La délégation du gouvernement du Sénégal est revenue de la Rencontre de l’organisation mondiale du commerce (OMC) sur le mécanisme d’examen des politiques commerciales des pays membres de l’UEMOA du 25 au 27 Octobre dernier en ayant réussi à faire accepter la prolongation par le Sénégal de la levée de la mesure d’interdiction des importations des produits avicoles et matériels avicoles usagés.
Le gouvernement du Sénégal avait déclaré avant cette rencontre qu’il n’était pas prêt à lever cette mesure d’interdiction. Le Front anti APE anti CFA avait exprimé son soutien à cette position du gouvernement par voie de communiqué et de lettres de soutien adressées au ministre du commerce et à la directrice du commerce extérieur. Le Front anti APE anti CFA se réjouit de ce résultat et félicite le gouvernement.
Mais jusqu’à quand le gouvernement aura le courage politique d’user de subterfuges pour appliquer le protectionnisme à notre filière avicole ? Pourra continuer ainsi sans une conscience et une mobilisation populaires ?
C’est pourquoi, le Front affirme qu’il faut communiquer largement avec les acteurs de la filière avicole et le peuple sénégalais sur cette question. Permettre l’entrée au Sénégal des produits avicoles étrangers c’est faire disparaître plus de 50.000 emplois directs et indirects. Et cela rien ne peut le justifier. Pas même les règles néo libérales du commerce internationale promues par l’OMC. Le Brésil, l’Union Européenne (UE), les États-Unis…ont leurs poulets. Qu’ils les gardent pour leurs peuples ou en fassent bénéficier à des pays où il n’y a pas de filière avicole. Qu’ils contribuent à éradiquer de manière durable, écologique la faim dans le monde en préservant les exploitations familiales paysannes. en 2016, 20% de la population sénégalaise étaient en situation d’insécurité alimentaire soit 3.782.851 personnes.
Cela peut être éradiqué notamment à travers notre secteur avicole en liaison avec nos paysans cultivant des céréales et non avec l’assassinat de notre secteur avicole. Pour le Front, les règles du commerce internationale doivent être basées sur la solidarité et la complémentarité et non la concurrence et la compétitivité qui appauvrissent, détruisent des emplois, augmentent la dépendance et menacent notre planète. L’économie, le commerce…doivent être au service des peuples et non l’inverse.
C’est pour cela que tout le peuple du Sénégal doit se lever comme un seul homme pour une filière avicole nationale forte, protégée qui contribue à la souveraineté alimentaire avec des produits accessibles à tous, à l’éradication du chômage, soucieuse de la santé de notre peuple et du devenir de notre Terre. Le Front contribuera à informer le peuple, à renforcer notre filière avicole et à faire face à toutes menaces en provenance de privés nationaux dont l’intérêt se trouve dans l’importation, de l’impérialisme, de ceux qui sur cette question seraient tentés d’être les collabos de l’UE, des Etats-Unis…
Si le Front anti APE anti CFA est sur la même position que le gouvernement du Sénégal sur la nécessité de la protection de la filière avicole nationale, le Front est cependant désolé d’apprendre que les ministres chargés du commerce des Etats membres de l’UEMOA, dont le Sénégal assure la présidence, se sont réunis sur la politique commerciale commune pour notamment poursuivre la folie suicidaire de l’aventure des APE. Dans leur déclaration, ces ministres du commerce des pays de l’UEMOA ont :
-Invité les 3 Etats non encore signataires à le faire afin de préserver les acquis de l’intégration en Afrique de l‘Ouest
-Recommandé aux deux Commissions, d‘intensifier les actions politiques en faveur de la signature complète de l’APE
Le Front anti APE anti CFA réaffirme son opposition à l’APE avec l’UE et conteste la position des ministres du commerce de l’UEMOA prétendant que l’APE préserve l’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Comment cet APE qui va créer un détournement de commerce au profit des marchandises en provenance de l’UE peut-il renforcer l’intégration CEDEAO ? Comment peut-on vouloir augmenter le commerce intra-africain et signer l’APE qui va chasser les marchandises sénégalaises du Mali, les marchandises maliennes du Burkina Faso ? Comment l’objectif de faire passer le commerce intra-CEDEAO de 12% à 40% en 2030 va-t-il être atteint ? L’intégration ne consiste pas à mener le Nigéria extrêmement dépendant du pétrole et qui cherche à en sortir par un plan d’industrialisation, la locomotive de la CEDEAO, à l’abattoir de l’APE avec seulement 6% des lignes tarifaires où ce pays est plus compétitif que l’UE. Justement, s’il n’y a que sur 6% de lignes tarifaires que le Nigéria est plus compétitif que l’UE, qu’en est-il de ces 8 pays de l’UEMOA ? C’est pourquoi le Front exprime toute sa solidarité au Nigéria, à la Gambie et à la Mauritanie qui n’ont pas encore signé l’APE.
Quelle différence de position avec l’ITUC, une confédération internationale de syndicats regroupant des syndicats africains (dont la CNTS et la CSA respectivement 1ère et 3e centrale syndicale des travailleurs au Sénégal), qui a organisé à Lomé les 9 et 10 Octobre 2017 une conférence sur les APE et qui a conclu : « Les négociations en cours sur les APE doivent s’arrêter ; ceux signés ne doivent pas entrer en vigueur et les APE intérimaires doivent être abrogés. Toutes les négociations futures doivent respecter les processus d’intégration régionale. Les gouvernements africains doivent améliorer en même temps leur politique commerciale et industrielle et prendre en compte l’analyse des différents modèles d’intégration avant de se précipiter dans un accord de libre-échange continental… ».
Justement, la même logique qui pousse un Etat comme le Sénégal à protéger sa filière avicole justifie la non signature des APE. Et les contradictions des Etats ayant signé l’APE sont nombreuses. Voilà un gouvernement qui signe l’APE qui va faire perdre au Sénégal 240 milliards de francs CFA de recettes budgétaires par an. Voilà le même gouvernement qui va tenir le 17 novembre prochain, pour le « financement de la santé », un « Forum national de plaidoyer sur la mobilisation de ressources ». C’est le même gouvernement du Sénégal qui sollicite le peuple en augmentant les frais d’inscription pour les examens (Cfee, Bfem, Ceap, et Cap) en prétextant un « lourd fardeau » alors qu’il accepte de subventionner les entreprises européennes avec l’APE.
Avec :
-22 départements dépourvus de poste de police ou de gendarmerie
-1 policier pour plus de 5.000 habitants au lieu du ratio universel d’un policier pour 1.000 habitants
-50% du territoire sénégalais sans caserne de sapeurs-pompiers
ce gouvernement qui signe les APE organisera bientôt un forum pour le financement de la sécurité.
C’est pourquoi, même si le Front anti APE anti CFA partage les craintes de beaucoup sur l’adhésion du Maroc à la CEDEAO, le Front est étonné de ce que certains parmi ces mêmes acteurs se mobilisent contre cette menace marocaine et ne disent rien contre l’UE et son APE mortifère qui constituent une plus grande menace que le Maroc.
Le Comité de pilotage
Dakar, le 15 Novembre 2017