Pour nous, tant que les clichés et les prismes émanaient d’incultes ou d’ignorants, c’est-à-dire de personnes qui étaient toujours attachées à un manichéisme béat qui voudraient qu’il y ait des civilisations, des races supérieures ou inférieures, on n’avait pas de problème. Cela n’aurait pas mérité une action de notre part puisque nous avons d’autres défis à relever. Mais là, la différence, c’est qu’il s’agit de sachants, de hautes personnalités. Par exemple Jean-Paul Mira, c’est le chef de service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Cochin à Paris. Le Pr Camille Locht, c’est le directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm) à Paris. Donc, il s’agit de grands responsables ; il ne s’agit plus de personnes incultes ou ignorantes. Il s’agit de hautes personnalités qui vous disent que l’Afrique n’a ni gel, ni masque et qu’aucun drame ne serait de trop pour cette Afrique. Il s’agit donc d’un mépris racial, d’une injure raciale, d’une diffamation raciale. Donc, nous avons pensé qu’il était de notre responsabilité d’agir. D’abord, parce que notre sacerdoce, c’est la défense de la dignité humaine, mais nous sommes aussi les défenseurs de l’universalité et de l’indivisibilité des droits. Donc à ce titre, nous avons estimé qu’il fallait réagir de la façon la plus forte, mais également nous nous faisons l’écho de beaucoup d’intellectuels africains qui nous ont saisis, des médecins, ici au Sénégal des professeurs d’université qui ont été choqués, traumatisés par ces propos. Nous avons décidé d’endosser tout cela et de faire en sorte qu’aucun citoyen du monde ne pourrait porter de tels propos à l’égard d’une autre partie, d’un groupe d’une ethnie ou d’une race. Ce n’est pas une action épidermique, mais une action réfléchie qui procède d’une volonté de montrer que nous sommes aujourd’hui à l’ère d’une universalité et que d’ailleurs l’avènement de cette maladie est anecdotique et symptomatique de cette égalité de la dignité humaine puisqu’elle est venue de ceux qui sont supposés être des riches. C’est un combat de principe qu’il ne faudrait pas ranger dans des combats d’arrière-garde ou épidermiques».
A.D
A.D