Ce 3 juin 2025, Dakar est devenu le carrefour stratégique de l’industrialisation africaine avec la tenue de la deuxième édition du Salon des industries africaines. Un événement ambitieux, placé sous le signe de la souveraineté industrielle, de l’innovation et de la coopération sud-sud. Trois pays sont à l’honneur cette année : le Sénégal, pays hôte, la Guinée et le Gabon. Tous unis autour d’un thème central aux multiples résonances : « Comment la technologie réinvente l’agriculture, les mines, le pétrole et l’économie bleue en Afrique ? »
À l’origine de ce salon, une conviction forte portée par Kadia Sylla Moisson, fondatrice du Club des Diasporas africaines de France et des Amis de l’Afrique. Elle milite depuis plus de dix ans pour la création de ponts entre les talents africains et les partenaires internationaux. « Ce salon est né de la nécessité de se prendre en main, de capitaliser sur notre potentiel industriel. L’Afrique n’a pas à attendre. Elle est la solution », affirme-t-elle avec conviction. Le continent regorge de ressources, de compétences, d’initiatives. Ce qu’il manque ? Une meilleure coordination, des synergies concrètes, et surtout, la confiance en sa propre capacité à transformer ses ressources localement.
Dans un contexte mondial tendu, où la redéfinition des chaînes de valeur est une urgence, cette édition 2025 vise à favoriser les synergies intra-africaines, connecter industriels, décideurs, chercheurs, et investisseurs, tout en valorisant les expériences réussies de digitalisation, notamment dans les secteurs stratégiques comme l’agroalimentaire, l’énergie, ou les technologies de l’information.
La cérémonie d’ouverture, présidée par Henry Fall Carvalho, directeur des Pme au ministère du Commerce, réunit des délégations venues de plusieurs pays africains (Gabon, Cameroun, Cap-Vert, Madagascar, RDC). Ces représentants ont mis en lumière des projets innovants, de la désalinisation de l’eau de mer à la transformation locale des minerais, prouvant que les solutions aux grands défis africains ne sont plus à chercher ailleurs.
Au cœur du salon, les enjeux sont clairs : renforcer les capacités locales de transformation, construire des chaînes de valeur compétitives à l’échelle continentale, et attirer des investissements productifs grâce à une plateforme d’affaires pensée pour catalyser l’innovation. La finalité : poser les bases d’un modèle de croissance endogène, équitable et durable, aligné sur les réalités africaines.
Le Sénégal, en particulier, a affiché ses ambitions technologiques à travers la voix de Roger Thiam, de la Direction de l’économie numérique. Avec un marché numérique déjà estimé à 800 milliards F Cfa, une couverture internet dépassant 70% et plus de 15 millions d’abonnés mobile, le pays se positionne comme un leader de l’économie numérique en Afrique de l’Ouest.
Le New Deal Technologique lancé par le ministre Alioune Sall s’inscrit dans cette dynamique. L’objectif est d’élever la contribution du numérique de 5 à 15% du PIB d’ici 235, soit 2 500 milliards F Cfa par an. Des ambitions traduites par des projets concrets : digitalisation de l’agriculture, amélioration des rendements, réduction des pertes post-récolte, automatisation des installations pétrolières, smart grids pour une meilleure gestion énergétique, ou encore développement massif de services numériques dans les Pme.
Chiffres à l’appui, les retombées de cette stratégie sont estimées à 150 milliards F Cfa par an dans l’agriculture, 150 milliards dans le secteur pétrolier et gazier, 140 milliards dans l’énergie, et 350 milliards dans l’industrie et les services numériques. Un total de 790 milliards F Cfa supplémentaires attendus chaque année, qui viendraient s’ajouter aux 800 milliards déjà générés par le numérique aujourd’hui.
Mais, au-delà des projections économiques, le message du salon est plus large : il s’agit d’un appel à l’action. « Ce que nous engageons ici n’est pas un luxe. C’est une nécessité. L’Afrique doit créer ses propres solutions, avec ses talents, ses réalités, et sa vision », a souligné Roger Thiam. Il insiste sur le rôle des jeunes, des femmes, des Pme et des startups, acteurs centraux d’un écosystème numérique inclusif et souverain.
Le Salon des Industries africaines 2025 se veut ainsi un levier pour décloisonner les initiatives, faire converger les ambitions nationales et régionales, et bâtir un avenir industriel durable et maîtrisé. Un espace de réflexion stratégique, mais aussi d’engagement collectif pour transformer les défis en opportunités. Un rendez-vous pour affirmer que l’Afrique n’est plus simplement un continent de ressources, mais une puissance industrielle et technologique en devenir.
Baye Modou SARR