Pour avoir abattu à bout portant en 2016 le taximan Ibrahima Samb, en pleine tête, le vendeur de véhicules de luxe Ousseynou Diop risque 20 ans de réclusion criminelle, si les juges de la chambre criminelle de Dakar où il comparaissait hier pour assassinat suivent le procureur. Constituées parties civiles, la mère de la victime Thiané Faye, ainsi que les deux sœurs de la victime ont réclamé 500 millions à titre de dommages et intérêts. Délibéré le 4 août prochain.
Comme l'ont indiqué son frère ainsi que sa mère lors de l'enquête de moralité, le vendeur de véhicules de luxe Ousseynou Diop est quelqu'un qui ne se laisse pas faire. Ainsi, cet accusé n'a fait que confirmer ce témoignage, lorsqu'il a abrégé la vie du taximan Ibrahima Samb au niveau de la station Shell à l’entrée de Yoff, sur la route de l'aéroport.
Le drame a eu lieu en 2016. Garé au niveau de la station service, Ousseynou Diop a reproché au taximan Ibrahima Samb d'avoir heurté son véhicule. Il y a eu quelques échanges de propos aigres-doux. Et alors que les gens s’y attendaient le moins, Ousseynou Diop a dégainé son arme et a tiré un coup en l'air. Immédiatement après, il a tiré un autre coup sur le pneu du véhicule de sa victime. Comme possédé, il a ensuite pointé l'arme sur Ibrahima Samb avant de tirer une troisième balle sur la tête de ce dernier. Sur le coup, le chauffeur de taxi décède. C'est dans ces circonstances qu'il a été inculpé pour assassinat et placé sous mandat de dépôt. Après 4 ans de détention préventive, il a été renvoyé hier devant la chambre criminelle de Dakar.
Ousseynou Diop : «la balle l’a atteint involontairement»
A la barre, Ousseynou Diop a reconnu avoir donné la mort au taximan, mais pas intentionnellement. "J'ai tiré un coup de sommation en l'air, puis un autre sur son pneu pour éviter qu'il me poursuive. J'ai tiré ces deux coups de sommation volontairement. Mais, la troisième balle l'a atteint involontairement", a répondu Ousseynou Diop, à qui le juge Massamba Sène a fait savoir qu'il n'arrivait pas à comprendre comment le coup qui a tué la victime est parti tout seul. Poursuivant, il revient sur leur altercation. "Je suis descendu de ma voiture pour le trouver dans la sienne. Et lorsque je l'ai interpellé sur les faits, il m'a rétorqué que moi et mes semblables nous considérons comme ceux à qui appartiennent les routes. Ensuite il m’a insulté. Après cela, il est sorti de son véhicule. Je l'ai alors pris au collet et on s'est bagarré avant qu'on ne nous sépare", dit-il.
Des déclarations qui, apparemment, ne collent pas avec la réalité. En effet, les six témoins qui ont été entendus à l'enquête ont unanimement soutenu que c'est Ousseynou Diop qui est allé trouver la victime dans sa voiture avant de lui donner un coup de poing, lui occasionnant des blessures à l’arcade avec sa bague. Toujours dans leurs déclarations, ils ont affirmé que Ousseynou Diop injuriait la victime avant de pointer son pistolet sur la tempe de cette dernière, menaçant de la tuer si elle insistait.
Confronté aux témoins, Ousseynou Diop a tout balayé d'un revers de main pour se dédouaner. "Émotionnellement, ces témoins m'ont chargé parce que la plupart d'entre eux avaient regagné leurs postes après nous avoir séparés suite à notre empoignade. Je n'ai pas pointé l'arme sur sa tête et je n'ai pas non plus tiré à bout portant sur lui. Le coup était déjà parti au moment où je baissais ma main alors que j’étais face à lui".
Le juge de lui demander : "pourquoi ces multiples coups de pistolet alors que tu n'étais pas confronté à un danger ? Tu n'as pas été battu, ni blessé. Est-ce que tu imagines le trouble à l'ordre public que tu as provoqué à cette heure ?».
