Entre les pressions américaines et celles de l’avocat de l’un d’eux, la confusion s’était installée à propos de l’expulsion des anciens prisonniers de Guantanamo que le Sénégal avait accueillis pour des raisons humanitaires. Alors que des voisins avaient confirmé leur départ, mardi soir, de leur résidence, «Al Arabiya», qui cite des sources libyennes bien au fait du dossier, affirme que les deux anciens prisonniers de Guantanamo sont bien arrivés à Tripoli, via Carthage (Tunisie) dans la nuit du mercredi au jeudi dernier. Ils seraient immédiatement mis en prison et seront interrogés dans le cadre des enquêtes entreprises par les forces de sécurité libyennes, en coordination avec le procureur de Tripoli, pour identifier et démanteler les réseaux terroristes d’Al Qaïda. A la Patte-d’Oie où ils étaient logés, des voisins ne cachent pas leur soulagement, même s’ils sont malgré tout compatissants pour les anciens prisonniers, particulièrement pour l’un d’eux, qui non seulement avait presque fini de s’intégrer, mais traîne des séquelles physiques.
Les deux anciens prisonniers de Guantanamo ont été bel et bien expulsés du Sénégal mercredi dernier, comme l’avait annoncé en exclusivité «Les Echos». Après une confirmation de sources locales, l’information a été confirmée, hier, par le site «Al Arabiya». «Une source proche de l’affaire a confirmé l’arrivée de Salem Abdul Salam Ghereby et Omar Abu Bakr Al Khalifa, dans la nuit du mercredi au jeudi (dernier) à l’aéroport de Mitiga de Tripoli, via l'aéroport international de Carthage (Tunisie), où les anciens prisonniers membres d’Al-Qaïda ont été remis aux forces spéciales du gouvernement de réconciliation», note le média.
Qui ajoute que les deux anciens prisonniers de Guantanamo détenus à leur arrivée dans une prison de Tripoli, feront l’objet d’une enquête approfondie de la part des forces de sécurité, en coordination avec le Procureur général de Tripoli. Cela, dans le cadre des enquêtes en cours, pour l’identification et de la destruction des réseaux d’Al-Qaïda. D’ailleurs, la déportation de Salem Abdul Salam et Omar Abu Bakr Al Khalifa a eu lieu quelques jours seulement après un raid aérien des Américains à Ubari au Sud de la Libye, tuant Mousa Abou Daoud qui était l’un des principaux dirigeants d'Al-Qaïda au Maghreb.
Les autorités sénégalaises auraient promis de ne pas expulser Omar Al-Khalifa
Pourtant, avant-hier, le «New York Times» avait fait un article qui laissait croire que l’un des Libyens, Omar Al Khalifa, n’a pas été déporté. Et le média se fonde sur une déclaration d’une autorité américaine qui cite un diplomate sénégalais. En effet, le diplomate Lee S. Wolosky, qui a négocié l'accord de 2016 pour réinstaller les deux hommes au Sénégal, dans un entretien, jeudi dernier, a déclaré qu'il avait été informé par un diplomate sénégalais que M. Ghereby (Salem Abdul Salam) avait quitté le pays, mais que M. Khalifa n'a pas été expulsé de force, bien qu'il ait été relogé au Sénégal.
Toutefois, Ramzi Kassem, professeur à L’université de New York, avocat d’Omar Al Khalifa, a souligné que le téléphone de ce dernier était éteint depuis mardi (mardi 3 avril, jour prévu pour leur expulsion) et il craignait que le gouvernement sénégalais ait arrêté son client avec l'intention d’exécuter sa menace de l'expulser. Ce qui serait un scandale pour lui. «Envoyer M. Khalifa en Libye non seulement violerait la promesse d'asile sûr que les Etats-Unis et le Sénégal ont faite à mon client alors qu'il était à Guantánamo, mais violerait également la Convention contre la torture», a déclaré M. Kassem. Qui ajoute : «le Sénégal et les Etats-Unis seraient responsables de tout préjudice qui arriverait à mon client en Libye».
Surtout que Ghereby a perdu une jambe et a des problèmes de vue. Dans un communiqué, le Département d'État a déclaré qu'il a «réitéré au gouvernement du Sénégal son attente qu'il respecte ses obligations internationales et ses engagements envers les deux hommes». Cette «pression» de la première puissance du monde n’a certainement pas pu lier les mains du Sénégal. A moins que les Américains ne jouent pas franc jeu dans cette expulsion qu’ils auraient cautionnée.
