L’audit indépendant des contrats de la délégation de service public dans le secteur des télécommunications, confié au cabinet Grant Thornton, a livré ses secrets dans le rapport de l’Armp. Un rapport qui souligne que la procédure de passation des marchés sur l’essentiel des contrats est «globalement non conforme» aux exigences du Code des marchés publics. Autant il est épinglé dans la procédure de passation des marchés de concession, autant Abdou Karim Sall a failli dans le contrôle du respect par les opérateurs titulaires de licence des obligations contenues dans leurs conventions de concession et cahiers de charges.
La procédure de passation des marchés de concession entre l’Artp, déléguée par l’Etat et les opérateurs ne satisfait pas les auditeurs. Alors que ces derniers n’ont même pas eu de documents y afférents pour se prononcer sur l’attribution de la 4G, ils déclarent la procédure «globalement non conforme» pour les marchés de fournisseurs d’accès et des opérateurs virtuels… Dans les marchés concernant les fournisseurs d’accès internet (Fai) que sont : Arc informatique, Waw, Africa Acces, détenteurs d’une licence en janvier 2017, le rapport note que «la procédure n’est pas globalement conforme». Et pour les Opérateurs virtuels de téléphonie mobile (Mvno), le rapport de l’Armp a constaté «une absence de contrôle a priori de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp)». Dès lors, le régulateur viole les dispositions de l’article 82.2 du Code des marchés publics. A noter que ces Mvno sont au nombre de trois : Gfm de Youssou Ndour, Cirus télécom de Mbackiyou Faye et Origine SA d’El Hadji Ndiaye.
Pas de mention de clause financière dans le contrat avec Comet Médiafon
S’agissant de Comet Médiafon, titulaire d’un contrat de gestion d’une plateforme de portabilité des numéros de téléphonie mobile, signé avec l’Artp en mai 2015, le rapport estime que «la procédure n’est pas globalement conforme», en raison des faiblesses observées en matière de publicité et d’archivage. De plus, l’auditeur révèle qu’il n’y avait pas de convention de concession signée par l’Autorité gouvernementale, mais uniquement un contrat entre l’Artp et Comet Médiafon. Un contrat qui, précise le rapport, «ne mentionne pas la clause financière». Quant à la procédure d’attribution des licences 4G, le flou est total. La mission d’audit n’a pas pu se prononcer sur la question, «faute de documents» y afférents.
«Aucun chapitre consacré au contrôle par l’Artp du respect par les opérateurs titulaires de licence des obligations contenues dans leurs conventions de concession et cahiers de charges»
S’agissant du contrôle et du suivi, pour la mission d’audit réalisée par le cabinet Grant Thornton, c’est clair : «les opérateurs Sentel et Expresso ne se sont pas conformés à leurs obligations en matière de communication régulière et à date due des rapports de suivi de la concession». En effet, concernant les deux rapports exigés annuellement, «seule la Sonatel les fournit conformément au cahier de charges, même si quelques retards ont été notés». Poursuivant, le vérificateur note que l’opérateur Sentel a transmis 4 rapports annuels sur la période de 2012 à 2017, alors qu’il devait en fournir 12 (à noter que sa licence a été suspendue de 2001 à 2012). Quant à l’opérateur Expresso, il a fourni 7 rapports annuels sur la période de 2008 à 2017 (octroi de la licence en novembre 2007), soit 10 ans. Or en raison de deux rapports par an, il devait fournir, en 10 ans, 20 rapports.
Déplorant le fait qu’elle n’ait pas pu disposer des rapports d’étape qui doivent pourtant être communiqués à l’Artp au plus tard avant le 30 septembre de l’année d’exécution, la mission d’audit souligne également que malgré ces manquements, le gendarme du secteur des télécommunications n’a rien fait. En tout cas, les auditeurs n’ont trouvé aucune trace d’une quelconque action en ce sens. «Dans aucun des rapports d’activités de l’Artp examinés, nous n’avons trouvé un chapitre consacré au contrôle par celle-ci du respect par les opérateurs titulaires de licence des obligations contenues dans leurs conventions de concession et cahiers de charges», s’offusquent-ils.
«Des manquements graves sont constatés par l’Artp dans ses rapports d’évaluation et ses audits de qualité de service, qui ne sont pas pour autant sanctionnés»
Pire, alors que l’obligation pour les opérateurs de transmettre à date échue les rapports d’étape et les rapports de fin de période n’est pas respectée, «aucune mesure n’est prise à cet effet» par le régulateur, qui ne sanctionne pas. «Des manquements graves sont constatés par l’Artp dans ses rapports d’évaluation et ses audits de qualité de service, qui ne sont pas pour autant sanctionnés», mentionnent les auditeurs. Qui constatent aussi qu’il n y a «aucun lien d’une année à l’autre» sur le suivi des cahiers de charges. Dès lors, les conclusions et recommandations issues de ses rapports perdent quasiment leur «caractère exécutoire» pour les opérateurs. En outre, les auditeurs soulignent que durant toute leur mission, ils n’ont «pas eu connaissance d’un rapport transmis par l’Artp à l’Autorité gouvernementale relativement au respect des obligations des cahiers de charges des opérateurs titulaires de licences», alors qu’elle est censé rendre compte au gouvernement qui lui a donné la délégation de service public sur le secteur.
Mbaye THIANDOUM