Alioune Tine peint un tableau sombre de la gestion du pays par Macky Sall et son parti qu’il ne se prive pas de qualifier de parti-Etat. Pour lui, on assiste aujourd’hui à l’envers du slogan phare de Macky Sall, à l’aube de son pouvoir : la patrie avant le parti. «Il faut sortir l’Etat des fourches caudines d’un présidentialisme exacerbé et du parti au pouvoir. On n’a pas besoin de regarder loin pour se rendre compte de la présence massive du parti et de ses couleurs dans l’espace public : les couleurs des bus et de certains espaces qui appartiennent à tous. La marque indélébile d’une belle continuité du parti-Etat et de la culture du parti unique. On peut bien sûr être dans une démocratie multipartite dominée par la culture du parti unique. C’est d’ailleurs le modèle dominant. Avec le Parti socialiste, on a eu des bus verts, avec le Pds des bus bleus et avec l’Apr le marron beige. Dans ces détails anodins s’inscrivent le changement politique et le changement de la nature de l’Etat», assène le patron Afrique d’Amnesty International.
Le contenu exclusivement branché sur le Palais et la propagande grossièrement politique des medias publics
La gestion des médias d’Etat est aussi passée au crible d’Alioune Tine. Il n’a pas manqué de dénoncer le mode de désignation des responsables des médias publics qui, toujours, transforment ces organes de presse étatiques en caisse de résonnance au service exclusif de la propagande du régime. «La nomination relève de façon exclusive du président de la République, à qui il faut reconnaître la prérogative régalienne. Mais, quand on a eu comme slogan ‘’la patrie avant le parti’’, tout le monde s’attend à un desserrement de la mainmise du parti sur le service des médias publics. Changer la procédure de nomination pour avoir les meilleurs de la profession. Recourir à un appel d’offres qui permet à la Haute autorité de l’audiovisuel de proposer 3 noms au Président qui nomme. Ensuite, le contenu exclusivement branché sur le Palais et la propagande grossièrement politique. Après Diouf, Wade a eu sa propre structure à la Présidence. Aujourd’hui, c’est pire avec les fourches caudines de l’Etat-parti. Bel exemple de continuité», martèle le droit de l’hommiste.
«Le Comité sénégalais des droits de l’homme est moribond, la Cour des comptes est muette, l’Ofnac suscite de plus en plus de doute…»
Alioune Tine n’a pas également été tendre avec les organes de régulation démocratique, économique et sociale. Pour lui, ces derniers «sont tous assujettis, étouffés, décrédibilisés». En ce sens, il affirme : «le Comité sénégalais des droits de l’homme est moribond et la loi qui permet son fonctionnement normal est sous le boisseau depuis 2014. Pas de rapport produit, pas de réactions sur la question des droits humains, pour un organe que l’Afrique entière avait pris comme modèle. La Médiature, créée aussi par Diouf et magistralement occupée par l’ancien président de la Cour suprême Ousmane Camara, l’ancien recteur et ministre de la Justice Seydou Madani Sy et le professeur Serigne Diop. Aujourd’hui, qui entend le Médiateur qui a une fonction de régulation éminente ?»
De la même manière, Alioune Tine jette des pierres dans les jardins de la Cena, de la Cour des comptes et de l’Ofnac. «La Cena fortement contestée après les dernières législatives. La Cour des comptes dont on attendait les rapports avec intérêt est muette depuis 2013. L’Ofnac dont la mission était de traquer ceux qui sont au pouvoir suscite de plus en plus de doute. Voir l’accueil réservé par le patron de la police et de la gendarmerie (au dernier rapport de l’Ofnac fortement critiqué).
N’en finissant pas avec la critique, l’ancien patron de la Raddho brûle le Hcct et indexe la justice. «Je passe sous silence des organes créés avec un budget de l’Etat consistant et dont on ne voit pas l’utilité concrète, comme le Haut Conseil des Collectivités locales. Je ne parle pas de la justice, car les juges eux-mêmes soulèvent la question de l’indépendance du judiciaire, de notre Parlement non plus». Suffisant pour qu’il affirme : «Ce pays a besoin d’un dialogue global, serein et sérieux, mené avec bonne foi pour préparer bien armés les défis multiples et complexes qui nous attendent».
Mbaye THIANDOUM