
Alors que la polémique autour de l’attribution d’un marché public lié à l’achat de véhicules pour l’Assemblée nationale ne faiblit pas, Serigne Mboup, président du Groupe CCBM, sort de son silence. Dans un communiqué dense relayé par L’As, le chef d’entreprise dénonce vigoureusement l’écartement systématique des sociétés sénégalaises au profit de multinationales. Il appelle à une réforme en profondeur des critères d’attribution des marchés publics.
Quelques jours après la Tabaski, une autre chaleur envahit le débat public : celle suscitée par la gestion d’un marché portant sur des véhicules destinés à l’Assemblée nationale. Figure emblématique du patronat sénégalais et à la tête du Groupe CCBM, Serigne Mboup a pris la parole à travers une déclaration ferme, afin de clarifier sa position et alerter sur ce qu’il qualifie de dérives préoccupantes.
Dès les premières lignes, il plante le décor : « Je tiens à préciser avec clarté que CCBM n’a pas soumissionné à ce marché. » Une décision mûrement réfléchie, qu’il justifie par ses responsabilités actuelles, son attachement au respect des institutions, mais surtout par sa volonté d’éviter toute confusion dans un contexte national sous tension. « Nous avons fait ce choix par principe. Mais cela ne signifie pas que nous restons indifférents face aux dérives », précise-t-il.
Ce qui irrite profondément Serigne Mboup, ce sont notamment les propos récents du président de l’Assemblée nationale, évoquant la supposée « crédibilité » de certaines marques étrangères. Une déclaration que l’homme d’affaires considère comme un affront à l’encontre des opérateurs économiques locaux. « Depuis quand nos entreprises ne sont-elles plus crédibles ? Depuis quand faut-il être une multinationale étrangère pour être sérieusement considéré par nos autorités ? », interroge-t-il avec gravité.
Il va plus loin dans son réquisitoire : « On ne peut pas bâtir un pays en affaiblissant ses propres champions. Ce n’est pas une affaire de CCBM. C’est une question de vision. Soit on croit en nos capacités industrielles, soit on continue à importer notre avenir. » Dans ses colonnes, L’As rappelle que ce sujet sensible touche au cœur même du débat sur la souveraineté économique. Serigne Mboup, lui, n’en démord pas. Selon lui, il ne s’agit pas seulement d’un appel au soutien du Groupe CCBM, mais d’un cri d’alarme plus large concernant la marginalisation du secteur privé national dans les procédures de commande publique.
Il souligne d’ailleurs un paradoxe troublant : « Et pourtant, depuis 2019, aucun marché public n’a été remporté par CCBM, malgré notre position parmi les quatre premiers concessionnaires du pays. » Pire encore, ajoute-t-il, son entreprise continue de subir les effets d’arriérés de paiement estimés à près de 500 millions de francs CFA, notamment dans le cadre de contrats d’entretien conclus avec des institutions de l’État. « Nous avons assumé nos responsabilités, livré le travail, sans bruit. Mais aujourd’hui, c’est nous qu’on pointe du doigt. C’est un renversement des rôles qui n’honore personne », regrette-t-il.
Dans un passage relayé par L’As, il revient sur un précédent symbolique : le marché remporté par CCBM en 2007 pour fournir des véhicules à l’Assemblée nationale, avec une offre à 18 millions de FCFA, bien inférieure aux 35 millions proposés par d’autres soumissionnaires. « Ce marché, nous l’avons gagné au mérite. Et pourtant, il avait déjà suscité des polémiques. Aujourd’hui encore, il sert d’argument pour nous marginaliser. C’est comme si, quoi qu’on fasse, la victoire du privé national est toujours suspecte. »
Serigne Mboup évoque également son expérience personnelle avec l’actuel président de l’Assemblée nationale, lorsqu’il était ministre des Transports. « Il sait ce que nous avons construit. Il sait aussi les obstacles que nous avons surmontés sans jamais réclamer un quelconque privilège », rappelle-t-il. Aujourd’hui, face à l’exclusion ressentie, le président de CCBM dit tourner résolument son regard vers le secteur privé sous-régional, notamment dans l’espace CEDEAO. « C’est là que nous sentons que notre savoir-faire est respecté. Là où on juge la performance, pas l’origine du passeport. »
Mais son propos prend un tour encore plus solennel lorsqu’il évoque la question de fond : « Ce débat dépasse le cas CCBM. Il pose la question de la place qu’on veut donner à notre secteur privé. La commande publique représente un levier de souveraineté économique. Si nous en faisons une chasse gardée pour quelques marques étrangères, alors nous avons renoncé à construire notre propre modèle de développement. » Il conclut son message en lançant un appel à la responsabilité collective : « Nous ne demandons ni faveur, ni privilège. Mais nous avons le droit d’exiger du respect. Le respect du travail bien fait, du mérite, de l’engagement. Le respect de nos entreprises. Car sans un secteur privé national fort, le Sénégal restera dépendant et vulnérable. »
Pour rappel, comme le souligne le journal L’As, le Groupe CCBM n’est pas une entreprise opportuniste née de la dernière pluie. Présente dans le paysage économique sénégalais depuis les années 1960, la structure a été officiellement organisée en 1992. Elle s’est imposée dès 2005 comme un acteur incontournable du secteur automobile, avec une unité de montage industriel, contribuant ainsi à l’ambition d’une industrialisation nationale.