L’étude menée par la Banque mondiale sur l’impact du Covid-19 sur les entreprises au Sénégal revient sur les effets du confinement sur la rentabilité des entreprises, l’emploi et les taux de fermeture des entreprises. Il évalue les pertes potentielles des recettes de l’impôt sur les sociétés, l’atténuée potentielle des pertes salariales par des subventions, et le nombre d’entreprises susceptibles de faire faillite, entre autres.
«Dans l’ensemble, l’impact de la pandémie sur l’économie est grave, avec une forte baisse des recettes fiscales, une augmentation de la dette et des pertes d’emplois» ! C’est ce qui ressort de l’étude réalisée par la Banque mondiale sur l’impact de la pandémie sur les entreprises au Sénégal, notamment lors du confinement. En effet, dans le cadre d’un confinement de trois mois, seulement 25% des entreprises restent rentables et que presque toutes les entreprises des secteurs les plus touchés enregistrent des pertes. La perte de revenus de l’impôt sur les sociétés est très importante : en 2020, il ne collecterait que 67% des revenus de l’année fiscale précédente. En outre, les entreprises accumulent des pertes équivalentes à 3,9% du Pib, ce qui suggère que les entreprises devront augmenter considérablement leur endettement pour survivre. Les entreprises réduiraient de 6,3% leurs masses salariales annuelles totales. Les subventions salariales ne suffiraient pas à préserver une part substantielle de la masse salariale dans les secteurs très impactés.
Les effets du confinement sur l’entreprise
Les entreprises souffrent d’une demande réduite en raison de restrictions de mouvement, d’une offre de main-d’œuvre réduite et de contraintes pour l’approvisionnement. La faillite d’entreprises par ailleurs saines en réponse à un choc temporaire implique des coûts économiques importants sur le moyen terme. Dans la catégorie à fort impact se trouvent les secteurs qui ne peuvent pas fonctionner du tout pendant le confinement et perdent 100% de leurs revenus pendant cette période. Il s’agit notamment du tourisme, des transports, du commerce de détail non essentiel et des loisirs. Dans les catégories à risque modéré, on trouve des secteurs qui fonctionnent à moitié et perdent 50% de leurs revenus. Il s’agit notamment de l’industrie et de l’éducation. Enfin, le secteur à faible impact ne perd que 20% de ses revenus mensuels, dans des secteurs tels que le commerce de détail essentiel, la santé, la construction et l’agriculture. Naturellement, il existe encore un certain degré d’hétérogénéité de l’exposition au sein des catégories, certains sous-secteurs enregistrant une augmentation des revenus. En effet, le secteur à fort impact contient 30% des entreprises et un quart de la masse salariale, le secteur à risque modéré en contient 17% des entreprises et 30% de la masse salariale, et le secteur à faible impact les 53% restants des entreprises et 54% de la masse salariale.
Baisse de la rentabilité des entreprises
Une indication approximative de la capacité des entreprises à survivre est d’avoir un taux de profit non négatif. Cependant, dans les secteurs à impact élevé et modéré, la grande majorité des entreprises deviennent non rentables même dans le scénario du confinement de trois mois. Près de 99% des entreprises des secteurs à fort impact sont rentables au départ, un chiffre qui chute à 12% pour le scénario de confinement de trois mois et à 8% pour un confinement de cinq mois. L’impact est moins important dans les secteurs à risque modéré et faible, étant donné que le choc auquel ils sont confrontés est moins grave et que ces secteurs dépendent davantage des coûts matériels que le secteur à fort impact. Globalement, seulement 25% de toutes les entreprises restent rentables dans le cadre d’un confinement de trois mois et 19% dans le cadre d’un confinement de cinq mois.
