Depuis qu’il a annoncé son renoncement au scrutin de février 2024, Macky Sall multiplie les sorties pour évacuer les questions qui taraudent l’esprit des Sénégalais. Dans un entretien avec nos confrères du journal Le Monde, il s’épanche sur les raisons de son renoncement, le candidat qu’il va soutenir, l’ingérence de la France mais aussi l’arrestation de Ousmane Sonko.
Le Président Macky Sall a accordé un entretien exclusif au journal français ‘’Le Monde’’. Interpellé sur la visite de Marine Le Pen à Dakar, le chef de l’Etat sénégalais admet avoir reçu la patronne de l’extrême droite française. Tout en soulignant que cette audience avec cette dame n’a pas gâché ses relations avec le Président français. «Nos relations sont très bonnes. Mais il faut éviter la monotonie. C’est normal qu’il y ait quelques couacs, mais ce n’est rien par rapport à la valeur de la relation entre la France et le Sénégal. Cela va au-delà de nos personnes, au Président Macron et moi-même», a répondu le Président sénégalais.
«Inélégant que Paris missionne quelqu’un rencontrer Sonko»
Non sans déplorer la délégation de l’Élysée en mars 2013 à Dakar pour rencontrer son principal opposant Ousmane Sonko. «Marine Le Pen est venue au Sénégal et a demandé que je la reçoive, j’ai accepté. Cela ne peut pas être un facteur de déstabilisation de la relation avec la France. J’ai, pour ma part, trouvé inélégant que Paris missionne [en mars] une conseillère [de l’Elysée] pour rencontrer mon opposant [Ousmane Sonko]. Pour autant, cela ne va pas casser notre relation», soutient-il.
‘’Ingérence inadmissible de La France insoumise’’
Alors que le ministre de l’Intérieur avait évoqué la présence de forces occultes sur le sol sénégalais lors des manifestations du mois de juin, Macky Sall confie aux journalistes français qu’une enquête est en cours mais, dit-il, «nous savons qu’il y a eu des complices qui ont tenté de déstabiliser le Sénégal. Parfois, à l’étranger, en France le parti de la France insoumise a soutenu ces violences. C’est une ingérence inadmissible».
Pour justifier son renoncement à 7 mois de l’élection présidentielle, Macky Sall avait ses raisons. «Je ne pouvais pas dire plus tôt que je ne me représenterais pas. Sinon, le pays aurait cessé de travailler. Les tensions politiques de ces derniers temps n’ont rien à voir avec la question du troisième mandat. Le fond du problème, c’est une affaire judiciaire qui a débuté en mars 2021 avec l’arrestation d’un opposant. Il a appelé les gens à descendre dans la rue pour protester contre la justice et il y a eu des morts. En juin, lors de son procès, les mêmes appels à l’insurrection ont été lancés avec les mêmes conséquences».
«Si un candidat ne parvient pas en 7 mois…»
A la question de savoir s’il ne mettait pas en difficulté le futur candidat de son camp, vu qu’il ne reste que 7 mois avant l’élection présidentielle, tout en sachant qu’il a fallu à Macky Sall deux ans de tournée à travers le pays pour gagner en 2012, il dégage en touche. «Je ne le pense pas. Un candidat qui ne parvient pas à avoir de la notoriété en sept mois, ce n’est pas la peine qu’il se présente. Par ailleurs, cette personne aura mon soutien, celui du parti et de la coalition. On fera campagne pour lui».
«Je ne crains rien. Si quelqu’un doit être arrêté, il va l’être»
Pour ce qui concerne le dossier déposé à la Cour pénale internationale, Macky Sall estime que «c’est ridicule. Le Sénégal est le premier Etat au monde à avoir ratifié les statuts de la Cpi. Nous n’accepterons pas d’entrer dans ce jeu de diversion». Macky Sall a aussi rassuré que l’élection de 2024 va se dérouler sans anicroches et qu’il ne craignait point d’arrêter Ousmane Sonko. «Sans aucun doute. En 2019 aussi, on disait que si certains candidats ne participaient pas à l’élection, ce serait le chaos. Pourtant, tout s’est bien passé. L’élection se tiendra et le peuple choisira son président. Rien ni personne ne pourra remettre en cause le processus électoral. M. Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme mais n’a toujours pas été arrêté. Non, je ne crains rien. Je dirige un pays, je ne me focalise pas sur un débat de personne. Si quelqu’un doit être arrêté, il va l’être».
Candidature SG Onu
Le Président Macky Sall a également été interpellé sur une probable future carrière à l’international après son départ du Palais, plus précisément à l’Onu. «J’aimerais me mettre au service de l’Afrique et du monde. Il faut réformer les systèmes de gouvernance mondiale, sans quoi, nous, Africains, qu’importent nos efforts, nous ne nous en sortirons pas... Les institutions de Bretton Woods ont été mises en place après 1945 alors que nous n’étions pas souverains. Ces mécanismes sont en total déphasage aujourd’hui. Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l’Onu doit être réformé pour plus d’inclusion. Si l’on veut éviter une fracture entre les pays du G7 et les puissances émergentes, il nous faut trouver un système plus équilibré. Je souhaite aussi lutter pour l’accès de l’Afrique au marché des capitaux dans des conditions supportables», a-t-il indiqué.
Samba THIAM