Pour son discours d’usage de veille du 4 avril, le président de la République a comme à l’accoutumée salué nos forces de l’ordre, les citoyens qui ont fait acte de bravoure pour le salut de la nation. Le Président Macky Sall a évoqué des questions sociales, économiques et sécuritaires. Mais les acteurs de l’opposition ont affiché dans leur quasi-totalité une déception par rapport au contenu de ce discours. Ils accusent le Président Sall d’avoir esquivé les vraies questions qui sont liées à la situation politique du pays.
Macky Sall a loué les performances de nos forces de sécurité au plan national et international. «Au soutien de notre diplomatie de la paix, nous sommes le premier contributeur de troupes de la Cedeao, le 7ème des Nations-Unies, avec près de 4000 soldats, hommes et femmes, aujourd’hui déployés dans six théâtres d’opération.
Il a aussi réitéré son soutien aux Lions pour le prochain Mondial. «Les Lions, une partie intégrante de la jeunesse, sont sur le chemin de Russie 2018. Portez haut les couleurs de la nation, dans la combativité et le fair-play, nos vœux et prières vous accompagnent», a décalé le Président Sall. Sur les questions économiques, le chef de l’Etat annonce que la Délégation générale à l’entreprenariat rapide des jeunes et femmes (Der) dotée d’un fonds initial de 30 milliards, entre dans sa phase active. «A chaque talent, à chaque projet viable, l’Etat veut donner une chance de succès. Ainsi, dans sa phase-pilote, la Der financera le secteur de la pêche à hauteur de 2 milliards et suivant les conclusions du 1er forum du numérique, un milliard sera alloué aux jeunes promoteurs de startup. Enfin, avec une association de femmes investisseuses, la Der mobilisera 500 millions en appui à des projets spécifiques aux femmes. Ces efforts s’ajoutent à ceux déjà engagés avec la phase-pilote du projet formation-école-entreprise que j’ai lancé ce 6 mars dernier. C’est finalement 25.000 au lieu de 10.000 jeunes que nous préparons, sur une période de 3 ans, à intégrer le marché du travail».
En ce qui concerne le climat social, le président de la République dit avoir consenti beaucoup d’efforts pour la stabilité de ce dernier. «En cette année que j’ai voulu sociale, le gouvernement vient aussi de consentir d’importants efforts en faveur des enseignants et médecins. Ainsi en est-il de l’accord conclu avec les professeurs d’université pour la généralisation du système de retraite complémentaire. Dans le même esprit, j’ai décidé la revalorisation de l’indemnité de logement allouée à tous les enseignants du pays, de 60.000 F Cfa à 85.000 F Cfa soit une augmentation de 25.000. De même, le traitement des professeurs et maitres contractuels sera revalorisé à hauteur de 10.000 F Cfa. La communauté éducative reste au cœur de mes préoccupations. Il en est ainsi, parce que l’école publique est la seule garante de l’égal accès de tous les enfants. Le gouvernement assure le suivi permanant des engagements ainsi consentis ; et je veux faire confiance aux partenaires sociaux pour la reprise des cours et une année scolaire stabilisée. S’agissant du secteur de la santé, l’Etat a également consenti un important effort, portant notamment sur la création d’une indemnité de représentation médicale, et le relèvement de l’âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans pour les médecins. Le Conseil supérieur de la Fonction publique locale étudiera les modalités d’extension de cette mesure aux médecins employés par les collectivités territoriales», déclare le Président Sall.
