Moustapha Diakhaté ne voterait pas le projet de loi d’habilitation du chef de l’Etat s’il était encore parlementaire et invite les députés à rejeter le texte, sur les questions relatives à la sécurité, la continuité et le fonctionnement optimal de l'Etat. Car, en mettant tous les pouvoirs entre les mains du président de la République, sous prétexte de la gestion de la pandémie, le coronavirus, soutient-il, risque d’accoucher d’une dictature.
Ce qui se trame avec le vote de la loi d’habilitation qui va permettre à Macky Sall de gouverner par ordonnances n’est pas du tout du goût de Moustapha Diakhaté. En effet, l’ancien patron du groupe parlementaire de la majorité souligne avec force que cette habilitation ne doit porter que sur la gestion budgétaire pour l’année 2020. «Le projet de Loi d’habilitation pose problème lorsqu’il étend son application à la sécurité, à la continuité et au fonctionnement optimal de l'Etat, domaines qui relèvent de la constitution ou qui sont déjà pris en charge par le législateur dans d’autres lois existantes», explique-t-il. Pour lui, adopter tel qu’il est présenté le projet de loi d’habilitation serait une véritable régression démocratique. «Ce serait un véritable coup d’Etat juridique que d’autoriser le chef de l’Etat, au prétexte qu’il y a urgence du Covid-19, à contourner la Constitution, les lois et l’Assemblée nationale, pour agir sur tout par ordonnance». Pour lui, le Sénégal dispose d’un large éventail de dispositifs législatif et règlementaire pour permettre au président de la République de bien gérer la sécurité, la continuité et le fonctionnement optimal de l'Etat, sans recourir à des ordonnances. «A moins qu’il ne veuille légaliser la dictature du régime politique sénégalais», ajoute-t-il. Et de lancer un appel : «ne laissons pas le coronavirus accoucher d’une dictature».
«Le Sénégal n’est pas confronté à un guerre civile ou à une insurrection…»
Et pour cela, il incite à «confiner la loi d’habilitation dans le seul cadre budgétaire de la riposte contre le coronavirus et ses effets économiques, sociaux et sanitaires». Surtout que, «le Sénégal n’est pas confronté à un guerre civile ou à une insurrection, mais à un péril sanitaire, social et économique».
Pour toutes ces raisons, il «vote Non et invite les députés à rejeter l’habilitation du président de la République sur les questions relatives à la sécurité, la continuité et le fonctionnement optimal de l'Etat». Et de préciser que ce n’est pas une position contre la loi d’habilitation mais contre «les abus présidentiocratiques qu’elle renferme». Et en parlant d’abus, il note que la Force Covid-19 doit être créée par une Ordonnance assortie d’une gouvernance inclusive et multi-actrice, pour «rendre transparente la gestion des fonds, des produits alimentaires et d’empêcher son instrumentalisation politicienne». En effet, l’enjeu est pour lui d’éviter la réédition des mauvaises expériences de l’opération «une femme, un gramme d’or» et des Plans Jaxaay et Orsec.
Mbaye THIANDOUM