
L'orpaillage, activité pratiquée traditionnellement par les populations locales de la région de Kédougou, a connu un boom dans les années 2010 avec la découverte de filons d'or, ce qui a coïncidé avec l'arrivée massive de migrants de toute la sous-région. L’Organisation internationale de la migration a publié un rapport sur les risques, les vulnérabilités et besoins sanitaires des migrants et des communautés des villages aurifères de Kédougou. Entre impacts négatifs, type d’habitation précaire, conditions sanitaires exécrables, sans oublier le calvaire des professionnels du sexe…, les maux sont nombreux.
Les impacts négatifs de l’orpaillage sont ainsi listés par l’Organisation internationale de la migration (Oim). A savoir, l’accès à l’eau qui est une préoccupation commune aux 5 villages de l’étude. En effet, la disponibilité de la ressource ou la capacité d’exploitation est inférieure à la demande en raison de l’accroissement de la population. Les conflits fonciers avec les sociétés minières ont été le principal problème évoqué pour les sites de Kharakhena et Sambrambougou. Selon les leaders communautaires de ces villages, les sociétés minières occupent les zones où il y a de l’or au détriment de l’orpaillage traditionnel. «La Société Africa Gold occupe les zones où il y a beaucoup d’or. Depuis 2014, on a fermé le couloir et on a donné à la société et maintenant on n’a plus accès. Côté Dioura, la zone d’exploitation est épuisée et on a besoin d’un couloir pour pouvoir continuer notre activité d’orpaillage». « Les sociétés minières sont le principal problème, l’espace pour l’orpaillage traditionnel est pris aux populations. Avec l’installation de la société minière, les populations ont été déguerpies et si elles résistent, la gendarmerie intervient. Depuis la fermeture du dioura, les jeunes du village migrent et les enfants abandonnent l’école, car les parents n’ont plus les moyens de payer les frais liés à l’école», renseigne le chef de village et leader communautaire de Sambrambougou dans un entretien avec l’Oim.
Différends entre population sénégalaise et communautés étrangères
L’Organisme onusien note aussi des tensions entre la population sénégalaise et les communautés étrangères. Ces dernières auraient des comportements et habitudes différentes, tels que la consommation d’alcool, ce qui serait à l’origine de tensions et de violences…Sans oublier le développement de la prostitution liée à l’expansion démographique, notamment à l’afflux de migrants et les problèmes environnementaux tels que la pollution des ressources en eau, la poussière causée par l’activité d’orpaillage et par les camions des sociétés minières sur les routes non bitumées (c’est le cas à Khossanto) ou encore la prospection clandestine dans les champs de culture.
Problèmes de sécurité et de santé
Concernant les problèmes de sécurité, il y a inclus les incendies parfois d’origine criminelle, les vols dans les villages ou dans les diouras, l’insécurité la nuit, les accidents notamment causés par les éboulements des trous ou les accidents de la route. Enfin, les problèmes de santé (traumatismes, problèmes liés à l’utilisation de produits chimiques, IST, etc.) qui sont notamment liés aux défis précédemment cités (accès et pollution de l’eau, poussière, accidents) et auxquels s’ajoute la pression sur les structures de santé dont la capacité de prise en charge est parfois insuffisante notamment en saison des pluies.
Type d’habitation précaire
Les orpailleurs occupent majoritairement des habitations précaires. En effet, plus de la moitié (53%) des répondants vivent dans une niaffa, 30% dans une case en semi-dur et seulement 16% dans une maison en dur. Les niaffas sont des cases construites en matériaux précaires (bambou, paille et bâches en plastique) et sont généralement installées en périphérie du village. Les analyses ont révélé que les orpailleurs logeant dans une niaffa étaient à 82% des migrants de nationalité étrangère. La précarité de ces habitats traduit le caractère temporaire de l’installation de leurs occupants. Par ailleurs, une même niaffa serait partagée par 5 personnes en moyenne, avec un maximum de 10 personnes, ce qui témoigne d’une certaine promiscuité. Ces chiffres illustrent la précarité des conditions de vie des orpailleurs, notamment des migrants. Ces conditions les exposent davantage aux moustiques et à la poussière, soit au risque de contracter le paludisme et des problèmes de santé liés à la poussière. Le risque d’incendie en raison des matériaux précaires est aussi à considérer.