En ce qui concerne la question sécuritaire, le président de la République annonce des mesures draconiennes pour assurer plus de sécurité aux Sénégalais. «Ces derniers temps, des crimes et rapts abominables ont été commis sur des enfants. Je renouvelle ma ferme condamnation de cette barbarie sans nom. Les services de l’Etat restent mobilisés pour que les auteurs et complices de ces crimes abjects soient retrouvés et traduits devant la justice. En même temps, le programme de retrait des enfants de la rue se poursuit avec rigueur. Il en est de même des efforts de sécurisation du territoire national. 16 commissariats de police seront construits en 2018-2019, un peu partout sur le territoire national. Le programme de modernisation des moyens opérationnels de la Brigade d’intervention polyvalente et de la Police technique et scientifique sera renforcé, y compris par l’installation de vidéosurveillance à Dakar et dans sa banlieue. 10 nouvelles brigades de gendarmerie seront construites et 3800 élèves-officiers et élèves gendarmes recrutés sur 3 ans. Enfin, 20 nouvelles casernes de sapeurs-pompiers seront érigées dans 11 départements, pour une meilleure protection de proximité», dit-il.
Pour conclure, le chef de l’Etat dira : «nous sommes redevables d’un legs que nous devons transmettre aux générations futures. Notre devoir est de consolider l’indépendance par le développement qui la nourrit et l’entretient».
L’opposition accuse le Président d’esquiver la vraie question
Me Madické Niang : «reconnaître qu’il existe autant de revendications, c’est confesser qu’il n’a pu résoudre les problèmes sociaux»
Pour le président du groupe parlementaire Liberté et Démocratie, l’échec est le seul qualificatif du travail de Macky Sall. «Je dois marquer ma déception. On se croirait en début 2012, avec un Président qui vient d’être élu et qui s’adresse à la nation pour la première fois, en faisant des promesses. C’est tout un chantier qui a été décliné. Il a attendu la fin de son mandat pour nous gratifier de promesses sur l’emploi des jeunes. Tout le monde sait aujourd’hui que la clé essentielle de la solution de l’utilisation de nos diplômés passe par ce biais de la relation entre l’école, l’université et l’entreprise. Sur le plan social, le fait qu’il reconnaisse qu’il existe autant de revendications maintenant, c’est confesser qu’il n’a pas pu résoudre les problèmes sociaux des Sénégalais», a fait savoir Me Madické Niang. A l’en croire, ce discours le réconforte davantage dans sa position que le seul mot qui peut caractériser tout ce qui a été fait et dit jusque-là, c’est l’échec. «Au lieu de dire aux Sénégalais : voilà les engagements qui ont été souscrits à un tel secteur, et nous assurer que ces engagements ont été respectés, il préfère en prendre de nouveaux, au moment où presque tous les secteurs réclament l’exécution des engagements qui ont déjà été pris. C’est à des fins électoralistes qu’il a tenu ce discours. On ne peut pas, à 10 mois des élections de la fin de son mandat, prendre des engagements aussi importants. Il a eu le temps, donc ces questions auraient dû être abordées depuis longtemps», affirme Me Niang.
Me Mame Adama Guèye : «ils font du colmatage parce qu’en 6 ans de pouvoir, ils ont tout raté»
Candidat aux prochaines présidentielles, Me Mame Adama Guèye estime que Macky Sall a raté une belle opportunité d’apporter des réponses aux questions des Sénégalais. «Ce message ne répond pas aux questions de l'heure. Ils font du colmatage, parce qu’ils se rendent compte qu’après 6 ans de pouvoir, ils ont tout raté. Le président de la République a raté l’opportunité d’apporter des réponses à des questions très importantes, comme celle liées à la politique. Il y a un vœu pieux concernant la situation scolaire, mais on ne sent pas une information précise montrant une maitrise de la situation par les autorités. C’est bien d’augmenter l’indemnité de logement, mais la vraie question, c’est est-ce qu’on a vraiment trouvé une solution au problème ? Sur la question de la sécurité, il a parlé du renforcement avec le rapt des enfants, mais il y a une question connexe, à mon avis, il faut d’abord régler la question des enfants de la rue. Le Président a dit que le programme de retrait des enfants de la rue va se poursuivre, alors que le programme n’a pas marché du tout», soutient l’avocat.