Les libyens se plaignaient de leurs conditions de vie au Sénégal
Cette affaire a eu le mérite de lever un coin du voile sur la manière dont les deux hommes ont vécu dans notre pays, depuis qu’ils y sont arrivés le 4 avril 2016. Selon les informations, les deux ex-prisonniers ont émis de nombreuses plaintes au sujet de leur vie au Sénégal. En effet, ils ont été reçus, à plusieurs reprises au niveau de l'ambassade des États-Unis à Dakar. Et à chaque fois, ils ont exprimé leurs doléances.
Des manquements qui, selon notre source, s’étendent jusqu’à leur désir de prendre des repas plus consistants. Aussi, aucun des deux hommes n'avait reçu de papiers d'identité, ce qui leur avait été promis, disaient-ils, et leur permettrait une plus grande flexibilité pour voyager. Selon l’avocat Me Kassem, les demandes de son client (Khalifa) aux autorités sénégalaises pour des lunettes et une jambe prothétique mieux ajustée ont pris des mois pour être remplies. Alors que M. Ghereby a déclaré que sa femme et ses enfants de Libye n'avaient pas été autorisés à rester avec lui au Sénégal (ses enfants étaient venus au Sénégal, mais sont retournés ou ont été retournés en Libye). Ces complaintes et plaintes de ces hôtes particuliers au niveau des autorités américaines auraient-elles déplu au Sénégal au point de décider de les renvoyer chez eux en Libye?
Soulagement et compassion chez les occupants et riverains de l’immeuble Soxna Wolty Diop de la Patte-d’oie
Pour des raisons de sécurité et pour ne pas créer une panique inutile chez les habitants de l’immeuble ou du quartier en question, nous nous étions toujours gardés de révéler où logeaient les deux Libyens. Salem Abdul Salam et Al Khalifa, qui a perdu une jambe, vivaient en effet à l’immeuble Soxna Wolty Diop de la Patte-d’Oie. Un immeuble bien visible à droite de la route des Parcelles assainies, juste en descendant le pont Aliou Sow (ex pont Sénégal 92). Sur place, ils étaient sous la garde d’agents de la Division des investigations criminelles. D’ailleurs, quand les riverains ont commencé à comprendre qu’il s’agissait d’eux, beaucoup ont eu peur.
«Au début, les gens ne savaient pas qu’il s’agissaient d’eux. Mais un jour, quelqu’un les a reconnus et a vendu la mèche dans le voisinage. Ici, beaucoup de gens dans l’immeuble voulaient déménager, se disant que ce n’était pas sûr d’habiter avec eux. Quand ils sortaient, les gens évitaient même de les croiser dans les escaliers», souligne un habitant de l’immeuble.
«Un jour un conteneur est tombé dans la rue, c’était la panique générale, tout le monde a pensé à une bombe»
Le même habitant raconte une anecdote qui en dit long sur la peur qui animait les voisins. «Un jour, un conteneur est tombé dans la rue, mais c’était la panique générale. Les gens ont tous bondi hors de leurs appartements. Les gens ont tout de suite pensé à une bombe», narre-t-il. Mais, précise notre interlocuteur, «finalement, avec leur comportement, les gens ont commencé à devenir plus sereins et rassurés». A en croire notre source, «le plus jeune (Salem Abdul Salam) est un peu renfermé, mais le plus âgé, Omar (Omar Abu Bakr Al Khalifa) est très gentil et avait fini tant bien que mal à s’intégrer à la vie sénégalaise».
Et de rappeler : «le jour de la Tabaski, par exemple, il est entré dans tous les appartements pour saluer les gens et communier avec eux». Et notre interlocuteur de marquer sa tristesse et sa compassion. «J’ai mal pour eux, malgré tout. Pourquoi les avoir expulsés pour qu’ils retournent en prison ? Surtout que l’un, Omar, a la jambe amputée. C’est triste vraiment. Ils se sentaient bien ici. Leurs enfants étaient même venus ici. Du moins ceux du plus jeune. Ils ont passé un bon bout de temps ici avant de retourner. Il paraît qu’ils trouvaient trop austères et contraignantes les conditions de vie ici. Omar lui était vraiment free ici, ils avaient des amis qui venaient le voir», explique-t-il.