Avec une subvention salariale de 90%, la masse salariale ne serait réduite qu’à 4,8%
Les entreprises suffisamment rentables au départ absorbent le choc et continuent de rémunérer leurs salariés. Cependant, d’autres vont réduire leur masse salariale proportionnellement au choc pour tenter de garder un taux de profit positif. D’autres encore vont aussi réduire la masse salariale mais moins que proportionnellement au choc et réalise un profit nul. L’octroi de subventions salariales, même modestes, à ces entreprises, a le potentiel pour sauver des emplois. La perte de masse salariale est bien sûr concentrée dans les secteurs à fort impact qui réduiraient 19% de la masse salariale dans le cadre du confinement de trois mois. Au fur et à mesure que la subvention salariale augmente, la perte de masse salariale diminue, car certaines entreprises reviennent maintenant à des bénéfices nuls (ou à leurs pertes de référence). L’impact sur la perte de masse salariale est cependant très différent selon les trois secteurs d’impact : d’une part, pour les secteurs à fort impact, la perte de revenus est trop sévère pour être compensée par des subventions salariales et ces entreprises sont contraintes de couper l’emploi, même pour les grandes subventions salariales. Cependant, ces entreprises doivent toujours payer leurs coûts fixes (par exemple le loyer) et qu’une réduction des coûts de main-d’œuvre n’est pas suffisante pour compenser la perte de revenus. Globalement, l’application d’une subvention salariale de 50% dans tous les secteurs réduirait la perte annuelle de masse salariale de 6,3% à 5,1% (confinement de trois mois) ou de 12.0% à 10,1% (confinement de cinq mois). Il faudrait une subvention substantielle pour économiser davantage de masse salariale : même avec une subvention salariale de 90%, la perte de masse salariale annuelle ne serait réduite qu’à 4,8% (blocage de trois mois) ou à 9,3% (blocage de cinq mois).
Faillites des entreprises
Toutefois, le fait de ne pas être rentable augmente sensiblement la probabilité qu’une entreprise ferme. Au Sénégal, parmi les entreprises ayant déclaré l’Impôt sur les Sociétés dans une année donnée, une proportion importante de 16% en moyenne ne déclare pas cet impôt l’année suivante. Ce qui est considéré comme une faillite. Parmi les entreprises non rentables, cette moyenne est de 20%, alors qu’environ 12% des entreprises avec un taux de profit positif disparaissent. Ceci indique un taux excédentaire de fermeture de 8% pour les entreprises non rentables, en moyenne. Ces trois groupes sont exposés de façon différente aux risques de perte de chiffre d’affaires. Ils ont aussi des taux excédentaires de fermeture différents. En effet, les groupes de risque modéré et élevé présentent naturellement un taux de fermeture plus élevé suggérant qu’ils sont des secteurs plus volatiles et sensibles aux fluctuations de marché. Suite au confinement de trois mois, le taux de faillite passerait de 15 à environ 18%.
Impacts sur l’économie
Seulement 30% des entreprises restent rentables après le choc, et presque toutes les entreprises des secteurs fortement touchés enregistrent des pertes. La perte de revenus de l’impôt sur les sociétés est sévère, atteignant globalement 48% dans le scénario de choc à trois mois et 58% dans le scénario de choc à cinq mois. Dans les secteurs à fort impact, presque tous les revenus de l’Impôt sur les sociétés (IS) sont perdus. En effet, malgré le caractère temporaire du choc, le choc génère des pertes importantes qui sont imputées sur les bénéfices réalisés pendant le reste de l’année. L’augmentation absolue des pertes est de 2,3% du Pib [4,5%] avec le choc de trois mois [choc de cinq mois], ce qui suggère que les entreprises devront augmenter considérablement leurs emprunts. Les pertes salariales sont également importantes, variant entre 8% et 15% de la masse salariale annuelle - les subventions salariales aurons du mal à protéger l’emploi : une subvention salariale de 50% réduirait les pertes salariales de 8 à 7% [15 à 14%] dans le scénario de confinement de trois [cinq] mois. L’augmentation du nombre de faillites d’entreprises est modérée, tout comme la perte de production et de masse salariale associée. L’estimation suggère que 3% des entreprises dans la base de données feront faillite à cause du choc de la pandémie. Ce chiffre s’ajoute bien sûr aux entreprises qui feront faillite en temps normal, ce qui au Sénégal semble être un chiffre élevé en moyenne, d’après les déclarations d’IS.
M. CISS