En guise de réponse, l'accusé explique : "le danger, c'est qu'il y avait deux taximen garés sur les lieux. Je les ai vus sur mon rétroviseur. J'étais pris en embuscade alors que j'étais dans mon véhicule".
Interrogés à la barre, les témoins ont unanimement réitéré avoir vu Ousseynou Diop pointer son pistolet à la tempe du taximan Ibrahima Samb avant de l'abattre. Il s'agit des pompistes Ousseynou Senghor, Bassirou Diakhaté, Bécaye Ndiaye et Dioumacor Faye.
Thiané Faye, la mère de la victime : «actuellement, je vis comme une morte. Ousseynou Diop m'a tué alors que je suis en vie»
C’est en sanglots que Thiané Faye, la mère de la victime, a fait sa déposition. "J'ai entendu aux informations qu'un chauffeur de taxi a été tué et je me suis mise à pleurer sans même savoir son nom. Actuellement, je vis comme une morte. Ousseynou Diop m'a tué alors que je suis en vie. Il faut qu’Ousseynou Diop sache qu'il a tué deux personnes à savoir mon fils et moi. La vie que je mène n'a plus de sens parce qu'il a tué mon seul et unique fils qui entretenait toute ma famille. Ousseynou Diop, regardez-moi, sachez-que vous avez tué deux personnes", a expliqué cette dame meurtrie.
Ousseynou Diop regrette: "Je demande pardon à la mère d'Ibrahima Samb. Je ferai tout pour apaiser sa douleur"
A sa suite, Aïssatou Samb, la petite-sœur du défunt, a martelé : "Ousseynou Diop nous a tous tués en ôtant la vie de mon frère". Puis l'autre petite-sœur, Ndèye Fatou Samb, de donner sa version des faits. Avant la clôture des débats, Ousseynou Diop a présenté ses excuses à la mère de la victime devant toute l'assistance. "Je demande pardon à la mère d'Ibrahima Samb. Je suis comme un fils pour la mère d'Ibrahima Samb. Même si on me mettait hors d'état de nuire, je considère toujours que je suis son fils. Je ferai tout mon possible pour apaiser sa douleur", a-t-il laissé entendre.
La famille du taximan réclame 500 millions
Constitué pour défendre les intérêts de la mère et des sœurs d'Ibrahima Samb, Me Alé Ndiaye a réclamé 500 millions à titre de dommages et intérêts pour le compte de cette famille. "Je demande 300 millions pour sa mère Thiané Faye et 100 millions pour chacune de ses deux sœurs. Aussi, il faut allouer le franc symbolique au groupement du syndicat des taximen", a plaidé la robe noire.
Me Kane, avocat de la défense : "c'est le procès de l'arrogance sur la modestie»
Me Bamba Cissé de renchérir : "il s'agit d'un assassinat. Il n'y a aucune circonstance pouvant le dédouaner parce que tous les éléments militent en faveur de l'assassinat". Pour sa part, Me Kane lâche : "c'est le procès de l'arrogance sur la modestie. C'est le procès du plus fort par rapport au plus faible. Cette affaire a choqué tout le monde. Il a planifié son acte. Ce procès doit être un exemple pour tous en commençant par moi-même. Je pense que la réclusion criminelle à perpétuité n'est pas de trop dans cette affaire".
Le procureur requiert 20 ans de travaux forcés
Faisant ses réquisitions, le procureur qualifiant Ousseynou Diop d’homme sans retenue, a requis à son encontre 20 ans de travaux forcés. Pour le représentant de la société, c’est un homicide volontaire. Les avocats de la défense, Mes Seyba Danfakha, Youssoupha Camara, Iba Mar Diop, ont demandé à la chambre de disqualifier l'assassinat en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après plus de 5 heures de débats , le juge a fixé le délibéré au 4 août 2020.
Fatou D. DIONE