Le leader de Bës Du Ñiakk a commencé par raconter son échange de piques avec le chef de l’Etat lors du Gamou de Tivaouane. «Vous pensez que moi, leader de Bës Du Ñiakk, je vais courir derrière Macky Sall pour l’applaudir ? Non, cela n’a jamais été mon objectif», précise-t-il d’emblée. Et de souligner qu’il n’a pas du tout aimé comment le chef de l’Etat lui a parlé ce jour-là. «Quand je l’ai accueilli, il ma dit : ‘’Marabout opposant !’’ Je lui ai dit : ‘’Président restons seulement dans la célébration du prophète, comme on est dans le Gamou et c’est ce qui nous réunit ici’’», narre-t-il. Et de poursuivre : «A la fin de la réception, j’ai pris sa main pour le reconduire. Il m’a dit : ‘’le 2ème mandat, c’est plié’’. Je lui ai dit : ‘’pourquoi ?’’ Il a répondu : ‘’Tu n’as pas entendu ce que le Khalife a dit ?’’» Et le chef de l’Etat ne s’est pas arrêté en si bon chemin, si l’on en croit le marabout. «Il m’a dit : ‘’vaut mieux venir prendre part à la victoire’’. Je lui ai demandé de quelle victoire il s’agissait. Et il m’a dit : ‘’celui de 2019, parce que tes gars (opposants) n’iront nulle part’’».
«Aujourd’hui tu as le rapport de force en ta faveur mais le rapport de force peut évoluer très vite»
En réponse au propos de Macky Sall, Mansour Sy Djamil lui a fait savoir qu’il ne sait pas pour ses gars (les autres opposants), mais lui, il va aller loin. Et quand le chef de l’Etat lui a demandé sur quoi il se fondait pour faire une telle affirmation, sa réponse tombe nette. «Je lui ai répondu que je ne crois ni à la loi, ni au droit, ni à la Constitution. Je ne crois qu’au rapport de force et le rapport de force évolue rapidement», raconte-t-il. Pour étayer ses propos, il a donné à Macky Sall l’exemple de Yaya Jammeh qui, après 25 ans de pouvoir, a vu le rapport de force changer de camp en trois mois. Idem pour Robert Mugabe, qui a fait 40 ans au pouvoir, mais, en dix jours, le rapport de force s’est inversé en sa défaveur. Poursuivant, il met en garde Macky. «Je lui ai dit : ‘’pour le moment, le rapport de force est en ta faveur. Tu peux faire ce que tu veux. Et je peux dire que les résultats de 2019 sont déjà sur ta table, parce que le rapport de force te le permet. Mais le rapport de force peut évoluer très rapidement, Président’’», narre-t-il.
«Je ne veux pas de ton ‘’thiompal’’»
Très en colère contre le chef de l’Etat, son ancien allié, le marabout-député, n’a particulièrement pas aimé que le chef de l’Etat lui dise qu’il ne va plus lui donner autant qu’il le faisait lors du Gamou, parce qu’il est devenu opposant. «Il m’a dit : ‘’j’avais l’habitude de te donner quelque chose pendant le Gamou, mais, comme tu es marabout opposant, je vais te donner un tout petit peu (dama lay thiompal)’’. Je lui ai dit : ‘’je n’en veux pas, parce que ce que tu vas me donner n’est rien par rapport à ce que Dieu peut me donner’’», souligne le fils de Djamil. Qui note : «C’est dans cette dynamique de donner peu» que le chef de l’Etat est toujours. C’est pourquoi le Gamou de Seydi Djamil qu’il présidait et que le gouverneur a boudé n’a pas reçu l’attention qu’il fallait de la part de l’Etat.
Le gouverneur en prend aussi pour son grade : «Qu’il s’en aille, s’il ne manque que lui, il ne manque pas grand-chose»
Le gouverneur, qui a boudé la cérémonie, du fait des propos du marabout qu’il considère comme des attaques contre le chef de l’Etat, en a aussi pris pour son grade. Alors qu’il tentait de dissuader le marabout, en rappelant qu’il n’était pas à la cérémonie pour écouter des positions partisanes, Serigne Mansour Sy Djamil lui a quasiment explosé dessus. «Vous avez pris la parole pendant longtemps. On a eu la patience de vous écouter Monsieur le Gouverneur. Je ne dis rien de grave. C’est vous qui avez une position partisane, vous qui vous êtes mis à expliquer la position du président de la République…En quoi je suis partisan ? Il a parlé pendant 20 minutes en disant des futilités, mais on a eu l’amabilité de l’écouter. On prend la parole, il ne peut pas supporter et il s’en va. Qu’il s’en aille ! S’il ne manque que lui, il ne manque pas beaucoup de chose», a martelé le marabout. Et de charger encore le gouverneur qui a voulu le convaincre de ne pas parler de certaines choses devant le public. «Je n’aime pas l’attitude du gouverneur. Il me parle comme s’il parlait à des innocents. Il est venu me dire que s’il est venu en tant que gouverneur, il représente tout le gouvernement et c’est même plus important d’être représenté par des ministres. Je lui ai dit ce que j’avais à lui dire. Mais il m’a demandé de ne pas parler de ma réponse une fois devant le public. Je lui ai dit pourquoi je ne le dirai pas, je n’ai rien à cacher», assène Mansour Sy. En effet, ce dernier n’a pas du tout aimé qu’on minimise le Gamou de son défunt père, là où dans d’autres Gamou, on voit des délégations de ministres. Très en colère, il donne le coup de grâce : «C’est ça leur logique. Si tu es d’accord avec eux, ils font tout ce que tu veux. Si tu n’es pas d’accord avec eux, ils se fâchent contre toi».
Mbaye THIANDOUM