L’élection présidentielle aura bien lieu le 24 mars prochain. Les recours de Karim Wade et Mamadou Diop Decroix n’ont rien pu y faire. En effet, statuant en matière de référé-suspension, le juge administratif a estimé que les décrets de Macky Sall ont visé les décisions du Conseil constitutionnel qui a la plénitude de juridiction en matière électorale. Ainsi, il ne peut les suspendre et mieux il anticipe et affirme que les décrets ne peuvent être annulés. Du coup, le juge a déclaré les recours irrecevables.
Camouflet pour Karim Wade et Cie qui voulaient le report de l’élection. Le juge administratif, statuant en matière de référé-suspension, a déclaré la requête de Karim Wade, Lamine Thiam, Mayoro Faye et Saliou Dieng irrecevable ; et c’est le même sort qui a été réservé à celui déposé par Mamadou Diop Decroix, Amadou Ben Diop et Cheikh Tidiane Gadio.
En fait, le juge Aloïse Ndiaye qui a présidé l’audience, a fait la jonction des deux requêtes, puisqu’elles avaient le même objet. Pour la motivation de sa décision, le juge a constaté que les décrets en question visent les décisions du Conseil constitutionnel dont les décisions ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. «Dès lors que ces actes n’étant pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir, cette irrecevabilité affecte tant les demandes d’annulation que les demandes tendant à la suspension de leur exécution», tranchant ainsi le recours même aux fins d’annulation. Ainsi, il a déclaré les deux recours irrecevables avant de les rejeter.
«Les requérants n’ont ni qualité ni intérêt à agir», selon l’Avocat général
En fait, le juge a rejoint les conclusions de l’Avocat général. Amadou Mbaye Guissé, le représentant du Parquet général, a également soulevé la question de la compétence du juge administratif, car pour lui, la Constitution et tout ce qui tourne autour relèvent de la compétence du Conseil constitutionnel. Il estime, en outre, que le décret fait partie des pouvoirs constitutionnels du président de la République et il constitue un acte de gouvernement et par conséquent, les décrets querellés ne sont pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Amadou Mbaye Guissé a, par ailleurs, soulevé la question de l’intérêt à agir. Pour lui, la seule qualité de citoyen ne suffit pas pour justifier d’un intérêt à agir. «Le requérant n’a ni qualité ni un intérêt à agir», martèle-t-il, invoquant ainsi une jurisprudence de la Cour suprême.
Me Seydou Diagne : «nous sommes devant le juge administratif. Les décisions du Conseil constitutionnel ne s’imposent pas à vous»
Ces positions sont tout le contraire de l’interprétation de Me Seydou Diagne. Constitué pour assurer les intérêts de Karim Wade et Cie, l’avocat soutient mordicus que ces décrets du président de la République constituent des actes administratifs. «Ce n’est pas le procès du Conseil constitutionnel. Vous êtes le juge administratif et c’est devant vous que nous sommes venus. Le président de la République a pris des actes administratifs et nous sommes devant le juge administratif», a d’emblée souligné la robe noire. Pour lui, le recours pour excès de pouvoir est de la compétence de la Chambre administrative, mais pour l’heure, ajoute Me Diagne, «nous sommes devant le juge des référés et nous demandons la suspension du décret». L’avocat de préciser qu’il ne s’agit pas d’une audience de fond qui sera examiné plus tard, mais étant donné l’urgence, ils veulent une suspension jusqu’à ce que le juge de la Chambre administrative examine le fond pour dire si les décrets sont illégaux ou non, car pour lui, il y a un doute sérieux quant à la légalité des décrets. «Je dirai que c’est louche, pour parler comme les jeunes d’aujourd’hui», ironise-t-il un peu. Pour fonder son argumentaire, il soutient que le décret convoque le corps électoral et donc les électeurs ; et son client est aussi électeur donc il a un intérêt à agir, si l’on en croit Me Diagne. «Les décisions du Conseil constitutionnel ne s’imposent pas à vous», martèle enfin la robe noire qui estime qu’il n’y a aucun lien hiérarchique entre le Conseil constitutionnel et la Cour suprême.
Me Demba Ciré Bathily : «le décret est même inexistant»
Embouchant la même trompette, son confrère Me Demba Ciré Bathily considère que le Conseil constitutionnel n’a pas la plénitude de juridiction, sinon il pourrait juger des faits délictuels alors que ce n’est pas le cas. En outre pour lui, le président de la République a posé un acte administratif qui est même «inexistant».
Me Amadou Aly Kane : «Il y a un préjudice sérieux»
Assurant les intérêts de Mamadou Diop, Mouhamed Ben Diop et Cheikh Tidiane Gadio, Me Amadou Aly Kane a été le premier à prendre la parole. L’avocat précise d’entame vouloir une élection honnête où le Président élu aura toute sa légitimité. Contrairement au juge, il considère que le Conseil constitutionnel n’a pas la plénitude de juridiction en matière électorale et que le juge administratif est bien compétent pour examiner leur requête. Sur la recevabilité de leur recours, Me Kane soutient que l’argument selon lequel seuls les candidats peuvent faire une telle requête, ne tient pas. Pour lui, les candidats qui ne sont pas sur la liste ont un intérêt à agir ; ils peuvent soutenir les coalitions et ils ont un intérêt moral. Il estime que la date du 24 mars retenue n’est pas conforme aux dispositions de l’article 130 du code électoral. Macky Sall, selon lui, à travers ces décrets, a violé l’article 4 de la Constitution ainsi que les conventions internationales. Il cause ainsi un préjudice sérieux à de nombreux citoyens qui ont un temps très court pour choisir leur candidat.
Alassane DRAME
La curieuse abstention de l’agent judicaire de l’Etat
L’agent judiciaire de l’Etat a adopté hier, devant le juge des référés, une attitude curieuse, étonnante. Alors que le juge lui donnait la parole pour ses observations orales, Yoro Moussa Diallo, qui avait à côté de lui Me Amadou Yéri Bâ, n’a pas voulu se prononcer. «L’agent judiciaire s’en rapporte à la sagesse de la Cour», s’est-il limité à dire. Il a été suivi en cela par son avocat. Etonnante réaction si l’on sait qu’il s’agit de décrets pris par le président de la République et l’annulation ou même la suspension d’un décret du chef de l’Etat ne fait pas bonne appréciation. L’Etat s’est-il totalement désintéressé de cette affaire ? Ou bien est-il d’avis, comme Karim Wade et Cie, que les décrets doivent être suspendus ? Y-a-t-il un intérêt quelconque que ces décrets soient suspendus ? Les questions restent pertinentes surtout que Yoro Moussa Diallo n’a même pas fait des observations écrites. Un désintéressement total. Etonnant et curieux.
A.D
MAMADOU DIOP DECROIX
«Nous ne sommes pas satisfaits ; nous somme pour une élection inclusive»
«On est dans le domaine de la politique, ce qui nous a toujours intéressé et qui continue de nous intéresser, c’est que cette élection puisse avoir lieu dans un contexte de paix, de calme et de stabilité pour que les Sénégalais puissent choisir leur Président de la République. Naturellement, nous ne sommes pas satisfaits parce que nous sommes pour une élection inclusive. Nous allons nous concerter et évaluer la nouvelle situation politique».
AD