De nationalité libyenne Omar Abu Bakr Al Khalifa est cependant né à Casablanca, au Maroc (1972), alors que son compagnon d’infortune Salem Abdul Salam est natif de Zliten, à l’ouest de la Libye (1961). De la Libye, les deux hommes avaient rejoint Al-Qaïda en Afghanistan. Ils seront arrêtés en 2002 par les autorités pakistanaises, qui les ont remis aux Américaines. Identifiés comme des experts en armes et explosifs, et emprisonnés dans le tristement célèbre bagne de Guantanamo pendant plus de 14 ans, ils sont été libérés en 2014, avant de rejoindre le Sénégal qui leur avait donné l’asile humanitaire. Qu’est-ce qui a changé entre-temps, pour que le Sénégal se lève d’un coup pour les déporter en Libye où ils encourent un risque certain ? Surtout que pour «Al Arabiya», le Sénégal a bien demandé l’aval des Américains avant d’expulser les deux hommes.
Mbaye THIANDOUM & Sidy Djimby NDAO
Les deux anciens prisonniers de Guantanamo ont été bel et bien expulsés du Sénégal mercredi dernier, comme l’avait annoncé en exclusivité «Les Echos». Après une confirmation de sources locales, l’information a été confirmée, hier, par le site «Al Arabiya». «Une source proche de l’affaire a confirmé l’arrivée de Salem Abdul Salam Ghereby et Omar Abu Bakr Al Khalifa, dans la nuit du mercredi au jeudi (dernier) à l’aéroport de Mitiga de Tripoli, via l'aéroport international de Carthage (Tunisie), où les anciens prisonniers membres d’Al-Qaïda ont été remis aux forces spéciales du gouvernement de réconciliation», note le média.
Qui ajoute que les deux anciens prisonniers de Guantanamo détenus à leur arrivée dans une prison de Tripoli, feront l’objet d’une enquête approfondie de la part des forces de sécurité, en coordination avec le Procureur général de Tripoli. Cela, dans le cadre des enquêtes en cours, pour l’identification et de la destruction des réseaux d’Al-Qaïda. D’ailleurs, la déportation de Salem Abdul Salam et Omar Abu Bakr Al Khalifa a eu lieu quelques jours seulement après un raid aérien des Américains à Ubari au Sud de la Libye, tuant Mousa Abou Daoud qui était l’un des principaux dirigeants d'Al-Qaïda au Maghreb.
Les autorités sénégalaises auraient promis de ne pas expulser Omar Al-Khalifa
Pourtant, avant-hier, le «New York Times» avait fait un article qui laissait croire que l’un des Libyens, Omar Al Khalifa, n’a pas été déporté. Et le média se fonde sur une déclaration d’une autorité américaine qui cite un diplomate sénégalais. En effet, le diplomate Lee S. Wolosky, qui a négocié l'accord de 2016 pour réinstaller les deux hommes au Sénégal, dans un entretien, jeudi dernier, a déclaré qu'il avait été informé par un diplomate sénégalais que M. Ghereby (Salem Abdul Salam) avait quitté le pays, mais que M. Khalifa n'a pas été expulsé de force, bien qu'il ait été relogé au Sénégal.
Toutefois, Ramzi Kassem, professeur à L’université de New York, avocat d’Omar Al Khalifa, a souligné que le téléphone de ce dernier était éteint depuis mardi (mardi 3 avril, jour prévu pour leur expulsion) et il craignait que le gouvernement sénégalais ait arrêté son client avec l'intention d’exécuter sa menace de l'expulser. Ce qui serait un scandale pour lui. «Envoyer M. Khalifa en Libye non seulement violerait la promesse d'asile sûr que les Etats-Unis et le Sénégal ont faite à mon client alors qu'il était à Guantánamo, mais violerait également la Convention contre la torture», a déclaré M. Kassem. Qui ajoute : «le Sénégal et les Etats-Unis seraient responsables de tout préjudice qui arriverait à mon client en Libye».
Surtout que Ghereby a perdu une jambe et a des problèmes de vue. Dans un communiqué, le Département d'État a déclaré qu'il a «réitéré au gouvernement du Sénégal son attente qu'il respecte ses obligations internationales et ses engagements envers les deux hommes». Cette «pression» de la première puissance du monde n’a certainement pas pu lier les mains du Sénégal. A moins que les Américains ne jouent pas franc jeu dans cette expulsion qu’ils auraient cautionnée.
Les libyens se plaignaient de leurs conditions de vie au Sénégal
Cette affaire a eu le mérite de lever un coin du voile sur la manière dont les deux hommes ont vécu dans notre pays, depuis qu’ils y sont arrivés le 4 avril 2016. Selon les informations, les deux ex-prisonniers ont émis de nombreuses plaintes au sujet de leur vie au Sénégal. En effet, ils ont été reçus, à plusieurs reprises au niveau de l'ambassade des États-Unis à Dakar. Et à chaque fois, ils ont exprimé leurs doléances.
