Inculpé et placé sous mandat de dépôt en décembre dernier, pour contrefaçon de faux billets de banque, Baba Ndiaye alias Ngaka Blindé sera fixé sur son sort demain. La Chambre criminelle va se pencher sur son dossier. Le rappeur, qui a été renvoyé en procès devant les juges de la Chambre criminelle, comparaîtra avec son ami Khadim Thiam. Devant les enquêteurs, comme devant le magistrat instructeur, il a clamé son innocence, expliquant que l’argent devait servir à tourner un clip vidéo. Les billets devaient être jetés dans une piscine et ainsi ils devraient être inutilisables. Ce à quoi ne croit pas le juge qui l’a renvoyé en Chambre correctionnelle, en même que Khadim Thiam qui a confectionné les billets. Retour sur l’ordonnance du juge d’instruction.
Le rappeur Ngaka Blindé, Baba Ndiaye à l’état civil, fera face demain aux juges de la Chambre criminelle pour répondre des chefs d’accusation de complicité de contrefaçon, falsification et altération de signes monétaires ayant cours légal sur le territoire national. Il comparaîtra aux côtés de son ami Khadim Thiam, qui est aussi accusé d’avoir contrefait, falsifié et altéré des signes monétaires ayant cours légal sur le territoire national. Tous les deux ont été renvoyés devant la Chambre criminelle sur ordonnance de mise en accusation et de renvoi du Doyen des juges d’instruction de Dakar. Le magistrat instructeur, au terme de son enquête, a trouvé des charges suffisantes contre Ngaka blindé et son ami Khadim Thiam.
Khadim Thiam «oublie» de rendre 630.000 francs en faux billets à Ngaka Blindé
Pourtant, devant les enquêteurs comme en face du magistrat instructeur, le rappeur et son ami ont tenté de prouver leur innocence. L’argument du clip a été tout le temps servi. Dans son ordonnance, le juge explique que c’est dans la nuit du 18 au 19 décembre 2017 que la police des Parcelles Assainies a interpellé Ngaka Blindé, alors que les limiers étaient en opération de sécurisation. Les policiers qui effectuaient un contrôle sur le véhicule 4x4 de marque Ford, à bord duquel se trouvaient le rappeur, Cheikh Sarr, Talla Guèye et Awa Ndiaye, ont découvert des faux billets d’un montant de 5.730.000 francs Cfa. Les trois derniers cités ont juré n’avoir même pas été au courant de l’existence de ces billets dans la voiture. Cheikh Sarr était chargé de la sécurité, Talla Guèye de l’organisation du clip et Awa Ndiaye devait jouer le rôle de figurante. Interrogé, Baba Ndiaye alias Ngaka Blindé a expliqué que les billets lui ont été confectionnés par un ami étudiant et sérigraphe du nom de Khadim Thiam, sur sa demande, parce qu’il devait tourner un clip vidéo à Mbour.
Fait troublant : une perquisition au domicile de KhadimThiam a permis de trouver d’autres billets falsifiés pour un montant de 630.000 F. Pour toute explication, il soutient qu’il avait oublié de les remettre à Ngaka Blindé.
Bousso Ndir charge le rappeur et se rétracte
La Bceao a immédiatement été saisie et a confirmé le caractère faux des billets, à l’exception d’un billet de 500 francs de type 1992. Le rappeur jure avoir demandé à son ami de photocopier les billets et non de les imprimer. Ce que confirme ce dernier, qui soutient qu’il avait accédé à Google pour obtenir des billets de banque qu’il avait imprimés sur du papier A4. Il pouvait ainsi obtenir 4 billets de banque et avec la découpeuse de carte de visite, le tour était joué. Ainsi, les papiers imprimés avaient une apparence de vrais billets. Le juge d’instruction n’a pas été convaincu par les arguments servis par les deux amis. L’autre fait qui a conforté ses soupçons, c’est que la police a souligné dans son procès-verbal qu’avant la clôture de leur enquête, une dame du nom de Bousso Ndir s’est présentée dans leurs locaux, se disant être victime des agissements de Ngaka Blindé qui lui aurait remis des faux billets, même si elle n’a pas voulu déposer une plainte en soutenant qu’elle n’était finalement pas en mesure de dire qu’il s’agissait bien du rappeur et que d’ailleurs sa mère a détruit les billets.
Les billets devaient être jetés dans la piscine pour être inutilisables
Dans l’ordonnance devant le juge d’instruction, Baba Ndiaye alias Ngaka Blindé a maintenu l’argument du clip vidéo. Selon lui, dans le clip, il y avait une séquence qui devait se passer dans la piscine avec un groupe de danseuses et de mannequins ; environ 30 personnes. Les billets devaient être jetés dans l’eau et ainsi ils deviendraient inutilisables. L’idée du clip était qu’un jeune homme qui avait gagné un jackpot à la loterie avait convié ses proches à une grande fête lors de laquelle il jetait les billets de banque. L’argent, la maison, ma femme et ma maman sont les mots qui reviennent souvent dans la chanson.
Non-lieu pour Cheikh Sarr, Talla Guèye et Awa Ndiaye
S’agissant de Cheikh Sarr, Talla Guèye et Awa Ndiaye, le juge n’a trouvé aucune charge à leur encontre. «Les inculpés ont contesté les faits aussi bien à l’enquête préliminaire que devant le juge d’instruction. En dehors des dénégations, aucun autre élément du dossier n’est venu confirmer leur participation à la commission des faits. (…) Il échet de dire n’y avoir lieu à poursuivre contre eux de ce chef», a conclu le juge Samba Sall, qui ordonne ainsi le non-lieu concernant Cheikh Sarr, Talla Guèye et Awa Ndiaye.
L’article visé prévoit la perpétuité
Par contre, s’agissant de Baba Ndiaye alias Ngaka Blindé, le magistrat instructeur a retenu qu’il s’est rendu «complice par instigation». Selon l’ordonnance du juge, le rappeur doit être poursuivi sur la base de l’article 119 alinéa 1er du code pénal qui dit que «quiconque aura contrefait, falsifié ou altéré des signes monétaires ayant cours légal sur le territoire national ou à l’étranger sera puni des travaux forcés à perpétuité et d’une amende décuplée de la valeur desdits signes et au moins égale à 20 millions de francs Cfa». A en croire le juge, il y a bien contrefaçon, falsification et altération de signes monétaires. «Aussi bien la photocopie avancée par Baba Ndiaye ou l’impression arguée par Khadim Thiam constituent des actes matériels de contrefaçon, de falsification ou d’altération. Car, au final, elles ont pour vocation l’établissement, voire l’émission de fausses représentations de billets de banque pour les faire tenir pour vrais. (…) Il n’est fait référence dans le texte fondant les poursuites (article 119 du code pénal) à aucune expression renvoyant à un élément moral particulier», note le magistrat instructeur.
L’utilisation qui allait être faite des billets importe peu pour le juge, selon qui cela n’empêche pas la répression. Enfin, selon le magistrat instructeur, celui qui a contrefait, c’est Khadim Thiam, mais sur instruction du rappeur qui en est le complice par instigation. Cette affaire sera tirée au clair demain.
Alassane DRAME