Professeur Malick Ndiaye : «ressaisissez-vous, vous n’avez pas été élu pour amener ce pays au bord du gouffre»
Pour le professeur Malick Ndiaye, le mandat du Président Macky Sall est terminé depuis longtemps et le malheur du pays, c’est que la société civile et l’opposition font partie des 65% qui l’avait installé à la présidence et ils n’ont pas pu arrêter l’intrusion mensongère dans la gestion des affaires de l’Etat. «Il faut poser le vrai problème, qui est lié aux difficultés que vivent les Sénégalais. Un président qui n’a plus la légitimité, mais seulement la légalité, va créer des tensions sociales. Ressaisissez-vous, vous n’avez pas été élu pour amener ce pays au bord du gouffre», interpelle le professeur Malick Ndiaye.
Thierno Bocoum : «il a encore brandi des promesses et nous savons tous ce qu’il en est de ses promesses»
Pour le président de Agir, ce n’est pas surprenant d’entendre ce discours. «Il ne faut pas perdre de vue le fait que le parrainage ne soit pas une proposition de loi, c’est un projet de loi, donc c’est une question extrêmement importante. Le Président a fait énormément de promesses dans son discours, mais tout ce qui va se faire se fera avec le budget de 2019, alors que les élections sont en février 2018. Les questions sociales et économiques ont été abordées dans un sens connu, il brandit des promesses et nous savons tous ce qu’il en est de ses promesses», dit-il.
Mamadou Diop Decroix : «en dehors de Macky Sall, il ne doit pas y avoir beaucoup de personnes qui réussissent cette prouesse»
Pour Diop Decroix, le Président Sall a parlé de tout sauf de l’actualité. «En dehors de Macky Sall, il ne doit pas y avoir beaucoup de personnes à réussir cette prouesse. En tout cas, moi je ne saurai me le permettre. Les mises en garde de l’opposition, consciente de la mascarade électorale qui se prépare, ce n’est pas son affaire. Pour Decroix, il est incongru de militer pour la diplomatie de paix et en même temps entrer à la Mosquée Al-Aqsa accompagné de policiers sionistes», ironise-t-il. Le leader de Fpdr de dénoncer l’impuissance de l’Etat face au sort de la jeunesse sénégalaise. «Nous sommes plus que jamais dirigés par les colons. Certes, il n’y a plus de gouverneur et de commandant de cercle, mais cette économie qui justifiait leur présence ici est toujours aux mains des ex-colons», déclare Diop Decroix.
Babacar Gaye : «ce que je regrette, c’est d’avoir raté les buts du Real de Madrid à cause de ce discours»
«Le Président Macky Sall nous a sorti un discours où il évoque la liberté, au moment où l’essentiel de son opposition est soit en prison soit exilé. Il estime que ce pays doit redoubler d’effort sur le plan sécuritaire. Si c’est pour sécuriser les personnes et leurs biens, tant mieux, mais nous soupçonnons le Président Sall de s’armer pour mater son opposition. Parce qu’il compte détourner le suffrage universel des Sénégalais. Ce discours, qui semble être celui d’un directeur de société qui fait le décompte de son commerce, nous parle évidement de ce qu’il compte faire pour les enseignants, les médecins. Tout cela montre qu’après 6 ans de gouvernance, le Président Sall demande aux Sénégalais de garder espoir», estime le porte-parole du Pds.
Moustapha Niasse vole eu secours de Macky Sall : «le Président ne peut pas prendre le micro pour argumenter sur le parrainage»
Le président de l’Assemblée nationale est d’avis que Macky Sall a bien fait d’omettre le sujet du parrainage. «En omettant le parrainage, le président de la République évité d’entrer dans les détails et rendre l’action inefficace. Un message doit être court, ramassé et bâti sur une structure mentale, afin d’être compris et étudié. Le message s’est déroulé dans le format idéal : maitrise du temps, clarté des souhaits exprimés, il ne s’agit pas de faire le bilan, mais s’arrêter tout en communiquant avec le peuple», défend Niasse.
Ndeye Khady D. FALL