Des manquements qui, selon notre source, s’étendent jusqu’à leur désir de prendre des repas plus consistants. Aussi, aucun des deux hommes n'avait reçu de papiers d'identité, ce qui leur avait été promis, disaient-ils, et leur permettrait une plus grande flexibilité pour voyager. Selon l’avocat Me Kassem, les demandes de son client (Khalifa) aux autorités sénégalaises pour des lunettes et une jambe prothétique mieux ajustée ont pris des mois pour être remplies. Alors que M. Ghereby a déclaré que sa femme et ses enfants de Libye n'avaient pas été autorisés à rester avec lui au Sénégal (ses enfants étaient venus au Sénégal, mais sont retournés ou ont été retournés en Libye). Ces complaintes et plaintes de ces hôtes particuliers au niveau des autorités américaines auraient-elles déplu au Sénégal au point de décider de les renvoyer chez eux en Libye?
Soulagement et compassion chez les occupants et riverains de l’immeuble Soxna Wolty Diop de la Patte-d’oie
Pour des raisons de sécurité et pour ne pas créer une panique inutile chez les habitants de l’immeuble ou du quartier en question, nous nous étions toujours gardés de révéler où logeaient les deux Libyens. Salem Abdul Salam et Al Khalifa, qui a perdu une jambe, vivaient en effet à l’immeuble Soxna Wolty Diop de la Patte-d’Oie. Un immeuble bien visible à droite de la route des Parcelles assainies, juste en descendant le pont Aliou Sow (ex pont Sénégal 92). Sur place, ils étaient sous la garde d’agents de la Division des investigations criminelles. D’ailleurs, quand les riverains ont commencé à comprendre qu’il s’agissait d’eux, beaucoup ont eu peur.
«Au début, les gens ne savaient pas qu’il s’agissaient d’eux. Mais un jour, quelqu’un les a reconnus et a vendu la mèche dans le voisinage. Ici, beaucoup de gens dans l’immeuble voulaient déménager, se disant que ce n’était pas sûr d’habiter avec eux. Quand ils sortaient, les gens évitaient même de les croiser dans les escaliers», souligne un habitant de l’immeuble.
«Un jour un conteneur est tombé dans la rue, c’était la panique générale, tout le monde a pensé à une bombe»
Le même habitant raconte une anecdote qui en dit long sur la peur qui animait les voisins. «Un jour, un conteneur est tombé dans la rue, mais c’était la panique générale. Les gens ont tous bondi hors de leurs appartements. Les gens ont tout de suite pensé à une bombe», narre-t-il. Mais, précise notre interlocuteur, «finalement, avec leur comportement, les gens ont commencé à devenir plus sereins et rassurés». A en croire notre source, «le plus jeune (Salem Abdul Salam) est un peu renfermé, mais le plus âgé, Omar (Omar Abu Bakr Al Khalifa) est très gentil et avait fini tant bien que mal à s’intégrer à la vie sénégalaise».
Et de rappeler : «le jour de la Tabaski, par exemple, il est entré dans tous les appartements pour saluer les gens et communier avec eux». Et notre interlocuteur de marquer sa tristesse et sa compassion. «J’ai mal pour eux, malgré tout. Pourquoi les avoir expulsés pour qu’ils retournent en prison ? Surtout que l’un, Omar, a la jambe amputée. C’est triste vraiment. Ils se sentaient bien ici. Leurs enfants étaient même venus ici. Du moins ceux du plus jeune. Ils ont passé un bon bout de temps ici avant de retourner. Il paraît qu’ils trouvaient trop austères et contraignantes les conditions de vie ici. Omar lui était vraiment free ici, ils avaient des amis qui venaient le voir», explique-t-il.
De nationalité libyenne Omar Abu Bakr Al Khalifa est cependant né à Casablanca, au Maroc (1972), alors que son compagnon d’infortune Salem Abdul Salam est natif de Zliten, à l’ouest de la Libye (1961). De la Libye, les deux hommes avaient rejoint Al-Qaïda en Afghanistan. Ils seront arrêtés en 2002 par les autorités pakistanaises, qui les ont remis aux Américaines. Identifiés comme des experts en armes et explosifs, et emprisonnés dans le tristement célèbre bagne de Guantanamo pendant plus de 14 ans, ils sont été libérés en 2014, avant de rejoindre le Sénégal qui leur avait donné l’asile humanitaire. Qu’est-ce qui a changé entre-temps, pour que le Sénégal se lève d’un coup pour les déporter en Libye où ils encourent un risque certain ? Surtout que pour «Al Arabiya», le Sénégal a bien demandé l’aval des Américains avant d’expulser les deux hommes.
Mbaye THIANDOUM & Sidy Djimby NDAO