Quatre ans après la disparition d’Ibrahima Diouf, travailleur saisonnier sénégalais à Villacarrillo (Jaén - Espagne), l’enquête connaît un tournant décisif. Des écoutes téléphoniques réalisées par la Guardia Civil impliquent directement son employeur, Ginés V. L., dans sa mort présumée. Déjà condamné pour exploitation de travailleurs migrants, l’entrepreneur agricole est désormais en détention provisoire pour homicide présumé et détention illégale d’armes. Cette affaire relance le débat sur les conditions de travail des saisonniers étrangers en Espagne.
Une disparition mystérieuse
Le 5 janvier 2021, Ibrahima Diouf, 31 ans, est vu pour la dernière fois alors qu’il se rend chez son employeur, Ginés V. L., pour réclamer des salaires impayés et dénoncer des abus de pouvoir. Ce jour-là, malgré la pluie, son patron l’avait contraint à travailler dans les champs. Depuis, aucune trace du travailleur sénégalais n’a été retrouvée.
Des preuves accablantes
L’enquête menée par la Unidad Central Operativa (UCO) de la Guardia Civil a permis de recueillir des éléments probants. Des écoutes téléphoniques, obtenues après l’installation d’un micro dans le véhicule de Ginés V. L., révèlent des déclarations incriminantes. Dans l’une d’elles, il déclare : «allez, tu ne le sauras pas.», «Allez préparer les prêtres», suggérant une implication directe dans la disparition d’Ibrahima. Les enquêteurs estiment que la mort aurait eu lieu entre 16h et 19h le 5 janvier 2021, au domicile de l’employeur, rue Guerrillero Uribe.
Un passé judiciaire chargé
Ginés V. L. n’en est pas à sa première affaire. En 2013, un autre saisonnier, Tidiany Coulibaly, 23 ans, originaire du Mali, disparaît après avoir travaillé pour lui. Bien que des objets appartenant à Coulibaly aient été retrouvés sur une propriété de l’employeur, l’enquête n’avait pas abouti à une condamnation pour homicide. En 2016, Ginés V. L. est condamné à deux ans et demi de prison pour exploitation de travailleurs migrants, mais acquitté du chef d’homicide faute de preuves.
Des perquisitions révélatrices
Les agents de l’UCO ont effectué plusieurs perquisitions dans les propriétés de Ginés V. L. Lors d’une fouille au domicile de sa mère, une arme à feu appartenant à l’épouse de l’employeur a été découverte, conduisant à son arrestation. Des recherches ont également été menées dans des zones difficiles d’accès, avec l’aide de drones, d’équipes cynophiles et de plongeurs, notamment dans le fleuve Guadalquivir, sans succès jusqu’à présent.
Une affaire emblématique
Cette affaire met en lumière les conditions précaires des travailleurs saisonniers étrangers en Espagne et les risques auxquels ils sont exposés. La répétition de tels incidents soulève des questions sur la surveillance des employeurs et la protection des droits des travailleurs migrants. La justice espagnole est désormais attendue pour faire toute la lumière sur cette affaire et prévenir de futurs abus.
Samba THIAM