Certaines personnes défèquent à l’air libre
Quant à l’assainissement, 82% des répondants déclarent jeter leurs eaux usées à même le sol et seulement 12% disposent de fosses. L’insuffisance de fosses due à l’habitat précaire tel que les niaffas, se traduit par la présence d’eau usée à même le sol et contraint les populations à déféquer à l’air libre (notamment à proximité des marigots), ce qui crée une pollution au sein et dans l’environnement immédiat du village.
Violences à l’égard des professionnelles du sexe et refus de mettre le préservatif
Les conditions de travail des professionnelles du sexe sont marquées par le comportement violent de la part de leurs clients, notamment lié à la consommation abusive d’alcool et par des comportements à risque tels que le refus d’utiliser le préservatif. Ce dernier serait notamment lié à une croyance locale selon laquelle pour trouver de l’or, il faudrait être «souillé». En effet, selon les résultats de l’enquête, les principales difficultés rencontrées par les professionnelles du sexe au cours de leur travail sont la violence physique/le manque de respect de leurs clients, la stigmatisation, le refus de paiement ou de mettre un préservatif. Pour exemple, plus de la moitié des professionnelles du sexe interrogées sont confrontées régulièrement au refus des clients de porter des préservatifs et près de la moitié sont victimes de violences de la part de ces derniers.
Les professionnelles du sexe sont ainsi exposées aux risques d’IST et au VIH, aux grossesses non désirées, et aux troubles physiques et psychologiques liés à des violences physiques et verbales de la part de leurs clients. Les Extraits des questionnaires individuels des professionnelles du sexe font froid dans le dos. «En faisant des rapports, certains clients sont très violents. Ils boivent de l’alcool et me violentent à chaque fois», selon l’une d’elle. Une autre de révéler : «lorsqu’un client est violent, je reste calme car je ne sais pas à qui m’adresser. Parfois, ce sont les membres de ma communauté qui m’aident». Une autre professionnelle du sexe de témoigner : «certains clients nous font l’amour sans nous payer et parfois ils nous agressent et nous frappent». L’une d’elle, de nationalité étrangère, d’indiquer : «quand les clients sont violents, je leur rends leur argent. Je ne suis pas dans mon pays, je ne veux pas avoir de problèmes». Une autre de se résigner : «parfois on se bat dans la chambre si un client veut faire des rapports non protégés ou sans me payer».
Le calvaire des professionnelles du sexe
Parmi les 33 professionnelles du sexe rencontrées, 6 ne connaissaient pas leur statut sérologique vis-à-vis du VIH, 2 prendraient des antirétroviraux et 1 n’a pas souhaité répondre. Interrogée, l’une d’elle lâche : «parfois, j’ai des infections sexuelles et j’ai eu un bébé d’une grossesse que je n’avais pas voulue». Une autre d’avouer : «les problèmes que je peux avoir avec mon activité sont les IST et les grossesses. D’ailleurs, je suis actuellement enceinte et je ne le voulais pas». Cette dame de confesser : «j’ai eu une grossesse que je n’ai pas voulue et je n’ai pas eu de rendez-vous médical». Une autre professionnelle du sexe de se désoler : «j’ai vécu des infections et j’ai eu deux enfants à cause de grossesses non désirées.». Mais tout le monde n’est pas dans le même cas. Cette péripatéticienne reste inflexible : «je refuse d’avoir des rapports non protégés parce que je suis là pour l’argent et non pour la maladie».
Samba THIAM