4 mois de prison ferme, c'est la peine dont Maïmouna Guèye, veuve et mère de 2 enfants, a écopé vendredi dernier devant le tribunal des flagrants délits de Dakar, pour des faits d'escroquerie. Elle avait réclamé à sa victime, Ousseynou Thiam, plus de 6 millions de F Cfa aux noms de magistrats et du commandant de brigade de Faidherbe pour, dit-elle, que sa procédure judiciaire soit accélérée.
Ses déboires judiciaires résultent d’une intervention dans une affaire juridique alors qu'elle n'est ni avocate, ni magistrate encore moins auxiliaire de justice. Maïmouna Guèye, couturière de son état et mère de 2 enfants, a berné Ousseynou Thiam de la pire des manières. Elle lui a demandé une somme d'argent pour une procédure judiciaire qui opposait sa mère à son oncle, Ousmane Thiam. En effet, cette histoire a commencé sur une présumée escroquerie au jugement qui est reproché à Ousmane Thiam. Celui-ci, selon l'accusation, aurait obtenu dans une affaire de succession une décision de justice aboutissant à l'expulsion de la mère du plaignant, Ousseynou Thiam. Estimant ainsi que sa mère a été lésée, Ousseynou Thiam, pour réparer ce "préjudice", a sollicité l'aide de Maïmouna Guèye afin que la procédure conduisant à l'expulsion de sa mère soit accélérée. Ce faisant, il a loué les services de Maïmouna Guèye. Ainsi, cette dernière aurait fait croire à Ousseynou Thiam qu'elle pouvait le mettre dans les grâces des différents acteurs de la justice concernant cette affaire.
Pour accréditer sa thèse, Maïmouna aurait cité les noms de certains magistrats officiant au tribunal de Grande instance de Dakar. Elle aurait, par ailleurs, demandé à sa victime la somme de 3 millions de F Cfa en lui faisant croire que ce sont ces juges qui réclamaient cet argent pour le dossier de sa mère. Outre cet argent, il lui aurait remis d'autres sommes, ce qui a porté le montant global à 6.425.000 F Cfa. Plus encore, à chaque fois qu'elle allait au tribunal de Dakar, elle invitait Ousseynou Thiam à l'accompagner en lui faisant croire d’entrer en contact avec ces juges à qui elle remettait cet argent. Mais en réalité, elle le faisait toujours attendre dans les couloirs.
Par ailleurs, lorsque Me Lo, l'avocat de Ousseynou Thiam, lui avait révélé que les documents que son oncle Ousmane Thiam a déposés devant le tribunal pour expulser sa mère sont faux, il est allé déposer une plainte contre lui à la brigade de recherche de Faidherbe. Là aussi, Ousseynou retourne auprès de Maïmouna pour lui raconter la procédure de faux que Me Lo avait initiée contre son oncle. Celle-ci, par des manœuvres, lui dit que pour que la plainte soit vite diligentée, il devait lui remettre 1,5 million pour le commandant de brigade. Là aussi, Maïmouna Guèye a eu l'audace d'accompagner le plaignant dans ladite brigade pour récupérer la convocation qu'elle est allée remettre aux héritiers de la famille de Ousmane Thiam, son oncle. Ousseynou Thiam l'ayant traîné en justice pour des faits d'escroquerie, elle a été jugée vendredi dernier devant le tribunal des flagrants délits de Dakar.
Maïmouna Guèye, entendue à la barre, a plaidé non coupable. Elle a, d'emblée, précisé à l'endroit du tribunal qu'elle ne travaille pas là-bas, mais qu’elle y va quand elle a un dossier à régler. "C'est un certain Cheikh Diop qui m'a mise en rapport avec Ousseynou Thiam. Comme il n'avait pas le temps pour suivre le dossier de sa mère, je lui ai apporté de l'aide. Parmi les démarches que j'ai faites, je suis allée auprès de son oncle à qui j'ai remis une convocation avant que la procédure ne soit enrôlée puis jugée. C'est dans le cadre de ces démarches qu'il me remettait des sommes. Et l'intégralité de cet argent tourne autour de 600.000 F Cfa", a-t-elle déclaré.
Dès qu'elle a laissé tomber ses mots, elle s'est attiré les foudres de la présidente de l'audience. "Tu n'es ni avocate, ni huissier, ni juge et tu te permets de lui demander de l'argent pour cette procédure. Si, par malheur, l'affaire avait pris une autre tournure, il allait penser que tu as remis ses sous à ces magistrats dont tu as cité les noms. Il y a un bureau d'orientation à l'accueil du tribunal", a-t-elle asséné.
La représentante du procureur s'y est elle aussi mise contre elle. "Vous encaissez 700 mille F pour juste ramener une convocation aux héritiers de l'oncle de Ousseynou Thiam? Maïmouna Guèye, vous n'avez pas froid aux yeux. Vous jetez l'opprobre sur l'institution judiciaire. Vous encaissez de l'argent aux noms de ces honnêtes magistrats qui sont dans leurs bureaux. Vous les exposez parce qu'ils sont insultés une fois qu'ils sortent alors qu'ils ne sont même pas au courant de ces genres d'actes. Elle n'a rien fait pour la procédure de ta mère. Elle vous a escroqué", a laissé entendre la parquetière, outrée.
Ousmane Thiam, pour sa part, a confirmé avoir été mis en relation avec la prévenue par un ami. D'après lui, Maïmouna Guèye devait l'aider dans la procédure judiciaire d'expulsion dont sa mère faisait objet. "Après lui avoir exposé mon problème, elle m'a dit qu'elle avait des connaissances au tribunal et qu'elle pouvait me mettre en relation avec des avocats. Elle devait faire des démarches pour le règlement de ce problème. C'est dans ce cadre que je lui avais remis l'argent. Je peux dire que ça tourne autour de 6 millions de F Cfa. C'est parce qu'elle me parlait de transport et autre. Mais elle n'a reconnu que 2 millions. Par la suite, on a jugé le dossier le 3 mars dernier et celui qui avait expulsé ma mère a été déclaré coupable. Maïmouna Guèye et moi avons fait une médiation pénale. Elle a pris des engagements, ce qui fait que je ne lui réclame plus rien", a-t-il déclaré.
Le procureur a requis la culpabilité de cette veuve et une peine de 1 an de prison dont 6 mois ferme après avoir précisé que cette affaire n'a été de bout en bout d'une escroquerie. Pour la défense, Me Ndèye Fatou Sarr a confié que les magistrats ont été cités dans ce dossier par le plaignant, Ousseynou Thiam et non par sa cliente, Maïmouna Guèye, qui, d'après toujours la robe noire, a depuis contesté leur avoir remis des sommes. Me Sarr, qui a plaidé une application bienveillante de la loi pénale, d'ajouter : "elle a accepté de l'aider dans sa procédure et c'est après ça qu'une relation commerciale est née entre eux dont la commercialisation d'ordinateurs qu'elle prenait auprès de lui pour les revendre. Cette histoire n'existe pas. Thiam a totalement été désintéressé. Ma cliente vit avec sa mère malade et ses enfants. Elle ne fait pas partie de ces personnes qui fréquentent le palais et qu'on appelle les rats du palais". Son confrère, Me Aliou Sow, d'enchaîner : "elle n'a aucun statut qui lui permet de prendre des honoraires. Donc elle a fauté. La première prison pour elle, c'est la conscience". Finalement, cette prévenue âgée de 45 ans et demeurant à Mermoz a été reconnue coupable puis condamnée à 4 mois ferme.
Fatou D. DIONE