
Dans une décision retentissante, la Cour administrative d’appel de Nantes a donné raison à une famille sénégalaise en ordonnant la délivrance de visas de long séjour à Mme F. C. et M. G. E., respectivement épouse et fils de M. H. E., un réfugié mauritanien établi en France. Cette victoire juridique, qui s’appuie sur le droit à la vie familiale, met fin à des années de séparation imposées par des refus administratifs. L’État français est également condamné à verser 1440 euros pour frais de justice, une décision saluée comme un pas vers l’équité pour les familles sénégalaises en quête de réunification.
Une saga administrative
M. H. E, reconnu réfugié en France depuis 2012, cherchait à faire venir sa famille depuis le Sénégal dans le cadre de la réunification familiale. Marié à Mme F. C. depuis 2014, il est père de leurs trois enfants (D. E., I. E. et B. E.) et de M. G. E., né d’une autre union. En 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France avait confirmé le refus de l’autorité consulaire à Dakar de délivrer des visas à Mme F. C. et M. G. E., malgré l’octroi ultérieur de visas aux trois autres enfants en mai 2024.
Face à ce refus, la famille, représentée par Me Pronost, avait saisi le tribunal administratif de Nantes, qui avait partiellement annulé la décision de la commission en janvier 2024, mais maintenu le refus pour Mme F. C. et M. G. E. Déterminés, les requérants ont fait appel, dénonçant une violation de leur droit à la vie familiale.
Une décision en faveur de la réunification
La Cour de Nantes a tranché en faveur de la famille, annulant la décision de la commission du 20 juillet 2022 pour Mme F. C. et M. G. E. Pour Mme F. C., la Cour a jugé que le refus, motivé par une prétendue absence de concubinage en 2012, violait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie familiale) et l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. La Cour a souligné que Mme F. C. avait élevé seule ses enfants, désormais en France, et que leur séparation était injustifiée.
Concernant M. G. E., né en 1998, la Cour s’est appuyée sur la directive européenne 2003/86/CE et des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a retenu que M. G. E. était mineur (17 ans et 9 mois) lors de la première demande de visa en janvier 2016, et que l’âge doit être apprécié à la date de cette démarche initiale. Le refus basé sur sa majorité en 2021 a été jugé erroné en droit.
Une injonction claire
La Cour a ordonné au ministre de l’Intérieur de délivrer les visas de long séjour à Mme F. C. et M. G. E. dans un délai de deux mois, sans astreinte. Elle a également condamné l’État français à verser 1440 euros à Me Pronost, l’avocate de la famille, pour couvrir les frais de justice, en application de l’aide juridictionnelle totale accordée à M. H. E.
Un signal fort pour les familles sénégalaises
Cette décision est une lueur d’espoir pour de nombreuses familles sénégalaises confrontées à des obstacles administratifs dans leurs démarches de réunification en France. «C’est une victoire pour la justice et pour l’unité familiale», a déclaré Me Pronost, qui a plaidé avec succès l’importance des liens familiaux et des droits fondamentaux. Au Sénégal, où les demandes de visas pour regroupement familial sont souvent complexes, cet arrêt pourrait inspirer d’autres recours et encourager une application plus humaine des règles migratoires.
À Dakar, la nouvelle a été accueillie avec émotion par les proches de la famille. «Retrouver mon mari et mes enfants est un rêve qui devient réalité», a confié Mme F. C. Pour M. G. E., ce visa représente une chance de rejoindre son père et de construire un avenir en France.
Samba THIAM