Devant le magistrat instructeur et son avocat Me Fodé Ndiaye, l’accusé Mamadou Ndiaye alias Abou Youssouf avait expliqué avoir combattu aux côtés de Boko Haram. Mais hier, devant la Chambre criminelle, il a pratiquement ravalé les aveux glaçants qu’il avait faits lorsqu’il a été interrogé par le juge.
Après que les exceptions de nullité de la procédure sont vidées, vers 15h20mn, l’interrogatoire des accusés a démarré. Mamadou Ndiaye alias Abou Youssouf a été le premier à faire face au juge. Maçon de son état, âgé de 34 ans, marié à une épouse et père de 3 enfants, Mamadou Ndiaye qui se fait appeler Abou Youssouf a déclaré avoir compris les chefs d’accusation, mais qu’il ne les reconnaissait pas. Revenant sur la scène de son arrestation, en Mauritanie, il a expliqué avoir été épinglé avec 7 personnes, Mor Mbaye Dem, Boubacar Décoll Ndiaye, Lamine Coulibaly, Alpha Diallo, Oumar Keita, Moustapha Mbaye et Mamadou Seck. Sur interpellation du juge, Mamadou Ndiaye a expliqué que, courant 2012, il n’a pas participé à la réunion tenue à Rosso et celle de Richard-Toll. Avant de revenir sur ses propos pour dire qu’il était présent à Rosso, en compagnie de son ami Matar Diokhané. Il a affirmé qu’à cette occasion, Moustapha Diop lui avait proposé d’aller en Syrie dans le but d’apprendre le Coran. Mais, dit-il, depuis la Mauritanie où il était, il avait entendu dire que ses amis s’apprêtaient à se rendre au Nigeria. Et que c’est ainsi qu’il est revenu au Sénégal pour y aller avec eux.
Tout de même, Mamadou Ndiaye a affirmé que son départ pour le Nigeria a été motivé par sa croyance en l’Islam. En ce qui concerne le voyage, dit-il, c’est Ibrahima Ba qui l’a financé. Une fois en terre nigériane, il s’est rendu à Abadame où il a étudié le Coran durant 6 mois avec d’autres, avant qu’il ne séjourne à Boisa et Simbissa où ils ont fait la même chose.
«Dans le camp de Boko Kharam, j’ai rencontré des Sénégalais comme Lamine Coulibaly, Abu Diendel…»
Tout de même, il a soutenu n’avoir jamais fait de formation militaire au Nigeria, mais le juge l’a démenti en lui rappelant ses déclarations tenues à l’enquête qui sont en contradiction avec celles à la barre. A l’enquête préliminaire, lui dit le juge, il avait affirmé avoir trouvé dans le camp de Boko Haram des Sénégalais. Mais, hier, il a longtemps hésité à citer les noms, avant d’avouer y avoir trouvé Lamine Coulibaly, Abu Diendel…
«Abou Youssouf n’est pas un nom de guerre»
Interrogé sur son pseudonyme Abou Youssouf, il a rétorqué que son fils s’appelle Youssouf. Et Abu signifie père en arabe. Il a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un nom de guerre, mais on l’appelait Abou Youssouf depuis tout petit. Sur leur retour au Sénégal, il a avoué que Matar Diokhané était intervenu auprès du chef de Boko Haram Aboubacar Shekau, afin de les ramener au pays, afin d’apporter l’argent que ce dernier leur avait remis. Et au Sénégal, il était passé chez imam Ndao qu’il n’avait jamais vu auparavant, avant de venir à Dakar. Sur l’application télégramme qu’il avait téléchargée sur son portable, il a argué que c’était dans le but de mieux communiquer. Avant qu’il ne soit arrêté, dit-il, Moustapha Diop qui se trouvait en Lybie lui a suggéré de fuir et de se rendre dans ce pays, vu que c’était le seul endroit sûr.
«Cheikh Ibrahima Dieng et Moussa Mbaye morts dans les combats et inhumés dans un cimetière»
Voulant se dédouaner, il a affirmé n’avoir jamais combattu dans les rangs de Boko Haram, malgré que leur chef l’a remercié. Alors que devant le magistrat instructeur et face à son avocat, Me Fodé Ndiaye, il avait dit que dans le fief de Boko Haram où il a passé 6 mois à apprendre le Coran, il a fait la formation pour le maniement de l’arme, ainsi que la technique de conduite des chars de combat dont il ignorait la provenance. Selon lui, le nommé Moustapha Diallo alias Abou Daar Daar était leur formateur. Il a aussi dit avoir participé au combat de Bosa, où il a perdu son compatriote sénégalais Cheikh Ibrahima Dieng, qu’il a ramassé et inhumé seul dans un cimetière. Aussi, il a avoué avoir perdu Moussa Mbaye dans les mêmes circonstances. Il a noté qu’il a failli y perdre la vie, du fait qu’il n’avait plus de munitions lorsqu’il conduisait le char de combat. Il a aussi expliqué avoir appris comment manier la Kalachnikov et qu’il a bien maitrisé les leçons. Aussi, il y a appris toutes les positions de tir à savoir couchée et debout. Mais, il n’a pas appris à tirer sur un avion en plein vol. mais hier, il a balayé d’un revers de main tous ses aveux, avant de regretter avoir été dans les rangs des combattants de Boko Haram.
Fatou D. DIONE