par chèque à Me Youssoupha Camara, avocat d’une partie des héritiers pour leur part. Il restait 24.173.650 francs correspondant à la part de l’épouse Ndiaye Dia et de ses enfants.
Dans le document détenu par le Journal « Les Echos », Me Cheikh Ahmadou Ndiaye explique au bâtonnier que l’argent a été consigné au niveau du compte séquestre Carpa, dans l’attente de la résolution du différend opposant Me Ndiaye et ses clients. Autrement dit, les 24 millions ne se trouvent pas dans le compte de l’avocat, mais dans le compte Carpa, sous le contrôle donc du bâtonnier de l’Ordre. L’avocat s’est même plaint de n’avoir pas été payé à la mesure de ses efforts depuis qu’il gère ce dossier en 2015. C’est dans ces circonstances qu’il est passé à la taxation de ses honoraires, en se conformant aux dispositions combinées des articles 1 et 3 alinéa1 de l’arrêté ministériel du 26 décembre 2008, portant barème de référence des honoraires d’avocats, pour fixer ses honoraires. Trois critères sont exigés par l’arrêté, à l’avocat, pour fixer ses honoraires : les enjeux financiers, les difficultés objectives à surmonter le temps passé au traitement du dossier et le résultat obtenu. Pour un combat qui a duré depuis 2015 et qui a fini par une victoire, puisque les indemnités ont été payées, les honoraires pouvaient être payés à l’aune des efforts et du résultat. C’est ainsi, après calcul, que la robe a abouti à des honoraires qui s’élèvent, en tout et pour tout, à 4.504.490 francs, Tva compris.
C’est cette affaire qui n’est pas encore définitivement tranchée devant le bâtonnier. Certes Mme Ndiaye Dia est en droit de demander ses indemnités, mais il se trouve que l’argent est actuellement dans le compte Carpa des avocats ; donc Me Ndiaye n’est pas encore payé jusque-là. Le journal «Les Echos» a pu avoir la réponse du bâtonnier qui accuse réception du chèque de 24 millions et il a même ajouté que l’argent se trouve dans le compte Carpa.
Alassane DRAME