L’Inspection générale des finances (Igf) a révélé les failles relevées dans la phase d’élaboration et de stabilisation des clauses contractuelles. En effet, il ressort que sur l’objet du contrat, qui est de l’ordre de plus de 29 milliards pour la mise en place de 4 Cœurs de DAC de 130 ha et non de Dac complets, en plus d’une option onéreuse suscitant des soupçons de surfacturations dénoncées par Locafrique.
D’abord, l’Igf a soulevé l’option sujette à critique qui concernait l’engagement contractuel de mise en place de Cœurs de Dac de 130 ha et non de Dac complets. En clair, pour booster la politique de l’emploi en milieu rural, il était prévu, dans la première phase quinquennale de mise en œuvre du Prodac, la mise à la disposition des entrepreneurs agricoles de 30.000 hectares de terres aménagées, réparties sur 10 terroirs à travers le pays. A ce titre, il a été défini un plan de mise en œuvre validé par le chef de l’Etat, avec comme objectif le démarrage de 4 Dac. D’ailleurs, la mission a pu disposer auprès de Locafrique d’une requête du Prodac aux fins de financement du Dac de Sefa. Un projet qui avait pour but de créer dans le terroir de Sédhiou un grand pôle de compétitivité économique, avec l’aménagement de 1000 ha à des fins de production végétale, avec notamment 500 ha à partir de 2015. (…) Ce projet avait un fort potentiel de création d’emplois puisque devant permettre la création de 4000 emplois au sein du Dac et 6000 en dehors, soit un total de 10.000 emplois pour la région de Sédhiou. Ainsi le coût global de ce projet était estimé à 7.789.188.750 F Cfa.
Interpellé sur ce projet, Mamina Daffé, actuel Coordonnateur du Prodac, reste convaincu que s’il était réalisé en lieu et place de celui de Green, l’Etat aurait pu atteindre, sans difficulté majeure, l’objectif de création massive d’emplois. Mieux, Daffé estime que le projet Green, du fait du faible niveau d’implication des techniciens en amont, a péché dans sa phase de négociation et de signature où, en lieu et place de Dac, il a été retenu des Cœurs de Dac ou ASTC. Il avait même noté dans une lettre les limites du projet Green par rapport à l’objectif stratégique, tout en invitant le partenaire israélien à intégrer dans son offre certains éléments. Toutefois, Daffé dit ignorer le sort réservé à cette proposition, tout en marquant son étonnement sur la formule de Cœurs de Dac et non de Dac complets retenue dans le cadre du projet Green 2000.
Interrogé sur la possibilité pour le projet Green de générer le nombre significatif d’emplois souhaité, il soutient qu’avec les seules infrastructures qui seront, in fine, mises en place, l’objectif stratégique ne pourra être réalisé et qu’il va falloir, pour l’Etat, consentir des moyens additionnels pour créer un dispositif complémentaire. Il a laissé entendre que le projet Green tel qu’il s’exécute ne permettra pas, à terme, de créer plus de 150 emplois. Une position partagée par Khadim Bâ, Directeur général de Locafrique.
Une réorientation du Prodac qui est un aveu d’échec
Même si la Direction technique du Prodac a fait une proposition de réorientation technique, avec la mise en place d’une formule qui consiste à aménager deux unités autonomes d’exploitation de 15 ha au niveau de chaque Dac. En somme une mise en œuvre adéquate de cette formule devrait permettre de créer, selon la prévision de la Direction technique, 12.960 emplois avec un coût sensiblement inférieur à celui constaté dans le projet Green 2000. Le coût du projet est estimé à 1.032.000.000 F Cfa, compte non tenu de celui des forages chiffré à 450.000.000 F Cfa, soit un total de 1.482.000.000 F Cfa. En définitive, cette proposition de réorientation, conciliée avec les conclusions des auditions des différents acteurs sur la possibilité d’atteindre l’objectif de création massive d’emplois, constitue un aveu d’échec par rapport à la mise en œuvre du projet Green 2000.
Des surfacturations de plus de 3 milliards
Le coût global des 4 Dac est estimé à 29.600.536.000 F Cfa compte non tenu des intérêts tributaires de l’accord de prêt avec l’Etat du Sénégal. Ce coût, renseigne l’Igf, n’intègre pas également le prix des intrants (engrais, semences etc.,) que le Prodac va devoir supporter une fois les ouvrages livrés et qui sont nécessaires à la mise en exploitation effective des Cœurs de Dac. En guise d’exemple, le rapport de l’Igf fait ressortir, au travers d’une note documentée comparant les coûts proposés par Green à ceux réellement en cours sur le marché : «pour la préparation du sol, Green table sur 377.600.000 alors que le coût réel est de 144.000.000 F Cfa. Pour l’atelier d’emballage, Green l’estime à 631.300.000 F Cfa alors que sur le marché, le coût réel est de 165.916.990 F Cfa. Pour les machines et équipements, Green facture à 1.336.350.000 F Cfa contre 599.709.450 Fc Cfa. Pour les bâtiments et équipements associés, Green s’arrête à 1.067.900.000 F Cfa contre 277.785.969. Pour l’approvisionnement en eau, Green le chiffre à 1.618.960.000 F Cfa contre 171.350.000», renseigne Locafrique.
Au terme de son analyse, Locafrique, bailleur de fonds de ce projet, fait mention de coûts anormalement élevés, avec un coût unitaire de 7.400.134.000 F Cfa. Ce coût suscite des interrogations, apprécié à l’aune de celui qui ressort du document de projet transmis initialement à Locafrique par le Prodac pour le Dac de Sefa, qui prévoyait l’aménagement de 1000 ha pour un coût quasiment similaire de 7.784.188.750 F Cfa. En conséquence, il urge, rappelle les inspecteurs des finances, de commanditer un audit technique et des coûts du projet pour non seulement mettre en exergue les écarts techniques par rapport à l’offre de base, mais aussi les éventuelles surfacturations chiffrées seulement pour les aspects pour lesquels l’analyse du devis le permet, à plus de 3 milliards de F Cfa.
Samba THIAM